privatisations
Question de :
M. Jean Besson
Rhône (10e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 22 octobre 1997
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 3 juin 1995, Alain Juppé a demandé au ministre des technologies de l'information et de la poste de préparer l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications et l'évolution des structures de France Télécom.
Cette ouverture de capital est aujourd'hui un immense succès puisque près de 4 millions de Français se sont portés acquéreurs. Certains, en d'autres temps, auraient sans doute pu se demander si ce succès n'était pas lié à une sous-estimation du prix de l'action par rapport à sa valeur réelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pourtant, le 27 juin 1997, dans le quotidien Le Monde, François Hollande, porte-parole du parti socialiste, déclarait: «France Télécom, dans l'esprit du parti socialiste, doit rester à 100 % public.» («Eh oui !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
A cet égard la déclaration commune de campagne du parti socialiste et du parti communiste, du 29 avril 1997, était très claire: «Pour France Télécom et Air France nous proposons l'arrêt des privatisations.» (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Patrick Ollier. Quel reniement !
M. Jean-Michel Ferrand. Ils deviennent intelligents !
M. Jean Besson. Au nom de la gestion de la gauche plurielle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)...
M. le président. Mes chers collègues, il n'est pas absolument nécessaire de tomber dans tous les panneaux qu'on vous tend ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Michel Ferrand. Si ! Si !
M. le président. Poursuivez, monsieur Besson.
M. Jean Besson. ... au nom d'idéologies dépassées allant contre les intérêts de la France, allez-vous vous obstiner à refuser la privatisation d'Air France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je veux d'abord vous remercier d'avoir permis au Gouvernement de s'exprimer sur ce sujet. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Comme vous l'avez rappelé, comme le Premier ministre l'a déclaré lorsqu'il était en campagne, et comme le montrent nos actes, nous ne sommes pas favorables à ce que les entreprises publiques deviennent des entreprises privées.
S'agissant de l'opération d'ouverture du capital de France Télécom, elle résulte d'un rapport rédigé par M. Michel Delebarre à la demande de votre assemblée. Elle fait partie d'une politique d'ensemble relative à France Télécom dont il ne vous a pas échappé qu'elle comprend aussi des actions dans le domaine social, des interventions dans le domaine de la recherche. Elle concerne l'autorité de régulation des télécoms et la possibilité offerte à France Télécom de passer des alliances.
Or chacun sait que, pour passer des alliances, il convient que des échanges capitalistiques puissent être opérés entre deux entreprises. Tel a dû être le cas avec le partenaire désigné pour France Télécom, Deutsche Telekom, ce qui a conduit à une ouverture limitée du capital, qui a permis sa cotation. Dans ce cas, comme dans celui dont vous parlez à propos d'Air France, il s'agit non d'une privatisation (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), mais d'une ouverture de capital.
Une entreprise est privée lorsque la majorité de son capital est privée; une entreprise est publique lorsque la majorité de son capital est publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
S'agissant de France Télécom, le Gouvernement a choisi que 62 à 63 % de son capital resteraient entre les mains de l'Etat. France Télécom est et restera donc une entreprise publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Si je vous remercie, monsieur le député, ce n'est pas de m'avoir permis d'énoncer des évidences que vous connaissez, mais de me donner l'occasion de faire remarquer à l'ensemble de la représentation nationale que, contrairement à un discours un peu convenu et que l'on a beaucoup entendu, notamment à droite, l'ensemble des marchés, comme l'on dit, l'ensemble des épargnants, des investisseurs n'ont pas peur de venir s'allier à l'Etat lorsque celui-ci leur propose de travailler ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, l'ouverture du capital de France Télécom, non seulement aux 3,9 millions d'épargnants français qui font confiance à l'entreprise publique,...
M. Patrick Ollier. Vous les assassinez, les épargnants !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais plus encore aux fonds d'investissements de l'ensemble de la planète, qui ont souscrit vingt fois plus que le montant que l'on pouvait leur proposer, prouve que cette France dont vous dites volontiers, en la dénigrant, ce qui n'est peut-être pas votre rôle, qu'elle donne trop de place à l'entreprise publique, que le rôle de l'Etat y est trop puissant, fait aujourd'hui l'admiration de l'ensemble des investisseurs («Air France ?» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) qui ont proposé plus de 400 milliards pour investir dans France Télécom. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C'est la preuve, mesdames, messieurs les députés, qu'une entreprise publique, lorsqu'elle est bien gérée, lorsque l'Etat y joue son rôle, est capable de s'allier avec des capitaux privés pour son développement.
Pour m'avoir permis de l'expliquer, je veux encore vous remercier, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Jean Besson
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Secteur public
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 octobre 1997