Question au Gouvernement n° 778 :
croissance

11e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, pour la neuvième fois en douze mois, les chiffres du chômage sont en baisse...
M. André Angot. Merci Juppé !
Mme Nicole Bricq. Non: merci Jospin !
M. Jean-Marc Ayrault. ... et le rythme de croissance de notre économie montre que notre pays a retrouvé confiance et dynamisme.
M. Bernard Accoyer. Re-merci Juppé !
M. Jean-Marc Ayrault. Mais les incertitudes des économies asiatiques suscitent des interrogations. Les instituts de conjoncture économique, s'ils sont d'accord sur le fait que nous sommes entrés dans un cycle de croissance, divergent quant à son rythme et à sa durée.
M. Robert Pandraud. Ils se sont toujours trompés !
M. Louis de Broissia. De si peu !
M. Jean-Marc Ayrault. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous faire partager votre analyse et nous dire quelle politique vous entendez poursuivre afin de conforter cette situation favorable à l'emploi et à la réduction des inégalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Comme vous l'indiquez dans votre question, monsieur le député, et comme Mme Martine Aubry le rappelait il y a un instant, les chiffres du chômage pour mai, publiés ce matin même, indiquent une nouvelle décélération du chômage dans notre pays.
M. Jean-Claude Thomas. Artificielle !
M. Patrick Devedjian. Plus faible que dans les autres pays !
M. le Premier ministre. Près de 15 000 personnes, hommes et femmes, ont ainsi trouvé ou retrouvé un emploi.
Cette tendance à la baisse est constante depuis sept mois. Contrairement à ce que disait tout à l'heure un député de l'opposition, on n'assiste donc pas à des destructions mais bien à des créations d'emplois, qui entraînent une réduction du nombre des chômeurs.
Cette réduction est, en outre, particulièrement forte pour les jeunes: le nombre de jeunes chômeurs a diminué de 13 % depuis un an. C'est un signe très important pour l'avenir du pays.
M. Patrick Devedjian. Mais la durée du chômage augmente !
M. le Premier ministre. Cette baisse est due à la fois à l'accélération de la croissance que nous avons favorisée (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendantes. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et à la politique d'emplois-jeunes, qui a connu ses premiers résultats.
Rappelons qu'au premier semestre de 1997, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, la croissance était plus faible en France que chez nos partenaires européens. La consommation stagnait et l'investissement reculait.
M. Jean-Claude Thomas. C'est Zorro !
M. le Premier ministre. Depuis un an, toute notre politique a consisté à trouver un équilibre entre la nécessaire maîtrise des déficits publics et la volonté de favoriser, par un redémarrage de la consommation, la reprise de l'investissement, elle-même susceptible de créer des emplois.
A cet égard, un premier résultat est d'ores et déjà atteint: depuis le second semestre de 1997 la reprise de la consommation puis celle de l'investissement alimentent notre croissance, qui se révèle solide malgré une contraction des perspectives économiques internationales du fait de la crise asiatique.
M. André Santini. Je croyais qu'elle n'aurait pas de conséquences !
M. le Premier ministre. Mais notre politique économique ne s'est pas bornée à accompagner et à favoriser l'emploi. Il faut comprendre à quel point notre économie est insérée dans l'espace européen. Nous avons tout fait pour faire revenir l'emploi et la croissance au premier plan des préoccupations de l'Europe, pour rendre possible la coordination des politiques économiques grâce au Conseil de l'euro, pour parvenir, dans les termes et au moment voulus, à la convergence des monnaies par le biais de l'euro. Ce faisant, nous avons contribué à conforter la tendance à la croissance et à la progression de l'emploi dans l'Union européenne, ce qui tranche par rapport à certaines autres régions du monde.
Le retour de la croissance était une condition indispensable pour faire reculer le chômage. Mais nous savons bien aussi que la lutte contre le chômage et l'exclusion nécessite une action dans la durée. Je ne saurais donc me satisfaire d'une succession de bons indices, même si ceux-ci se traduisent aussi dans la vie de tous les jours pour des milliers d'hommes, de femmes et de jeunes qui, retrouvant l'emploi, retrouvent courage et espoir.
Pour répondre plus complètement à votre question, monsieur le député, notre politique économique à moyen terme s'articule autour de trois priorités.
Pour commencer, nous entendons faire en sorte que la croissance soit durable. D'où notre action, au-delà des indications que je viens de vous fournir, en faveur des nouvelles technologies, des nouveaux secteurs productifs capables de créer davantage d'emplois.
Nous voulons ensuite, c'est notre deuxième priorité, réduire plus fortement encore le chômage par un changement du contenu même de la croissance. La croissance quantitative est certes essentielle, mais elle ne suffira pas. Il faut modifier son contenu qualitatif; d'où notre politique en faveur de la réduction du temps de travail et des emplois-jeunes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ce projet n'est pas seulement celui du Gouvernement. Il peut et doit, dès maintenant, grâce au vote de la loi sur les 35 heures, devenir celui des acteurs de la vie économique et sociale, des partenaires sociaux, grâce à la négociation qui doit se développer partout dans le pays, à la mesure de l'activité qui reprend et de l'espoir qui renaît. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Enfin, troisième orientation, nous souhaitons que cette croissance profite à tous, en tout cas au maximum d'hommes et de femmes; c'est tout le sens de notre politique contre les exclusions.
Dans le même esprit, nous ferons porter nos efforts sur le chômage de longue durée, qui, dans toute période de reprise, est le plus lent à reculer. C'est là un problème essentiel et c'est un des chantiers auxquels s'est attelée Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ces priorités seront - et grâce à vous, mesdames, messieurs les députés - également traduites dans le budget de l'Etat pour 1999, qu'il s'agisse des dépenses publiques ou de la réforme fiscale, qui devront être guidées par un souci de justice et avoir pour objectif l'emploi.
L'action de mon gouvernement ne se réduit naturellement pas au seul champ économique et social - vous l'avez montré par vos votes sur nos projets -, mais, dans ce champ, notre priorité restera de concilier la lutte pour la croissance et pour l'emploi avec l'efficacité économique et la justice sociale. En une année de travail, nous avons pu progressivement, modestement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), faire renaître dans notre pays ce qui reste un facteur essentiel de la vie économique, un facteur invisible mais que nous vous rendons visible et perceptible: la confiance. En effet, quand la confiance renaît, l'activité économique reprend vie également. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 1998

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