sans-papiers
Question de :
M. Rudy Salles
Alpes-Maritimes (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 1998
M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais je ne le vois pas encore dans l'hémicycle. Je ne doute pas, néanmoins, qu'un membre du Gouvernement sera en mesure de me répondre...
Nous arrivons au terme de la session ordinaire du Parlement. Cette séance de questions d'actualité est donc la dernière avant la rentrée d'automne et nous ne voulons pas nous quitter, ni surtout quitter le Gouvernement, sans faire le point sur une question qui préoccupe les Français et a été souvent posée par les députés de l'opposition pendant cette session parlementaire: celle de l'immigration clandestine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Cela me fait plaisir que les député socialistes réagissent de la sorte. Ils ont déjà tout compris !
M. Jean Glavany. On connaît vos rengaines !
M. Rudy Salles. Espérant calmer les ardeurs du groupe socialiste, je voudrais, sur ce sujet, formuler quelques remarques et poser une question au Gouvernement.
Première remarque: la loi Chevènement qui a suivi la circulaire de juin 1997 visait à affaiblir le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine instauré par la législation Pasqua-Debré. Certes, les dispositions proposées par votre gouvernement ne vont pas assez loin en faveur des sans-papiers... Mais nous savons bien qu'aucune législation laxiste n'ira loin pour les immigrés en situation irrégulière.
Ma deuxième remarque concerne les régularisations de sans-papiers que vous avez effectuées depuis la circulaire de 1997. L'opposition a posé beaucoup de questions à ce sujet pour savoir quel était le chiffre exact de ces régularisations. A ce jour, nous n'avons obtenu aucune réponse sérieuse...
M. Jean Glavany. Vous êtes sourd !
M. Rudy Salles. ...ce qui laisse à penser qu'en réalité le laxisme l'a une fois de plus emporté sur les nécessités réelles du pays. En outre, et conformément aux inquiétudes que nous évoquons ici depuis plusieurs mois, nous avons bien compris que les non-régularisés ne seront quasiment pas expulsés de France.
Ma troisième remarque pourrait résumer à elle seule les deux précédentes: votre gouvernement n'a aucune volonté de régler le problème de l'immigration clandestine; je dirai même qu'il apporte tous les jours les preuves du contraire. On ne peut faire tenir des discours de façade à son ministre de l'intérieur pour laisser apparaître une fausse fermeté et faire voter des textes ou prendre des circulaires qui, manifestement, vont à l'encontre de ce qui est dit. C'est là une manoeuvre de plus pour se présenter aux Français sous un jour qui n'est pas le vôtre, car manifestement la lutte contre l'immigraition clandestine n'est pas votre registre.
M. Jean-Claude Perez. Posez votre question !
M. Rudy Salles. Je voudrais, pour terminer, vous citer quelques phrases de vos amis.
M. Chevènement, à propos des associations soutenant les sans-papiers déboutés, se demande si elles «défendent les causes des filières criminelles» qu'utilisent souvent les clandestins pour entrer en France.
M. Jean Glavany. La question !
M. Rudy Salles. M. Cochet, député de votre majorité, écharpe tricolore en bandoulière, parrainant des sans-papiers, accuse la loi Chevènement sur l'immigration d'être «inique et inapplicable».
M. Patrick Ollier. C'est scandaleux !
M. Rudy Salles. Ce manque de clarté révèle l'absence de volonté politique de votre majorité en la matière.
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. Rudy Salles. Ma question est la suivante («Ah !», sur les bancs du groupe socialiste) et je serais très heureux d'avoir une réponse claire et nette.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Pour une fois !
M. Rudy Salles. Face à ces parlementaires de votre majorité qui parrainent des sans-papiers dans les mairies de la République, et cela en toute illégalité, quelle est votre position ? Approuvez-vous ou condamnez-vous de telles pratiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. Je vous signale, mon cher collègue, que votre question - j'ai fait une exception parce que c'est notre dernière séance de cette nature - a duré cinq minutes.
Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Et alors ?
Mme Odette Grzegrzulka. Cinq de trop !
M. le président. Cela signifie - je l'indique à celui qui, courtoisement, me répond «Et alors ?» - que M. Kert, qui devait intervenir ensuite, risque de s'en trouver pénalisé.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, le Gouvernement a dejà eu l'occasion de dire qu'il examinerait l'ensemble des recours qui seraient formés à la suite de la circulaire de régularisation que j'ai signée le 24 juin 1997. Cette circulaire a donné lieu à environ 80 000 régularisations sur la base de critères essentiellement familiaux. Si ces critères n'ont pas été appliqués avec suffisamment d'esprit de précision, bien que le nombre des régularisations montre que la circulaire a été mise en oeuvre avec humanité, le Gouvernement est tout à fait disposé à examiner les recours qui seront formés.
Il se trouve qu'un certain nombre de pétitionnaires ou de personnes veulent faire obstacle à l'application de la loi, qui est la loi de la République. Naturellement, je ne saurais que condamner ce comportement car cette loi est juste. Elle répond à des principes. Elle est conforme à l'intérêt national. Elle permet de tenir compte des situations individuelles et, en particulier, des situations familiales. Elle instaure une carte de séjour «vie privée et familiale», grâce à laquelle il n'y aura plus désormais d'étrangers irrégularisables-inexpulsables.
Nous sommes confrontés à des personnes qui disent faire une grève de la faim au temple des Batignolles, dans le XVIIe arrondissement. J'ai demandé aux intéressés de bien vouloir me faire parvenir la liste des dossiers.
J'ai là la réponse du «troisième collectif». Je vous en cite deux phrases:
«Il ne sera pas déposé de liste de grévistes de la faim.»
«Il n'y a pas lieu pour l'instant de déposer les listes de l'ensemble des membres du troisième collectif dans les préfectures.»
Le troisième collectif rassemble à peu près 700 personnes, essentiellement d'origine chinoise ou turque.
Le Gouvernement n'est pas disposé à opérer une régularisation générale. Il a choisi la voie d'une régularisation sur critères. Ces critères sont ceux-là mêmes qui ont été réclamés par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, à laquelle appartiennent la plupart des associations qui se manifestent aujourd'hui, en contradiction avec ce qu'elles souhaitaient il y a deux ans dans l'avis qui a été formulé le 12 septembre 1996.
Je constate donc qu'il n'y a pas actuellement de volonté de déposer des dossiers, ou en tout cas d'appeler l'attention des pouvoirs publics sur des dossiers qui pourraient être examinés en extrême urgence, compte tenu de la situation dans laquelle se mettent, en principe, ces personnes qui déclarent faire la grève de la faim.
J'observe que la plupart des membres du collectif sont originaires d'une province située au sud de Shangaï. Ils s'endettent jusqu'à 150 000 francs auprès de filières criminelles d'immigration clandestine qui, ensuite, pour se rembourser, instaurent dans 1 500 ateliers clandestins de la région parisienne un travail forcé, rémunéré une dizaine de francs par jour.
M. Rudy Salles. Et les parrainages ?
M. le ministre de l'intérieur. Il faut être tout à fait clair: céder sur ce plan serait naturellement accorder une prime à ces filières qui introduisent, bon an mal an, entre 2 000 et 3 000 clandestins, lesquels pèsent naturellement sur le marché du travail dans la confection et la maroquinerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Richard Cazenave. Qui parraine ?
M. le ministre de l'intérieur. Est-ce cela que nous voulons ? Non, car nous n'entendons pas déplacer les contradictions.
M. le président. Pouvez-vous conclure, monsieur le ministre ?
M. Rudy Salles. Répondez sur les parrainages !
M. le ministre de l'intérieur. Quant aux personnes dont les recours auront été rejetés, c'est une question à laquelle j'ai déjà répondu. La loi doit être appliquée et il n'est jamais bon, surtout lorsqu'on est un élu du suffrage universel, de vouloir entraver l'application de la loi républicaine votée par le Parlement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Patrick Ollier. C'est pour vous, monsieur Cochet !
M. le ministre de l'intérieur. Les non-régularisés ont naturellement vocation à quitter le territoire, mais le Gouvernement met sur pied, à travers la délégation interministérielle au codéveloppement et aux migrations internationales, des procédures, des formules de stages de mise à niveau, qui permettent que leur départ puisse se dérouler dans les conditions les plus humaines.
Encore une fois, je suis prêt à examiner ou à faire examiner tous les dossiers individuels qu'on voudra bien faire parvenir au ministère de l'intérieur, en urgence.
Le Gouvernement a dit ce qu'il ferait, et il fait ce qu'il a dit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Nous en venons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.
Auteur : M. Rudy Salles
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 1998