Question au Gouvernement n° 876 :
politique à l'égard des retraités

11e Législature

Question de : M. Henri Plagnol
Val-de-Marne (1re circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 4 novembre 1998

M. le président. La parole est à M. Henri Plagnol.
M. Henri Plagnol. Monsieur le Premier ministre, les Français sont inquiets sur le financement de leurs retraites. Chacun sait bien que le régime par répartition ne suffira pas à le financer à l'horizon de dix ans.
Voilà très exactement un an, je vous avais posé une question sur la nécessité de créer des fonds de pension à la française. Vous m'aviez fait transmettre par le ministre de la solidarité une réponse de circonstance: le sujet était à l'étude... Or, depuis un an, rien, absolument rien n'a été fait pour prendre les mesures nécessaires au financement des retraites.
Plus grave encore, les déclarations de votre gouvernement sur ce sujet sont totalement contradictoires, et les Français ne savent toujours pas quels sont vos choix sur ce sujet pourtant essentiel.
A l'occasion du débat sur le financement de la sécurité sociale, le groupe communiste a obtenu l'abrogation de la loi Thomas. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Il a aussitôt déclaré qu'il n'accepterait jamais la création de fonds de pension. Mais, dans le même temps, le ministre des finances s'est quant à lui dit prêt à la création de fonds de pension reposant sur le libre choix de chacun. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Maurice Leroy et M. Yves Nicolin. Très bien !
M. Henri Plagnol. Enfin, pour aggraver encore la confusion, votre ministre de l'emploi et de la solidarité s'est de son côté déclaré favorable à des fonds de pension obligatoires et à gestion collective. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, les Français ont déjà perdu un an. Vont-ils perdre une deuxième année du fait de votre incapacité à arbitrer au sein de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, si vous aviez assisté la semaine dernière au débat sur la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), vous auriez remarqué que Dominique Strauss-Kahn et moi-même nous sommes intervenus d'une seule voix - celle du Premier ministre, bien sûr - pour expliquer et réexpliquer la position du Gouvernement par rapport à la retraite. Et puisque, à vous entendre, les Français l'ont mal comprise, je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer encore une fois ce qui a toujours été notre position.
M. Bernard Accoyer. Oh !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Premièrement, nous souhaitons conforter et renforcer nos régimes de retraite par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Yves Nicolin. Comment ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a demandé à M. Charpin et au commissariat au Plan de dresser un bilan, cette fois-ci d'ensemble.
M. Yves Nicolin. Faites une table ronde !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Tous les parlementaires, alors présents en ont reconnu la nécessité. Nous devons en effet prendre en compte non seulement le niveau des retraites, mais également les taux de contribution, les minima, tout comme l'existence ou non de retraites complémentaires, avant de prendre des décisions sur le régime général et sur les régimes spéciaux.
M. Lucien Degauchy. Avec quel argent ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Le commissariat au Plan mène actuellement une concertation...
M. Yves Nicolin. Ca fait un an que cela dure !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il nous remettra avant la fin février non seulement, un bilan que j'espère le plus précis possible de la réalité, mais aussi des scénarios pour l'avenir quant aux différents moyens de conforter les régimes par répartition, axe majeur de la politique du Gouvernement.
Dès cette année, le Premier ministre a souhaité créer un fonds de réserve qui sera alimenté au fur et à mesure. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Bernard Accoyer. C'est une escroquerie !
M. Charles de Courson. Il n'y a rien dedans !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Deux milliards, monsieur de Courson, c'est ce qu'a rapporté par an la grande réforme Balladur sur le nombre d'années de cotisations.
M. Bernard Accoyer. Honteux !
M. Charles de Courson. Avez-vous soutenu la réforme Balladur ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Deux milliards, c'est une grande réforme quand c'est vous qui le proposez, mais quand c'est nous, et pour le même montant, ce n'est plus rien ! Un peu de sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Deuxièmement, nous avons toujours dit que nous étions contre les fonds de pension, non pas à la française, mais à l'anglo-saxonne. Or la loi Thomas mettait en place des fonds de pension à l'anglo-saxonne.
M. Edouard Landrain. Intéressant !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet, les fonds de pensions de la loi Thomas permettaient à certains, dans une entreprise, de bénéficier d'avantages fiscaux et sociaux...
M. Yves Nicolin. Comme les fonctionnaires !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... alors que d'autres n'y avaient pas droit.
Ces dispositifs auraient peu à peu permis de «siphonner», comme le rapporteur l'a relevé lors du débat, les cotisations destinées au régime de base, pour alimenter un régime par capitalisation qu'ils portaient en germe.
M. Yves Nicolin. C'est faux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour notre part, nous souhaitons aussi, mais c'est une évidence, que tous les Français puissent se constituer une épargne à long terme pour leur retraite: pas seulement un livret d'épargne populaire pour les pauvres, alors que ceux qui en ont les moyens peuvent profiter des régimes fiscaux favorables liés à l'assurance vie ou autre, mais un régime d'épargne retraite à long terme pour tous, avec les mêmes avantages sociaux et fiscaux pour tous. Voilà pourquoi nous pensons que ces régimes doivent être négociés, collectifs et surtout complémentaires au lieu de venir concurrencer le régime de base de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Je me réjouis personnellement que, à l'initiative du groupe communiste, nous ayons annoncé l'abrogation de la loi Thomas (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui mettait en place des fonds de pension à l'anglo-saxonne. Je me réjouis également que la majorité tout entière et, ai-je cru comprendre, une partie de l'opposition,...
M. Yves Nicolin. Ne rêvez pas !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... se soient déclarées favorables au maintien des régimes par répartition et d'une épargne salariale à long terme ouverte à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Henri Plagnol

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 novembre 1998

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