Question au Gouvernement n° 766 :
ONU

11e Législature

Question de : M. Christophe Caresche
Paris (18e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 25 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Monsieur le ministre des affaires étrangères, en ce moment même, se tient à Rome, à l'initiative de l'ONU, une conférence diplomatique sur la création d'une cour criminelle internationale. Il s'agit de traduire dans la réalité l'idée simple née à la fin de la guerre de l'effroi suscité par l'horreur des crimes nazis: aucun de ceux qui ont participé à de tels actes ne doit rester impuni.
Il aura fallu plus de cinquante ans et de nombreux autres crimes pour qu'on envisage, enfin, la création d'un véritable tribunal permanent international qui, par son caractère supranational notamment, sera seul à même de garantir les poursuites contre les auteurs de génocides, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre.
La France, qui a été à l'origine de cette démarche, a paru dans un passé récent hésiter, notamment en voulant conditionner la saisine de cette cour criminelle à l'accord des Etats concernés. Notre pays, par son histoire et ce qu'il représente dans le monde, a pourtant un rôle majeur à jouer dans cette conférence.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelle sera la position du gouvernement français dans cette négociation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, la conférence diplomatique chargée d'établir et d'adopter - nous l'espérons - le statut de la cour criminelle internationale s'est, en effet, ouverte le 15 juin à Rome et j'ai présenté le 17 juin les positions arrêtées par le Premier ministre avec l'accord du Président de la République. Elle va durer plusieurs semaines et s'annonce compliquée.
Pour notre part, nous l'abordons avec l'intention de réussir et de participer pleinement à l'adoption de ce statut. Pour cela, il faut parvenir à concilier plusieurs exigences qui, à l'ouverture de la conférence, apparaissent encore comme contradictoires. Nous voulons une cour qui puisse véritablement s'imposer et rendre la justice pour mettre un terme à une impunité intolérable s'agissant de crimes particulièrement odieux. D'où la compétence que nous estimons pouvoir être automatique pour les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité en général. En revanche, nous avons proposé que ce soit la négociation à Rome qui détermine les modalités de la compétence pour les crimes de guerre qui n'ont pas toujours le caractère planifié et automatique des premiers que j'ai cités. La négociation permettra de conclure sur ce point.
Une autre question devra être tranchée: celle de la saisine. Nous souhaiterions que la cour puisse s'autosaisir dès lors qu'il y aurait un accord entre le procureur et la chambre préliminaire dont nous avons proposé la création pour essayer de réconcilier le droit de tradition romano-germanique, le droit civil, et la common law. Il importe, en effet, de veiller à ce que cette institution ne se bâtisse pas uniquement sur la base de la common law.
Nous avons fait également des propositions sur l'accès des victimes à la procédure.
Reste, enfin, la question compliquée du Conseil de sécurité sur laquelle, au point de départ de la conférence, existent de vraies divergences. Un certain nombre de pays considèrent, en effet, que le Conseil de sécurité n'a pas son mot à dire en la matière, tandis que d'autres, dont la France, estiment qu'il ne faut pas créer un organisme risquant d'entrer en contradiction avec les responsabilités du Conseil de sécurité, dont on ne peut se passer, notamment alors qu'un certain nombre de conflits échappent actuellement à tout contrôle. La France, s'inspirant en cela d'une suggestion de Singapour, a proposé que, dans les cas, peut-être hypothétiques - mais il vaut mieux prévoir -, où la Cour serait amenée à se saisir d'un sujet que le Conseil de sécurité traiterait en même temps, ce dernier puisse demander à la Cour de renoncer, peut-être d'ailleurs momentanément.
Voilà où nous en sommes. Nous avons adopté une position ouverte et responsable. Nous voulons que cette organisation s'installe dans la durée et s'impose dans le système international afin de contribuer à empêcher l'impunité et à mieux maîtriser la vie mondiale, mais j'ignore si nous pourrons parvenir à un accord à Rome compte tenu des différents points de vue. La France est dans une position médiane, respectée par tous, je crois. De ce fait, elle est en mesure, dans les semaines qui viennent, de participer de façon décisive à la recherche d'une solution. En tout cas, c'est dans ce sens que nous travaillons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en venons au groupe UDF.

Données clés

Auteur : M. Christophe Caresche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Organisations internationales

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juin 1998

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