Question écrite n° 108536 :
divorce

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Nesme
Saône-et-Loire (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Aujourd'hui, de nombreux spécialistes de l'enfance dénoncent les méfaits de la garde alternée chez les jeunes enfants et les bébés. Selon ces spécialistes, au nom de l'égalité des parents qui passe bien souvent avant l'intérêt supérieur de l'enfant, des nourrissons se voient privés de leur mère une semaine sur deux. Ces très jeunes bébés risquent alors de développer un sentiment profond d'insécurité et une angoisse d'abandon. Cette carence pourra pendant l'enfance et plus tard à l'âge adulte se manifester par des troubles de la personnalité et du comportement. C'est pourquoi ces professionnels dénoncent l'application de la loi sur l'autorité parentale, votée dans la précipitation sans consultation préalable des pédopsychiatres et des professionnels de santé de la petite enfance. Sans remettre en cause le rôle complémentaire des pères dans l'éducation des enfants, bien que ce rôle soit non équivalent et surtout pas interchangeable avec celui des mères, M. Jean-Marc Nesme demande à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ce qu'il envisage de proposer pour rendre effectif et obligatoire l'avis de spécialistes de l'enfance, dans toute décision de garde d'enfants devant prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment en cas de séparation ou de divorce des parents. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Réponse publiée le 3 avril 2007

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, en introduisant la possibilité de fixer la résidence d'un mineur en alternance au domicile de chacun de ses parents, a élargi l'éventail des modalités d'organisation de la vie de l'enfant, et ainsi permis de mieux adapter les décisions à la diversité des réalités familiales. Pour autant, le législateur n'a pas entendu introduire une quelconque préférence pour telle ou telle modalité de résidence. La résidence alternée, en particulier, ne saurait être la conséquence d'une revendication purement égalitaire des droits entre le père et la mère au mépris de l'examen des situations individuelles et de la recherche des solutions les plus adaptées aux besoins spécifiques des mineurs, et en particulier des très jeunes enfants. En effet, après la séparation, il importe à la fois de préserver les liens des deux parents avec leurs enfants et de protéger ces derniers de tout risque d'instabilité. Dans la recherche de cet équilibre délicat, le seul critère qui doit être retenu est celui de l'intérêt de l'enfant. Cette appréciation suppose dans tous les cas un examen le plus exhaustif possible de l'ensemble des éléments propres à une affaire. C'est pourquoi il apparaît nécessaire de maintenir dans ce domaine un large pouvoir d'appréciation aux magistrats, étant précisé que ces derniers ont régulièrement recours, face à des situations complexes ou conflictuelles, à des mesures d'investigation leur permettant de statuer au vu d'une analyse particulièrement détaillée du contexte familial. Par ailleurs, les dernières statistiques recueillies par le ministère de la justice sur le mode de résidence et l'âge des enfants pour l'année 2005 révèlent que la proportion des enfants faisant l'objet d'une résidence en alternance en vertu d'une décision de justice se situe autour de 11 % tous âges confondus. Ces données font également apparaître que la résidence alternée n'est que peu mise en oeuvre à l'égard des enfants de moins de trois ans, les trois quarts des enfants concernés par ce mode de résidence (76,8 %) étant âgés de six à onze ans. Ces statistiques montrent que le nombre et l'âge des enfants en situation de résidence alternée a peu évolué depuis l'enquête menée au cours du dernier trimestre 2003 auprès de l'ensemble des juges aux affaires familiales afin de disposer d'un premier bilan sur les conditions d'application de cette nouvelle modalité de résidence. Cette étude avait révélé que seules 10 % des procédures mettant en cause la résidence des enfants mineurs donnent lieu à une demande d'alternance, qu'elle émane des deux parents ou d'un seul. Et dans plus de 80 % des cas, la demande de résidence alternée est formée conjointement par les deux parents. C'est donc très majoritairement sur la base d'un accord des parties que le dispositif de la résidence alternée est mis en oeuvre. Cette enquête avait également montré que, en cas de conflit entre les père et mère, les juges n'imposent la résidence alternée qu'après avoir recueilli des informations précises sur la situation familiale, notamment par le biais d'une enquête sociale, ou encore, après avoir fait application de l'article 373-2-9, alinéa 2, du code civil qui permet le prononcé d'une mesure d'alternance à titre provisoire. Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas nécessaire de modifier l'état du droit en imposant systématiquement l'avis de spécialistes de l'enfance pour toute décision statuant sur la résidence des enfants, sauf à introduire une inutile rigidité dans des procédures très majoritairement consensuelles.

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Nesme

Type de question : Question écrite

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : sécurité sociale, personnes âgées, personnes handicapées et famille

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 31 octobre 2006
Réponse publiée le 3 avril 2007

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