immigration
Question de :
M. Roland Carraz
Côte-d'Or (3e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 17 juin 1998
M. le président. La parole est à M. Roland Carraz.
M. Roland Carraz. Monsieur le ministre de l'intérieur, je voudrais vous interroger sur certaines déclarations récentes, déclarations discriminatoires, délibérées et coupables. Je veux parler de ce qu'a dit notre collègue Edouard Balladur, ancien candidat de la pensée unique à la Présidence de la République. (Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je considère ces déclarations comme discriminatoires...
M. Charles Cova. Pas nous !
M. Roland Carraz. ... parce que contraires à l'esprit d'égalité inscrit dans la Constitution; comme délibérées parce que rien n'est dû au hasard; comme coupables parce que notre collègue prête la force de sa personnalité de premier plan à des thèses parfaitement condamnables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe démocratie libérale et Indépendants.)
M. Gilbert Meyer. Ce que vous dites est nul !
M. Roland Carraz. Tout cela démontre qu'une partie de la droite - que je ne reconnais pas dans la droite républicaine (Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) -...
M. Charles Cova. Elle représente 15 % des Français !
M. Roland Carraz. ... veut de nouveau placer l'immigration au coeur du débat public, comme s'il s'agissait du problème central de la société française et du principal élément de clivage entre la droite et la gauche.
Mes chers collègues, je considère qu'il s'agit d'un jeu dangereux pour la République et que ces déclarations, venant après les élections régionales et les alliances auxquelles nous avons assisté dans certaines régions, sont préoccupantes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je le dis pour ceux qui, à droite, veulent faire de l'immigré le bouc émissaire de tout ce qui ne va pas et l'otage de leurs ambitions électorales.
M. Philippe Auberger. Ce n'est pas une question d'actualité !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est du délire !
M. Roland Carraz. Je le dis aussi, à l'inverse, pour la petite minorité qui, ailleurs, s'obstine à faire des sans-papiers les nouveaux héros de la République.
Il y a pourtant en la matière une voie juste, équilibrée, républicaine, à la fois humaine et ferme: c'est celle du Gouvernement, qui donne à tous les républicains, de droite comme de gauche, l'occasion d'adresser des signes forts à notre opinion publique, à notre pays et de ne plus faire de l'immigré l'otage d'un débat politicien.
M. Charles Cova. Faites un référendum et vous verrez !
M. Roland Carraz. Voilà le sens de ma question: j'aimerais savoir, monsieur le ministre de l'intérieur, quelles réflexions vous inspirent les déclarations de M. Edouard Balladur sur la pseudo-préférence nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. Richard Cazenave. C'est la première fois qu'on pose au Gouvernement une question sur les propos d'un député !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, M. Balladur a posé des questions auxquelles je voudrais apporter des réponses qui sont celles de la République.
M. Jean Glavany. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur. Ces déclarations, que je regrette, me semblent en effet l'occasion de démonter le discours de l'extrême droite.
Selon la conception républicaine de la nation, est français le citoyen français: un point c'est tout !
M. Richard Cazenave. Et alors ?
M. le ministre de l'intérieur. J'avais eu l'occasion, lors de la discussion de la loi RESEDA, de marquer la différence entre deux conceptions de la nation. Certains d'entre vous n'avaient pas accepté mon propos, mais probablement parce qu'ils ne l'avaient pas compris.
M. Franck Borotra. Il n'était pas clair !
M. le ministre de l'intérieur. J'avais distingué la conception républicaine et la conception que je qualifierai d'ethnico-culturelle, celle que l'on trouve, par exemple, chez Charles Maurras, écrivain incontestable mais qui développe une conception de la nation qui n'est pas républicaine.
M. Jean-Christophe Cambadelis. Absolument !
M. le ministre de l'intérieur. Dans la conception républicaine, la France est une construction politique. Contrairement aux étrangers, le citoyen français a accès aux droits politiques, au droit de vote, à la fonction publique, en particulier quand elle touche les fonctions de souveraineté. Mais, en matière de droits sociaux, c'est le principe d'égalité qui s'applique, aussi bien à l'égard des citoyens français qu'à l'égard des étrangers en situation régulière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. Pierre Lellouche. Pas toujours !
M. le ministre de l'intérieur. Le principe d'égalité s'applique aux étrangers pour le droit au travail. Il s'applique aux étrangers qui ont cotisé à la sécurité sociale pour les prestations contributives. Depuis la loi RESEDA, il s'applique également pour les prestations non contributives - Fonds national de solidarité et allocation pour les jeunes handicapés - parce que ces étrangers payent des impôts. C'est l'honneur et la fierté de la majorité actuelle que d'avoir parfait l'égalité des droits sociaux.
M. Yves Rome. Absolument !
M. le ministre de l'intérieur. Je regrette que M. Balladur n'ait pas compris ce discours (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), qui a pourtant, me semble-t-il, le mérite de la clarté. A moins qu'il n'ait répondu par un lapsus significatif,...
M. Pierre Lellouche. Quand vous cessez de jouer l'instituteur, vous vous faites procureur !
M. le ministre de l'intérieur. ... qui me rappellerait le propos de l'un de mes anciens professeurs de philosophie, selon lequel la différence entre la droite et la gauche se situait tout simplement entre ceux qui n'ont pas accepté et ceux qui ont accepté réellement la Révolution française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Franck Borotra. La vraie différence, c'est que 80 députés du groupe socialiste ont été élus grâce au Front national !
M. le président. Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.
Auteur : M. Roland Carraz
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 juin 1998