Question au Gouvernement n° 682 :
sans-papiers

11e Législature

Question de : M. Jean-Jacques Jégou
Val-de-Marne (4e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 3 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre de l'intérieur, à la fin de la semaine dernière s'est achevée la période de régularisation concernant 145 000 immigrés. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Près de la moitié d'entre eux semblent avoir été régularisés. Ma question portera sur les quelque 75 000 dossiers restants. Maintenant que vous connaissez les identités et les adresses de ces personnes, il vous faut, dans les conditions que vous-même avez très souvent indiquées - et nous partageons votre point de vue -, c'est-à-dire de façon humanitaire et personnalisée...
Un député du groupe socialiste. Tartuffe !
M. Jean-Jacques Jégou. ... mais ferme, demander à ces personnes en situation irrégulière de regagner leur pays. L'Etat de droit exige en effet que nous fassions la différence entre le plus grand nombre des immigrés, qui séjournent en France de façon régulière, et ceux qui n'ont pas de titre de séjour.
Vous et votre gouvernement vous êtes mis vous-mêmes dans cette situation. Comment comptez-vous en sortir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, nous gérons votre héritage. («C'est faux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et nous le gérons doublement !
Permettez-moi de vous dire en préalable que le mot sans-papiers est impropre. Il s'agit de personnes qui ont des papiers, ceux de leur pays d'origine, et qui demandent des papiers français. Ces 150 000 demandeurs de papiers français sont un héritage, car ils existaient du temps de M. Jean-Louis Debré. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Charles Cova. Non ! Ils ne sont pas apparus subitement il y a deux ans; ils sont chez nous depuis dix ans !
M. le ministre de l'intérieur. Mais nous devons gérer aussi l'héritage des provocations dont M. Debré était coutumier: je pense à l'article 1er de son projet de loi, qui a mis un certain nombre d'artistes sur les planches. Ils en sont maintenant à leur 450e représentation, mais le problème a changé de nature. Nous sommes aujourd'hui confrontés à une situation beaucoup plus simple qu'il y a un peu plus d'un an.
Le rythme des reconduites à la frontière, sous M. Debré, dépassait rarement 10 000 par an. Pour notre part, sur la base de critères d'humanité, sur la base du droit de vivre en famille (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), nous allons régulariser vraisemblablement - je n'ai pas encore les chiffres - un peu plus de 70 000 personnes. Il en restera à peu près 70 000.
M. Jacques Myard. Sept ans de travail !
M. le ministre de l'intérieur. Au rythme de M. Debré, il aurait fallu près de huit ans.
M. Jean-Louis Debré. Et à votre rythme ?
M. le ministre de l'intérieur. Il nous faudra beaucoup moins de temps.
A supposer, bien entendu, qu'il n'y ait que 150 000 étrangers en situation illégale. Si j'en crois Le Monde, il y en aurait 300 000. Moi, je n'en sais rien. Par définition, je n'ai pas pu les compter.
M. Jean-Louis Debré. J'ai fait mieux que vous auparavant, puisque vous ne faisiez rien !
M. le ministre de l'intérieur. Dans cette hypothèse, au rythme de M. Debré, cela prendrait encore plus de temps.
En tout état de cause, et pour en rester à ce que je sais, à ce que je connais, à ce qui a fait l'objet de demandes dans les préfectures, le problème est aujourd'hui beaucoup plus simple.
Par ailleurs, le délégué interministériel aux migrations et au développement s'est rendu au Mali avec M. le ministre chargé de la coopération. Nous avons déjà réfléchi à ce que pourraient être des procédures permettant non seulement le retour, mais aussi une réinsertion correcte dans le pays d'origine.
J'ajoute que les recours qui seront examinés durant le courant de l'été le seront par une équipe renforcée. J'ai donné ces derniers jours des directives pour qu'elle puisse examiner tous les cas d'espèce car, vous le savez bien, dans une affaire comme celle-là, il y en a beaucoup. Et j'invite tous ceux qui parlent de telle ou telle personne en citant un prénom, ou bien x, y, z, à bien vouloir m'écrire pour me dire: voilà le cas de M., Mme ou Mlle Untel qui me paraît mériter d'être réexaminé.
M. Jean-Louis Debré. Délation !
M. le ministre de l'intérieur. Je tiens à rendre hommage au travail trop souvent décrié des préfectures. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Je n'accepte pas qu'on traite par le mépris le travail de gens qualifiés de «guichetiers», alors qu'ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour l'effectuer de façon régulière.
Je n'accepte pas non plus qu'on prétende que des directives n'ont pas été données par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, car plus de trente directives ou circulaires ont été envoyées aux préfectures pour que les décisions soient calibrées au plus juste.
Donc, j'y insiste, c'est une opération exemplaire qui a été réalisée (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), sur la base même des critères de régularisation proposés par la Commission nationale consultative des droits de l'homme et par les associations qui la constituent pour une large part.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française. C'est faux !
M. le ministre de l'intérieur. Je considère que cette opération a été menée avec continuité, avec régularité, avec bonne foi, et je n'accepte pas les procès démagogiques d'où qu'ils viennent.
M. Arnaud Lepercq. Répondez à la question !
M. Patrick Ollier. Qu'allez-vous faire des 70 000 irréguliers ?
M. le ministre de l'intérieur. Je combats tous les préjugés, qu'ils soient de droite ou de gauche, mais le propre de la gauche, c'est qu'elle sait s'affranchir des préjugés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Arnaud Lepercq. Combien de sans-papiers allez-vous reconduire par an ?

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Jégou

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 1998

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