intégration
Question de :
M. François Lamy
Essonne (6e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 22 octobre 1998
M. le président. La parole est à M. François Lamy.
M. François Lamy. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, dépuis des années, il est de bon ton de vanter les mérites du modèle français d'intégration sur notre sol des populations étrangères. Pourtant, nous le constatons chaque jour dans nos circonscriptions, ce modèle connaît de nombreux ratés. Que ce soit pour la recherche d'un emploi, d'un logement ou même pour acquérir la nationalité française, l'intégration dans notre société constitue souvent un véritable parcours d'obstacles pour l'étranger qui souhaite s'insérer dans notre collectivité.
Une véritable intégration des populations étrangères est pourtant le complément indissociable de la politique de maîtrise des flux migratoires menée actuellement par le Gouvernement. Si nous voulons que chaque étranger qui arrive sur notre sol puisse adopter les valeurs qui fondent notre République et apporte en même temps à notre collectivité toute la richesse issue de sa différence, il faut une politique d'accueil cohérente, efficace et coordonnée à tous les niveaux.
Madame la ministre, vous avez présenté ce matin au conseil des ministres un dispositif permettant d'améliorer notre politique d'intégration. Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les principes et les moyens qui doivent permettre l'insertion des populations étrangères sur notre sol et qui constitueront la réponse la plus efficace à tous ceux qui souhaient profiter de la crise pour alimenter le racisme et la xénophobie ? Ceux-ci, nous devons le réaffirmer ici, n'ont pas leur place sur le sol de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je vous remercie de votre question («Ah !» et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui doit gêner ceux qui prônent la recherche du bouc émissaire et encouragent les discriminations plutôt que le respect des valeurs qui font l'honneur de la France, pays d'accueil et pays des droits de l'homme - c'est ce que nous avons voulu rappeler ce matin en Conseil des ministres.
La politique d'intégration est un élément majeur du pacte républicain que nous souhaitons renforcer, comme le Premier ministre l'a dit devant vous dans sa déclaration de politique générale. Cette politique d'intégration va de pair avec la politique que nous menons par ailleurs de maîtrise des flux migratoires, mais aussi de coopération et de codéveloppement avec les pays dont sont originaires les salariés et les personnes immigrés.
Ce matin, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures qui visent à rappeler haut et fort que la France souhaite, à côté de ses politiques de maîtrise de flux et de codéveloppement, mettre en place une véritable politique d'intégration qui corresponde à ce qu'a été son histoire et sa culture et qui marque aux travailleurs immigrés sa reconnaissance pour l'avoir aidée à se reconstituer et à se reconstruire pendant certaines périodes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Nous avons mis l'accent sur trois aspects.
Tout d'abord, l'accueil. Après la loi qui a été votée, plusieurs dizaines de milliers d'étrangers entreront régulièrement sur le sol français, comme cela a toujours été le cas avec le regroupement familial, pour faire des études, de la recherche, en tant que réfugiés politiques, ou tout simplement pour occuper un emploi que les Français ne peuvent pas remplir. Ils doivent être accueillis dans de meilleures conditions. Le premier pas sur notre terre est sans doute un élément majeur de leur intégration. Nous allons, dans les mois qui viennent, généraliser le dispositif que nous avons testé ces dernières semaines, en Seine-Saint-Denis et en Rhône-Alpes, qui permet d'accueillir les personnes sur le territoire, de leur faire connaître notre pays, leurs droits et leurs devoirs, mais aussi de vérifier ce dont elles ont besoin pour bien s'intégrer: l'appréhension de la langue, les problèmes sociaux, de santé, de logement, d'éducation et de formation.
Deuxième axe majeur: la discrimination. Le Haut Conseil à l'intégration a rendu hier, au Premier ministre, son rapport. Il insiste très lourdement sur les discriminations des personnes étrangères en situation régulière dans notre pays. Nous savons tous ce que nous disent les jeunes sur les portes des discothèques qui se ferment, sur ces jeunes diplômés qui ne sont jamais embauchés malgré les efforts formidables qu'ils ont accomplis pour obtenir leur diplôme, tout simplement sur ces gestes de racisme quotidien qui font que notre pays n'est plus à la hauteur de ce qu'il doit être.
Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Jean-Claude Boulard. Très juste !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est contre tout cela que nous voulons nous battre. Nous savons bien que les lois ne suffisent pas. C'est pourquoi une parole politique forte doit être relayée par nos concitoyens, qui doivent se porter témoin de tous les actes de racisme et de discrimination auxquels ils assistent dans les services publics, les transports, les commerces, les entreprises. C'est cela que nous voulons renforcer: une citoyenneté qui fait que notre pays est fier de défendre ses valeurs. Pour cela, nous allons, avec les partenaires sociaux, revoir le code du travail et modifier, avec Mme la ministre de la justice, la charge de la preuve non pas en la renversant complètement, mais en permettant qu'il soit plus facile aujourd'hui de faire la preuve des discriminations, à l'embauche notamment. J'ai ainsi demandé à l'ANPE d'être particulièrement vigilante, de ne pas fermer les yeux devant les discriminations dont certains employeurs continuent à faire preuve au moment de l'embauche et même de porter plainte lorsque ces discriminations sont avérées. Le contrôle des discriminations sera l'une des priorités des inspecteurs du travail pour 1999. Je tiens à cet égard à remercier les syndicats qui ont eu le courage de réfléchir, ces derniers mois, au racisme qui gagne y compris les salariés et les syndicalistes dans nos entreprises. Nous devrons travailler avec eux.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. L'Etat doit aussi bien évidemment être exemplaire. Nous regarderons avec l'ensemble de nos collègues si les emplois autres que ceux de la fonction publique, dont les étrangers sont aujourd'hui exclus, ne pourraient pas leur être ouverts dans les mois et les années qui viennent.
Enfin, nous travaillons pour que la naturalisation ne soit plus ce parcours d'obstacles qu'elle est aujourd'hui en réduisant les délais. Je souhaite que, dès cette année, ceux-ci passent de deux ans en moyenne à dix-huit mois. Il faut aussi prendre en compte la situation actuelle et les volontés d'insertion et d'intégration des personnes. Dans le nouveau climat qui est le nôtre, on ne peut pas reprocher à un jeune de vingt-sept ans de ne pas avoir eu un contrat à durée indéterminée quand beaucoup de jeunes français, au même âge, n'ont jamais réussi à l'obtenir. Nous devons là aussi évoluer.
Je terminerai en disant que cette parole politique forte est celle de la France. Je crois effectivement que, si nos concitoyens nous rejoignent, nous serons capables dans les mois qui viennent de faire des progrès considérables en matière d'intégration. C'est l'honneur des valeurs que nous avons toujours défendues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
Auteur : M. François Lamy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 octobre 1998