fonctionnement
Question de :
M. André Vallini
Isère (9e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Madame la ministre de la justice, l'Elysée a fait savoir ce matin, par un communiqué de presse, que le Président de la République souhaite que les projets de loi sur la présomption d'innocence et l'action publique en matière pénale soient votés par le Parlement le plus vite possible, afin de débloquer la révision constitutionnelle nécessaire à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Cette prise de position du Président de la République est pour le moins surprenante. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
En effet, la révision constitutionnelle nécessaire à la réforme du CSM est prête, puisque le texte a été voté en termes identiques - et cela n'a pas été facile - par notre assemblée et par le Sénat. Il suffit donc aujourd'hui au Président de la République de convoquer le Parlement en congrès à Versailles pour qu'il adopte cette réforme, laquelle n'est donc en rien tributaire des projets de loi auxquels fait référence l'Elysée.
J'ajoute que les deux textes visés - celui relatif à la présomption d'innocence et celui concernant les rapports entre la chancellerie et le parquet - n'ont pris aucun retard, puisqu'ils ont été adoptés par le conseil des ministres, approuvés par le Président de la République et déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale. Ils sont donc en cours d'examen et leur adoption devrait intervenir en 1999.
M. Richard Cazenave. Après le PACS !
M. André Vallini. Il s'agit de surcroît de textes importants, complexes et difficiles qui nécessitent un examen approfondi par l'Assemblée et par le Sénat. On ne saurait donc bâcler leur examen comme semble le souhaiter le Président de la République. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. François Vannson. Vous préférez que l'on siège sur le PACS !
M. André Vallini. Dans ces conditions, madame la ministre, on comprend difficilement la position exprimée par le Président de la République, car elle conduit, en fait, à freiner la réforme de la justice, à l'entraver. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il avait pourtant appelé de ses voeux cette réforme et approuvé tous les projets, je dis bien tous les projets, présentés par le Gouvernement.
M. René André. Rappel au règlement !
M. André Vallini. Il est donc nécessaire que le Président de la République se décide à être enfin clair dans sa volonté et cohérent dans sa démarche. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)
M. Jean-Louis Debré. Rappel au règlement !
M. André Vallini. De deux choses l'une: soit le Président de la République...
M. le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît.
M. André Vallini. ... souhaite sincèrement une réforme de la justice et il doit résister aux pressions de ses amis politiques qui veulent entraver cette réforme (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres), soit il ne s'agit pour lui que d'une posture qui ne pourra cacher longtemps son soutien implicite aux conservateurs qui désirent que rien ne change.
Dans ces conditions, madame la ministre, je vous demande d'indiquer à l'Assemblée nationale la position du Gouvernement sur cet aspect essentiel de son action réformatrice qui ne saurait être entravée ni par les conservatismes ni par les corporatismes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Je rappelle qu'il s'agit de questions posées au Gouvernement.
M. Pierre Lellouche. Cette mise en cause du Président de la République est scandaleuse.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député...
M. Francis Delattre. Je vous remercie de votre question !
Mme la garde des sceaux. ... la réforme de la justice comporte trois volets indissociables: la rapprocher des citoyens, améliorer la protection des libertés individuelles, augmenter les garanties en matière d'indépendance des magistrats du parquet.
Cette réforme avance puisque trois des cinq textes qu'elle comporte sont aujourd'hui soit conclus - tel est le cas du projet de loi constitutionnelle voté le 18 novembre, dans les mêmes termes, par l'Assemblée nationale et par le Sénat - soit très avancés, comme le projet sur l'accès au droit que votre assemblée examinera la semaine prochaine, ou celui relatif à la simplification des procédures pénales.
Deux projets de loi restent à examiner, mais ils ont été approuvés par le conseil des ministres: l'un sur la présomption d'innocence, l'autre sur les rapports entre la chancellerie et le parquet, lequel ne pourra être examiné qu'après l'adoption de la réforme constitutionnelle qui pose le principe de cette indépendance. («Non ! Non !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Séguin. Pas du tout ! C'est absurde !
Mme la garde des sceaux. Où en sommes-nous ?
J'ai effectivement souhaité, au nom du Gouvernement, que le Président de la République clarifie sa position. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Séguin. Incroyable !
M. Jean-Michel Ferrand. Quelle impudence !
M. Lucien Degauchy. C'est scandaleux !
Mme la garde des sceaux. Ecoutez ma réponse !
Après avoir mis les textes au point avec M. le Premier ministre, nous sommes allés soumettre le projet de loi constitutionnelle au Président de la République et nous avons présenté tous les projets au conseil des ministres. Ce matin, le Président de la République a réaffirmé au Premier ministre qu'il était d'accord non seulement avec la réforme globale, mais aussi avec chacun des textes qui lui avaient été soumis. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Pierre Lellouche. Vous n'êtes pas le porte-parole de l'Elysée ! Nous sommes dans les questions au Gouvernement !
Mme la garde des sceaux. Le Président de la République a réaffirmé au Premier ministre, sans ambiguïté, qu'il souhaitait que cette réforme aille à son terme et dans les meilleurs délais possibles.
Mesdames, messieurs de l'opposition, je me tourne vers vous: oserez-vous vous opposer plus longtemps à une réforme voulue par le Président de la République et par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Pierre Lellouche. On n'est pas sous la IVe République !
Auteur : M. André Vallini
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 1998