presse régionale
Question de :
M. Bernard Roman
Nord (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 1998
M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
M. Bernard Roman. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication. Le groupe belge Rossel, détenu à 40 % par le groupe Hersant, vient d'annoncer une prise d'intérêt à hauteur de 38 % dans la société de presse Voix du Nord,...
Mme Odette Grzegrzulka. C'est scandaleux !
M. Bernard Roman. ... laquelle détient déjà tout ou partie du capital de la plupart des titres régionaux de la grande région Nord.
Cette annonce est très préoccupante. D'abord n'est pas respectée la loi de 1986 qui limite expressément à 20 % la participation d'intérêts étrangers dans le contrôle des publications françaises. Les seules exceptions prévues à l'article 7 de cette loi de 1986 intéressent les pays concernés par une clause d'assimilation au national ou ceux avec lesquels aurait été signée une clause de réciprocité. A ma connaissance, en l'état actuel des choses, ni le Gouvernement ni le Parlement n'ont eu à délibérer de telles clauses en ce qui concerne nos voisins belges.
D'autre part, est préoccupante la poursuite, voir l'amplification du mouvement de concentration qui touche la presse quotidienne régionale dans notre pays, avec toutes les conséquences prévisibles qui en découlent pour l'indépendance et la pérennité des titres, mais aussi pour les emplois dans les entreprises concernées.
Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour que de tels accords soient ramenés à des niveaux de participation compatibles avec une véritable indépendance financière et politique des titres régionaux et que soit préservé le pluralisme de la presse écrite, essentiel à la vie démocratique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous venez, dans votre conclusion, de souligner le rôle insigne qui revient à la presse écrite depuis la Libération de notre pays: celui d'assurer quotidiennement l'information politique et générale de l'ensemble des citoyens. La presse écrite participe donc de la vie démocratique de la France.
En même temps, bien évidemment, elle a connu et elle connaît encore une mutation économique profonde avec des problèmes qui lui sont propres, dus non seulement à l'évolution des médias, au développement de la radio et de la télévision, mais aussi à la multiplication des titres et techno de la presse spécialisée. Son sous-financement et les difficultés qu'elle rencontre pour se procurer les capitaux nécessaires à sa mutation technologique la rendent fragile face aux changements de capital.
Nous avons eu à connaître, dans l'actualité récente, de deux événements qui, à première vue, sont différents, mais qui portent la même inquiétude que celle que vous venez d'exprimer. Au Midi Libre, le changement de président a résulté d'un changement d'alliance au sein même du conseil d'administration mais sans aucune conséquence en matière de capitaux, ce qui n'a donc pas affecté le titre. En revanche, à La Voix du Nord, le changement d'actionnaire de référence a été le résultat d'un affrontement entre différents groupes d'actionnaires qui, malheureusement, ne se sont pas mis d'accord.
Mme Odette Grzegrzulka. C'est regrettable !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Je partage entièrement votre analyse exprimée dans la première partie de votre question. En effet, la loi de 1986 doit être respectée; le Gouvernement y est attentif et prendra les mesures en ce sens.
Mais ces deux dossiers sont un signal que nous devons entreprendre des réformes significatives. Il convient à la fois de renforcer l'efficacité économique des entreprises de presse - c'est l'objet de la question que vous avez si pertinemment posée - et d'assurer une plus grande transparence des opérations financières qui les affectent.
Sur le premier point, le Gouvernement entend conforter la performance économique des entreprises de presse, afin de maintenir l'indépendance durable qui doit être la leur dans le domaine des responsabilités éditoriales, et ce, tout d'abord, par le soutien aux structures de gestion collective. C'est ainsi que le Gouvernement a décidé de soutenir l'association volontaire et libre de titres, afin de solidariser leur développement et de réaliser en quelque sorte des économies d'échelle, tout en garantissant l'indépendance éditoriale des titres qui composent cette association.
Je voudrais en outre vous rendre attentif, monsieur le député, à une mesure que votre assemblée a votée, ce dont je lui suis reconnaissante. Je veux parler de la création d'un fonds d'aide à la modernisation de la presse, dont le décret d'attribution va paraître incessamment - après examen du Conseil d'Etat. Il permettra aux entreprises de presse de mieux financer leur modernisation, leur changement de ligne éditoriale. Il leur apportera également un complément nécessaire à l'accès aux nouvelles formes de presse, notamment la presse électronique, aujourd'hui très importante.
Par ailleurs, je voudrais souligner l'excellente coopération que j'ai sur ce dossier avec mon collègue M. Pierret concernant La Poste et la distribution. Le Gouvernement a voulu favoriser l'aide au portage et la développer, de façon à renforcer, par le biais de l'abonnement, le lien entre les titres et leurs lecteurs. Nous continuons également à appliquer les accords Galmot, qui, passés sous l'ancienne majorité, permettent à La Poste non seulement de mobiliser ses gains de productivité en faveur du transport de la presse, mais aussi de contribuer financièrement très largement à la solidarité dans le transport des titres.
Enfin, je voudrais vous dire que («C'est trop long !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), dans la communication que j'ai présentée en septembre (Exclamations sur les mêmes bancs)...
Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, je viens de rendre hommage au travail qui a été fait par l'ancien gouvernement, et que je poursuis, mais vous n'écoutez pas. (Protestations sur les mêmes bancs.) C'est dommage, car les accords Galmot sont efficaces. (Même mouvement.)
M. le président. Nous allons écouter avec intérêt votre conclusion, madame la ministre.
Mme la ministre de la culture et de la communication. L'Assemblée se prononce régulièrement sur les aides à la presse. Elle doit aussi se prononcer sur tout ce qui concerne l'indépendance de la presse. Je vous signale donc que je souhaite modifier la loi de 1986 sous deux aspects.
Premièrement, je compte étendre la règle qui impose que toute cession d'actions d'une société de presse soit soumise à l'agrément du conseil d'administration ou de surveillance aux mouvements portant sur le capital des actionnaires des entreprises, afin de protéger ces dernières contre une prise de contrôle indirecte.
Deuxièmement, je préconise («Trop long !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) que la rédaction des dispositions décrivant le dispositif anti-concentration prévu pour les publications quotidiennes d'information politique et générale soit adapté, pour éviter certaines pratiques ou situations qui portent atteinte au pluralisme de la presse. (Mêmes mouvements.)
Je regrette, mesdames, messieurs les députés de l'opposition que, sur une question aussi fondamentale,...
M. le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît, madame.
Mme la ministre de la culture et de la communication. ... qui concerne la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne régionale, vous soyez aussi peu attentifs à ce qui, au fond, correspond à un souci collectif: la défense par les titres français de leur indépendance pour le bien de la démocratie et des lecteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Bernard Roman
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Presse et livres
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 novembre 1998