sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Jean-Claude Mignon
Seine-et-Marne (1re circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 22 octobre 1998
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.
M. Jean-Claude Mignon. A entendre M. Allègre, on doit vraiment se demander pourquoi les lycéens sont descendus dans la rue ! Manifestement, ils n'ont pas dû bien comprendre les choses !
Ma question, qui ne s'adresse pas à M. Allègre, mais soit à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, qui assure l'intérim de M. le ministre de l'intérieur, soit à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, concerne la sécurité. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Que cela vous plaise ou que cela ne vous plaise pas, ma question porte sur la sécurité !
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de plus en plus de nos concitoyens sont inquiets. Ils vivent dans des conditions tout à fait inadmissibles.
Les actes d'«incivilité», comme vous dites, madame la ministre - en ce qui nous concerne, nous parlons plutôt d'actes de délinquance, même de délinquance lourde - se multiplient sans que vous trouviez la réponse à l'attente de celles et de ceux qui vivent des drames dans les cités.
C'est le monde à l'envers ! Lorsque ceux qui sont agressés portent plainte, ils sont l'objet de mesures de représailles. Ils sont donc moins nombreux à le faire, ce qui améliore vos statistiques.
D'ailleurs, nous aimerions connaître, au groupe du RPR, les chiffres exacts de la délinquance juvénile. Cela fait un bout de temps que nous les réclamons, mais nous ne les avons toujours pas obtenus.
Les dangers liés à l'autodéfense se multiplient également. Nous ne pouvons que le constater dans nos villes respectives. Ce sont de véritables actes de guérilla urbaine auxquels nous assistons.
La police fait ce qu'elle peut, avec des moyens qui sont complètement dépassés par rapport à ceux dont disposent les jeunes aujourd'hui dans les banlieues et les cités. On en a d'ailleurs eu l'illustration avec ce qui s'est passé à Paris la semaine dernière. Mais la police a beau faire ce qu'elle peut, si la justice ne prend pas ses responsabilités, la situation risque de durer encore longtemps. On ne demande pas aux magistrats d'interpréter les lois ou de légiférer. S'ils veulent le faire, qu'ils se fassent élire députés et qu'ils viennent nous rejoindre ! On leur demande d'appliquer la loi, et rien que la loi !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous parlez beaucoup de répression. Mais vous nous dépeignez toujours celles et ceux qui sont à l'origine des actes de délinquance comme des victimes de la société. Mais les victimes de la société ce ne sont plus eux: ce sont nos concitoyens qui vivent des drames au quotidien, dans leurs villes, dans leurs quartiers.
M. Jean-Claude Lefort. Manichéen !
M. Jean-Claude Mignon. Dans quelques semaines, nous célébrerons tous ensemble le cinquantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme. Ces gens-là ont, eux aussi, le droit de vivre en totale liberté, et ils ont également droit à la sécurité.
Sans revenir sur le cas de ces «victimes» qui veulent «niquer» la France en force - pour reprendre leur expression - le Gouvernement peut-il nous dire quelles dispositions concrètes il compte prendre pour régler le problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j'observerai d'abord que l'incivilité et la délinquance, ce n'est pas la même chose.
En effet, les incivilités relèvent de la médiation sociale alors que la délinquance, d'une autre nature, doit être réprimée et par la police et par la justice.
Cette confusion mentale augure mal des réponses que vous pourriez être à même d'apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
A partir d'une analyse de la situation, le Gouvernement ne s'est pas contenté de proclamations d'intention, il a pris, à la suite du conseil de sécurité intérieure, des mesures concrètes, assorties de moyens, pour lutter contre la délinquance des mineurs.
M. Guy Teissier. Les mesures sont inefficaces !
Mme la garde des sceaux. De quoi s'agit-il ?
Il s'agit d'abord de la création de 100 emplois d'éducateur en 1998 et de 150 en 1999, alors que 30 seulement avaient été créés en 1997. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Il s'agit ensuite de la création de 200 emplois de délégués du procureur qui seront chargés de convoquer tout jeune qui aura commis un acte de délinquance. Aucun acte de délinquance ne doit rester sans réponse.
Il s'agit aussi de créer 200 classes-relais, pour faire en sorte que les jeunes adolescents qui se trouvent hors du système scolaire puissent le réintégrer. On n'en comptait que 20 en 1997, et il y en aura 200 à la fin de 1999.
Il s'agit encore de développer les mesures de réparation car elles constituent, pour la jeunesse, sauf pour les multirécidivistes, les vraies sanctions. Ainsi, 2 000 mesures de réparation supplémentaires sont prévues pour 1999.
M. René André. Cela ne veut rien dire !
Mme la garde des sceaux. Il s'agit, enfin, de mieux traiter les délinquants récidivistes. Pour ce faire, nous avons prévu des dispositifs d'accueil d'urgence. Il en existe actuellement dans neuf des vingt-six départements prioritaires qui ont été identifiés. Le nombre des places en placement familial a été augmenté. Les dispositifs d'éducation renforcée permettent également aux jeunes concernés, sur décision de placement du juge des enfants, de bénéficier, à la faveur d'un isolement temporaire, d'un suivi personnalisé et d'un réapprentissage de la discipline et de ses contraintes.
Voilà les mesures qui ont été prises par le Gouvernement. Elles sont sans concession et sans faiblesse. Elle ont le mérite d'exister et d'être assorties des moyens correspondants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Jean-Claude Mignon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 octobre 1998