Question au Gouvernement n° 782 :
marchés financiers

11e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 7 octobre 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, un certain nombre de pays, tout particulièrement en Asie, ont connu l'été dernier une très grave crise financière. Celle-ci se manifeste depuis quelques semaines par une chute des valeurs boursières, y compris en Europe, mouvement qui, à l'évidence, présente des aspects spéculatifs sans lien avec la réalité des économies concernées. Enfin, le récent sommet du G 7 a émis un message qu'il conviendrait de préciser.
Pouvez-vous nous donner votre analyse de cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Je tiens à souligner d'abord, mesdames, messieurs les députés, que les ministres qui, avec moi, accompagnaient le Président de la République...
M. Jacques Myard. Bonnes fréquentations ! (Sourires.)
M. le Premier ministre. ... au sommet franco-italien de Florence ont vraiment fait le plus vite possible pour être avec vous et participer à cette séance de questions d'actualité ! (Applaudissements et sourires sur divers bancs.) Nous aurions pu être tentés de flâner quelque peu du côté des Offices...
M. Philippe Auberger. Il ne faut pas confondre les tentations de Florence et la tentation de Venise ! (Sourires.)
M. le Premier ministre. Nous sommes donc là, et je suis heureux, monsieur le député, de répondre à votre question, en l'absence de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, retenu à Washington, qui nous rejoindra bientôt, les questions posées par M. Ayrault, qui nous intéressent tous, ayant par ailleurs une dimension politique.
Pour ma part, j'ai été extrêmement intéressé, et cela devrait vous intéresser tous, de voir surgir ces derniers temps dans l'opinion et dans les médias l'interpellation suivante: mais que font les politiques ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Franck Borotra. Qui vous demandait ça ?
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Les communistes !
M. le Premier ministre. Je vous rappelle, et cela nous concerne tous, qu'il y a quelques mois encore, on demandait surtout aux politiques de ne pas s'occuper des problèmes économiques internationaux et de laisser fonctionner les marchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mais quand les désordres se répandent, quand la spéculation flambe, quand, à l'évidence, des dysfonctionnements éclatent dans le système financier et monétaire international, vers qui se tourne-t-on ? Effectivement vers les politiques, parce qu'ils représentent les Etats, force d'organisation dans la communauté internationale, et parce qu'ils représentent la légitimité des peuples. Et c'est en fonction des peuples que doivent être organisés le système monétaire international...
M. Jacques Myard. A Amsterdam ?
M. le Premier ministre. ... et le système financier. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Baratin !
M. le Premier ministre. La réponse aux désordres d'aujourd'hui doit se faire à mon sens sur trois plans, national, européen et international. («Prétentieux», sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Sur le plan national, la politique que conduit le Gouvernement depuis quinze mois vise à assurer la plus forte croissance possible dans le respect des équilibres, et notamment des critères budgétaires. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Nous avons su en quinze mois relancer la consommation et, à partir de là, l'investissement au point que ces deux moteurs de la croissance ont pu prendre le relais d'une conjoncture internationale affaiblie.
Le projet de budget pour 1999, dont vous aurez l'occasion de débattre,...
M. Jacques Myard. Il est déjà dépassé !
M. le Premier ministre. ... a été aussi un choix qui apparaît pertinent. Ceux qui, considérant que la croissance étant déjà là et non menacée, nous pressaient de rogner sur les dépenses publiques avaient tort, je crois. En assurant un niveau minimal de progression des dépenses publiques, nous assurons un effet antidéflationniste minimal face à la conjoncture économique actuelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
Je souhaite que les acteurs de la vie économique en France - salariés, consommateurs, chefs d'entreprise - s'appuient sur ce climat nouveau dans notre pays, sur ces moteurs de l'investissement et de la croissance pour lutter résolument contre les conséquences spéculatives de la bulle financière sur l'économie réelle.
Nous devons par ailleurs agir sur le plan européen. En effet, les pays de l'Union européenne réalisent entre eux 90 % de leurs échanges, ce qui veut dire que, si nous menons des politiques de croissance dans l'Union européenne, nous aurons la possibilité de résister en partie aux effets de cette crise internationale: d'où une politique de baisse des taux d'intérêt que nous approuvons, d'où une politique concertée des politiques économiques pour soutenir davantage la croissance, et le changement en Allemagne à cet égard nous apparaît comme un facteur positif pour relayer les préoccupations françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Enfin, il nous faut agir sur le plan international. La désorganisation des marchés n'est pas une fatalité et la globalisation des échanges implique une volonté d'organiser de façon plus harmonieuse les échanges commerciaux, mais aussi financiers et monétaires, à l'échelle internationale.
Ce qui s'est passé à Washington avec le G 7...
M. André Santini. Rien !
M. le Premier ministre. Ce n'est pas l'opinion du Président, mais enfin, on a le droit d'avoir des différences ! (Sourires.)
Ce qui s'est passé au G 7 est un premier pas en avant. A court terme, le premier communiqué a insisté sur la croissance, la transparence financière et la solidarité avec les pays émergents. A moyen terme, les propositions françaises contenues dans un mémorandum présenté à nos partenaires de l'Union par le Gouvernement, en plein accord avec le Président de la République, ont reçu un accord favorable. L'architecture de reconstruction du système monétaire et financier mondial que nous proposons est donc considérée avec intérêt par nos partenaires européens.
Il y a eu un premier pas à Washington mais nous devons aller plus loin. Comme je ne veux pas être trop long, monsieur le président...
M. André Santini. Vous ne l'êtes pas !
M. le Premier ministre. Merci, monsieur Santini.
Le ministre de l'économie et des finances nous rejoindra bientôt et pourra vous donner le compte rendu des entretiens de Washington, soit demain, soit la semaine prochaine.
Je voudrais ajouter simplement que nous voulons nous-mêmes aller plus loin: accroître rapidement les ressources du FMI, transformer l'actuel comité intérimaire en un véritable conseil jouant le rôle d'un gouvernement, imposer des règles prudentielles dans le système bancaire international, veiller à agir par rapport aux mouvements spéculatifs à court terme.
Voilà les grandes idées françaises qui ne sont d'ailleurs pas seulement les idées du Gouvernement. Elles s'inscrivent dans une longue histoire nationale dans le domaine monétaire international. J'espère que nous pourrons nous rassembler pour porter ces idées avec nos partenaires européens, puis les concrétiser dans le système financier international, afin que les données de l'économie réelle ne soient pas perturbées par les égarements de l'économie virtuelle qu'est à beaucoup d'égards la spéculation internationale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 octobre 1998

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