pollution atmosphérique
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 23 octobre 1997
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
En décembre prochain se tiendra, à Kyoto, la conférence internationale sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. S'il y a consensus sur le but à atteindre, les avis divergent sur la méthode. La France a proposé des contingents différenciés afin de ne pas avantager les pays les plus pollueurs, et même de les contraindre.
Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française. Ce sont des conneries ! (Exclamations sur divers bancs.)
M. Jacques Desallangre. Les Etats-Unis, au contraire, proposent des permis d'émission sur une période de cinq ans, à distribuer à tous les pays, y compris les pays en voie de développement, avec un système d'échanges et de transferts. Echanges entre les Etats, transferts pour chaque Etat avec emprunts ou mises de côté des contingents non utilisés.
La méthode m'apparaît tout à fait inefficace et inéquitable. En effet, elle n'empêchera pas les achats sur un marché stratégique, où les Etats-Unis auront très rapidement une position prédominante, et il y aura toujours des pays pauvres pour vendre leurs droits.
Il n'y aura donc pas de surcoût important pour les pollueurs. En outre, la technique des emprunts s'apparente à une fuite en avant, elle ne permettra pas de contraindre les pays, les conseils seront ou ne seront pas respectés. Par ailleurs, la mesure sera insupportable pour les pays pauvres car les contraintes fortes qui leur seront imposées contrarieront leurs prévisions de développement. Les marges de progression prévues ne serviront qu'à alimenter un marché sur lequel les pays riches seront uniquement acheteurs.
De plus, les permis seront accordés sur la base des émissions de 1990, ce qui sera défavorable pour les pays qui, comme la France, ont accompli des efforts. Bien entendu, le coût économique sera plus lourd pour les pays qui ont déjà consenti des efforts que pour les pays les plus pollueurs.
Les pays de l'OCDE et de l'Union européenne semblent se rallier à la position américaine. Comment, en décembre prochain, entendez-vous défendre les intérêts de notre pays ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, en 1992, lors du sommet de Rio, l'inquiétude était grande quant aux risques de réchauffement planétaire et de dégradation des climats. Cela a conduit cent cinquante pays à ratifier la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, convention qui a déjà donné lieu à deux réunions des parties, la troisième devant se tenir, comme vous l'avez dit, en décembre prochain à Kyoto. Ce sera l'occasion de mettre en oeuvre de façon concrète les engagements qui ont été pris par les ministres concernés, de façon assez solennelle, lors de la seconde réunion des parties; ceux-ci se sont engagés à aboutir à des objectifs quantifiés, juridiquement contraignants, avec des calendriers de mise en oeuvre pour 2 005, 2 010 et 2 015.
L'Union européenne a souhaité adopter dans cette discussion une position commune extrêmement ferme et elle a d'ores et déjà pris l'engagement de limiter les émissions de gaz à effet de serre à moins 15 % par rapport au niveau de 1990, avec une répartition au sein de l'Union des efforts à consentir. A titre indicatif, l'effort serait de 0 % pour la France, soit une stabilisation des émissions au niveau de 1990.
Cette position a été adoptée en mars 1997 par le Conseil, réaffirmée en juin, réaffirmée enfin de la façon la plus ferme possible le 16 octobre sous la forme d'un mandat de négociation donné à la Communauté de négocier sur ces bases, et, partant, de ne pas s'engager dans la voie sur laquelle souhaiteraient nous entraîner certains de nos partenaires parmi les pays les plus développés avant d'avoir fait des propositions à la mesure des enjeux suite à l'interpellation solennelle que nous leur avions adressée. Il faut, en effet, savoir que certains des pays les plus pollueurs, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, et le Japon dans une moindre mesure, n'ont pas fait de proposition ou ont fait des propositions notoirement insuffisantes au regard de ce qui serait nécessaire.
M. Pierre Mazeaud. Votre réponse est un peu longue !
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Notre position, à ce stade, consiste à avoir une attitude très critique, très réservée, à l'égard des permis négociables, terme très pudique pour parler en fait de droit à polluer. Tout le monde voit bien quel profit pourraient tirer les pays les plus développés de l'exploitation de la misère des pays du Sud. Comme vous l'avez dit, une telle mesure serait inefficace, inéquitable, et, au surplus, très difficile à mettre en oeuvre puisqu'il faudrait mettre en place des marchés de permis, et peut-être envisager - qui sait ? - des emprunts de droits à polluer.
Nous avons souhaité crédibiliser la position européenne en adoptant, à côté d'un objectif quantifié, une liste de politiques et de mesures qui montrent que c'est possible, que c'est faisable, et que, par la voie réglementaire ou fiscale, l'Union européenne, la «bulle» européenne, comme on dit, est tout à fait capable de respecter ses engagements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 octobre 1997