sans-papiers
Question de :
M. Pascal Clément
Loire (6e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 16 octobre 1997
M. le président. La parole est à M. Pascal Clément.
M. Pascal Clément. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez présenté ce matin au conseil des ministres deux textes concernant l'immigration. Ces textes ne recueilleront pas notre adhésion, car nous considérons qu'ils sont dangereux, qu'ils contredisent les législations européennes, en particulier celle de l'espace Schengen, et enfin qu'ils relancent un débat idéologique de nature à provoquer des surenchères et de gauche, et d'extrême droite.
Pour autant, ce n'est pas à ce sujet que je vais vous interroger. Je veux simplement me faire l'écho de la question que beaucoup de Français se posent aujourd'hui: où en êtes-vous, monsieur le ministre de l'intérieur, s'agissant de la régularisation des étrangers en situation irrégulière ?
Nous avons demandé, dans le cadre de la commission des lois, la création d'une commission d'enquête. Mais, visiblement, vous n'êtes pas pressé d'être transparent ! Nous avons donc quelques questions à vous poser.
Premièrement, combien d'étrangers ont demandé un titre de séjour ?
Deuxièmement, combien d'entre eux - je vous demande juste un ordre de grandeur - envisagez-vous d'autoriser à séjourner régulièrement sur le sol national, et quand pensez-vous prendre cette décision ?
Troisièmement, enfin, que pensez-vous faire de ceux qui ne seront pas retenus ? Car, je n'en doute pas, vous ne retiendrez pas tout le monde. Seront-ils expulsés ? Comment le seront-ils ? Et s'ils ne l'étaient pas, pensez-vous les oublier dans la nature ou les incarcérer ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Ca, c'est la méthode Debré !
M. Pascal Clément. De deux choses l'une, dans un Etat de droit: ou bien ils auront demain un titre régulier de séjour, ou bien ils doivent être expulsés ou incarcérés. Nous, nous ne voyons pas d'autre solution. Nous attendons la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Claude Lefort. Le charter ou la prison !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, il est temps de sortir l'immigration de ce débat empoisonné qui ne profite qu'à l'extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
M. Jean-Michel Ferrand et M. Patrick Ollier. C'est vous qui l'avez ouvert !
M. le ministre de l'intérieur. L'immigré n'est pas responsable de tous les maux. S'il y a aujourd'hui en France des millions de chômeurs, ce n'est pas du fait de l'immigration (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), c'est du fait du fonctionnement du système économique lui-même.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française. Ce n'est pas la question !
M. le ministre de l'intérieur. Je vais bien entendu répondre aux questions de M. Clément. («Ah !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Tout d'abord, le Gouvernement s'est mis à l'oeuvre très rapidement. C'est la circulaire du 24 juin, prise vingt jours après ma nomination au ministère de l'intérieur, qui définit les conditions dans lesquelles le cas d'un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière peut être réexaminé.
M. Richard Cazenave et M. Jean-Michel Ferrand. Combien ?
M. le ministre de l'intérieur. Soyez patients, s'il vous plaît !
Ce réexamen est fondé sur des critères proposés par le collège des médiateurs, puis repris par la commission nationale consultative des droits de l'homme et par le Gouvernement. Ce qui était bon hier n'est pas mauvais aujourd'hui. Nous travaillons donc sur la base de ces critères, et j'ai donné pour directive aux préfets que chaque demandeur soit reçu et puisse bénéficier d'un entretien personnalisé.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Avec qui ?
M. le ministre de l'intérieur. Au début de ce mois, 118 000 demandes avaient été déposées.
M. Jacques Floch. D'où viennent-ils ces étrangers en situation irrégulière ?
M. Jean Glavany. Ce n'est pas nous qui les avons «inventés» !
M. Bernard Derosier. C'est Debré qui n'a pas été capable de s'en occuper. Sa loi n'a servi à rien !
M. le ministre de l'intérieur. Je rappelle que la moitié des demandes proviennent de la région parisienne, le reste étant réparti entre les autres départements.
C'est une situation de fait. Je ne cherche pas la polémique personnelle sur un débat aussi sensible, aussi propice à l'embrasement des passions. Je cherche simplement la vérité.
Je vous donne donc des chiffres. A la fin du mois, je pense, d'après les chiffres dont je dispose actuellement, que sur les 118 000 demandes à examiner, 10 000 régularisations seront intervenues, et un peu moins de rejets. Mais nous ne sommes qu'au début du processus. Si nous le laissions se dérouler normalement, il durerait jusqu'à la fin de l'année prochaine. J'ai donc donné des consignes aux préfectures pour qu'il soit achevé au 30 avril 1998.
Ceux qui seront régularisés recevront un titre de séjour.
Ceux qui ne le seront pas devront naturellement quitter le territoire national. Nous leur enverrons une lettre («Une lettre» ! Et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) une lettre leur demandant de suivre un certain nombre de procédures.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. A quelle adresse ?
M. le ministre de l'intérieur. Bien entendu, nous leur écrirons ! Moi, je considère que tout homme a sa dignité, fût-il en situation irrégulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) D'ailleurs, dans un Etat de droit, il y a des procédures, il y a des recours. Et nous ferons en sorte que ces étrangers puissent bénéficier autant que possible de procédures de réinsertion dans le cadre d'accords avec les pays d'origine.
D'ores et déjà, une commission interministérielle travaille sur ce sujet et nous entendons traiter ce problème avec dignité, fermeté et humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Pascal Clément
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 octobre 1997