récidive
Question de :
M. Bruno Bourg-Broc
Marne (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Bruno Bourg-Broc demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, les perspectives de son action ministérielle s'inspirant de la proposition du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire (7 juin 2006), à l'égard de la délinquance tendant à créer des peines planchers en fonction du nombre de récidives.
Réponse publiée le 16 janvier 2007
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que la prévention de la récidive est au centre de ses préoccupations. En ce qui concerne le mécanisme des peines dites « plancher », il tient notamment à lui rappeler qu'au mois de juillet 2004 il avait déposé, en sa qualité de président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, un rapport d'information sur le traitement de la récidive des infractions pénales (rapport n° 1718, rapporteur : M. Gérard Léonard) dans lequel était démontrée l'inadéquation de ce mécanisme répressif à notre ordre juridique. Il ressort en effet de l'analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le principe de la stricte nécessité des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, imposerait que le juge puisse toujours prononcer une peine inférieure à la peine plancher si la personnalité du prévenu ou les circonstances l'exigeaient. Cette même exigence est aussi imposée par le principe de l'individualisation des peines qui, s'il ne relève pas explicitement de la catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, semble posséder une valeur comparable eu égard à la permanence de la jurisprudence constitutionnelle à interdire les peines automatiques. En outre, selon certains constitutionnalistes, l'adoption par le législateur de telles peines méconnaîtrait le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs et, en particulier, les dispositions de l'article 66 de la Constitution. Si la loi peut en effet préciser les modalités d'application du principe selon lequel « l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle », elle ne saurait la priver de toute appréciation en la contraignant à prononcer certaines peines. Enfin, l'adoption d'un système de peine plancher conduirait à nous rapprocher du système qui prévalait dans notre ordre juridique sous l'empire de l'ancien code pénal, qui déterminait les quantums applicables à chaque infraction par une « fourchette » tout en prévoyant la possibilité pour le juge d'y déroger s'il relevait des « circonstances atténuantes ». Lors de l'adoption du nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, il avait été considéré, selon les propos du rapporteur de l'Assemblée nationale (rapport n° 2789 du 11 juin 1992 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par M. Alain Vidalies, p. 26), « [que le juge devait disposer] d'une large liberté d'appréciation que le législateur avait décidé de consacrer dans le nouveau code pénal en supprimant la notion de peine minimale et, par voie de conséquence, celle de circonstances atténuantes, la liberté du juge restant désormais limitée par les seules peines maximales prévues par la loi ». Le garde des sceaux souhaite rappeler à l'honorable parlementaire que, de préférence au rétablissement d'un système des peines planchers abrogé il y a douze ans et qui avait montré ses limites, il s'est attaché à renforcer la prévention et la répression de la récidive en faisant adopter la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Au titre du renforcement de la répression de la récidive, la loi a étendu le champ d'application de ce mécanisme en créant de nouveaux cas d'assimilation d'infractions entre elles, tout en autorisant les formations de jugement à relever d'office l'état de récidive. La faculté, pour une juridiction, de prononcer un mandat de dépôt à l'audience a été rendue obligatoire à l'encontre des récidivistes, auteurs de délits violents ou de nature sexuelle, condamnés à une peine d'emprisonnement. Seule une décision motivée de la juridiction permettrait de déroger à cette obligation. En outre, il est désormais possible de décerner un mandat de dépôt à l'audience contre un récidiviste, même si la peine d'emprisonnement est inférieure à un an. Le nombre de sursis avec mise à l'épreuve susceptibles d'être accordés à un récidiviste a été limité, ainsi que le crédit de réduction de peines dont il est susceptible de bénéficier. De même, le délai d'admissibilité à la libération conditionnelle a été allongé pour les récidivistes. Au titre du renforcement de la prévention de la récidive - que la loi a consacré explicitement comme constituant l'un des objectifs de la peine, il a été décidé l'augmentation de la durée des peines d'emprisonnement susceptibles d'être assorties partiellement d'un sursis avec mise à l'épreuve, ainsi que de la durée de l'épreuve si le condamné est un récidiviste. La mesure de suivi socio-judiciaire a fait l'objet d'une amélioration des conditions de sa mise en oeuvre, son champ d'application étant étendu à de nombreuses infractions. Surtout, la loi du 12 décembre 2005 a permis la création de deux mesures innovantes que sont le placement sous surveillance électronique mobile et la surveillance judiciaire. La surveillance judiciaire, applicable aux personnes dangereuses condamnées pour certaines infractions à au moins dix ans d'emprisonnement, permet le suivi de ces personnes après leur libération par le juge de l'application des peines pour une durée égale aux réductions de peine dont elles ont bénéficié. Le placement sous surveillance électronique mobile, qui pourra intervenir dans les trois cadres juridiques que constituent la libération conditionnelle, le suivi socio-judiciaire et la surveillance judiciaire, à l'encontre de personnes condamnées à de longues peines, sera prononcé par la juridiction de jugement pour une durée de deux ans (renouvelable une fois en matière correctionnelle et deux fois en matière criminelle). Cette mesure, dont l'expérimentation est déjà en cours, est appelée à constituer un précieux instrument de prévention de la récidive, de protection des victimes et un outil complémentaire d'enquête.
Auteur : M. Bruno Bourg-Broc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 17 octobre 2006
Réponse publiée le 16 janvier 2007