Question au Gouvernement n° 683 :
Air France

11e Législature

Question de : M. Dominique Bussereau
Charente-Maritime (4e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 3 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau.
M. Dominique Bussereau. Monsieur le ministre des transports, il est dommage et grave que vous n'ayez pas négocié jusqu'à présent dans l'affaire Air France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), que vous ayez laissé passer ce week-end qui aurait pu être celui des discussions comme cela avait été le cas pour les transporteurs routiers, et que nous soyons, à quelques jours de la Coupe du monde, dans la situation actuelle. Il est dommage et grave que soit mise en cause la survie même de l'entreprise Air France. En 1993, vous l'avez rappelé, elle aurait pu disparaître. Il a fallu l'effort de la collectivité publique, l'effort de chaque contribuable pour qu'elle continue d'exister.
Aujourd'hui, un jour de grève, c'est 100 millions de francs, et la survie de l'entreprise est à nouveau en cause.
Mais, monsieur le ministre, il est surtout coupable que vous ayez pris en septembre la décision, soi-disant irréversible, de ne pas faire d'Air France une entreprise comme les autres.
Si vous aviez fait d'Air France une entreprise comme les autres, les pilotes accepteraient aujourd'hui l'échange d'actions.
Si vous aviez fait d'Air France une entreprise comme les autres, les pilotes seraient dans une autre situation et l'entreprise aurait des alliés européens ou internationaux qu'elle ne peut pas avoir aujourd'hui, car personne ne peut participer à son capital.
La question que je vous pose au nom du groupe Démocratie libérale est très simple: quand comprendrez-vous enfin que le rôle de l'Etat est d'assurer la sécurité aérienne et de protéger les aéronefs contre le terrorisme, mais que l'Etat n'a pas à être propriétaire d'une entreprise de transport aérien ?
Vous avez dit l'autre jour qu'une entreprise publique devait rester publique parce que c'est un gage de bon fonctionnement. Nous voyons aujourd'hui comment Air France fonctionne. Nous voyons aujourd'hui les conséquences coupables de vos décisions.
Nous vous demandons de revoir votre copie sur Air France, car la situation dont vous êtes responsable met en cause l'avenir du transport aérien dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la Démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le député, vous avez parlé des efforts réalisés depuis 1993 en oubliant - et peut-être est-ce significatif - de mentionner ceux des salariés ! (Murmures sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Moi, je considère qu'il faut d'abord prendre en compte les efforts des salariés.
Je vous rappelle que, sous votre gouvernement, 11 000 emplois ont été supprimés dans le périmètre d'Air France. Aujourd'hui, il n'y a plus de suppressions d'emplois; nous voulons, au contraire, augmenter les effectifs en embauchant 5 000 à 6 000 personnes.
M. Arnaud Lepercq. Si c'est pour rester au sol, ça ne vaut pas le coup !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez ajouté - et cela ne m'a pas surpris - que la solution était de privatiser.
Mme Françoise de Panafieu. Bien sûr !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce choix était celui du gouvernement précédent et de l'ancien président d'Air France. C'est encore celui de l'opposition en général.
M. Philippe Auberger. Absolument !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas le choix du Gouvernement.
M. Arnaud Lepercq. Erreur !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vais vous dire pourquoi, et je suis sûr que, même dans les rangs de l'opposition, vous pouvez entendre cette idée très simple: nous ne sommes pas aux Etats-Unis; nous avons une seule compagnie de dimension nationale et internationale.
M. Arnaud Lepercq. Elle n'existera bientôt plus !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si, demain, cette compagnie venait à souffrir de difficultés, je suis sûr que l'ensemble des députés, dans toute leur diversité, viendraient taper à la porte du Gouvernement pour lui demander de la sauver.
M. François d'Aubert. C'est l'argent du contribuable !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. A partir de cette idée, l'entreprise Air France, tout en ouvrant son capital - ce qui prouve la volonté du Gouvernement de faire évoluer les choses - doit rester dans le secteur public. C'est ainsi qu'elle pourra se moderniser.
Monsieur Bussereau, vous avez déclaré l'autre soir, dans une émission de télévision: «Moi, je n'achèterai pas des actions d'Air France !» Votre interlocuteur, un pilote responsable d'un syndicat concerné par le conflit, vous a répondu assez vertement: «Eh bien, moi, j'en achèterai parce que je veux défendre ma compagnie !» (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian. Alors vendez-les !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui, nous voulons défendre la compagnie Air France. Le fait que le capital public soit majoritaire n'est pas un handicap; c'est un atout pour que la gestion de l'entreprise soit le plus efficace possible, mais aussi pour qu'elle ne se régule pas sur la seule rentabilité financière et prenne également en compte le social, la participation des salariés et l'intérêt de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Dominique Bussereau

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : équipement et transports

Ministère répondant : équipement et transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 1998

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