faune et flore
Question de :
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet
Essonne (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la diminution de la biodiversité. En effet, depuis le siècle dernier, les taux d'extinction des espèces sont de 50 à 560 fois plus élevés que ce qui était prévu. Un recul de 50 % des populations d'eau douce (vertébrés dans les rivières, les lacs et les zones humides) a été observé ces trente dernières années. La France, pays riche en cours d'eau, lacs et autres points d'eau douce, subit également les causes de cette diminution de la biodiversité en eau douce. Ainsi elle lui demande quelles sont les mesures mises en place pour préserver ces espèces en France, puis, par extension, quelle est l'action de la France à l'échelle européenne en la matière.
Réponse publiée le 20 mars 2007
La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative à la diminution de la biodiversité en eau douce en France. Le concept d'évolution de la biodiversité, relativement récent, est complexe comme tout ce qui touche au fonctionnement de la biosphère. Outre les grandes crises géologiques (fin du permien et du secondaire par exemple) qui ont été marquées par des bouleversements radicaux de la faune et de la flore, la disparition, comme l'apparition d'espèces nouvelles est historiquement un phénomène rare et lent, de l'ordre de quelques espèces par million d'années. Aujourd'hui, l'activité humaine est clairement mise en cause dans l'accélération de la régression de la biodiversité à l'échelle du globe. La disparition d'espèces est surtout sensible dans des zones particulières de la biosphère (forêt tropicale humide, barrière de corail...) et riches en espèces endémiques rares dont l'aire de répartition est limitée comme dans les milieux insulaires par exemple. La faune et la flore de nos milieux aquatiques continentaux appartiennent à une vaste zone biogéographique où le taux d'endémisme est relativement faible ce qui explique le petit nombre d'espèces réellement menacées de disparition à l'échelle globale. Cependant, l'impact des activités humaines sur la diversité des peuplements aquatiques se traduit par une disparition localisée et limitée d'un nombre plus ou moins important d'espèces animales ou végétales, et parfois par une régression généralisée d'espèces voire, dans les cas les plus préoccupants, par leur maintien uniquement dans les stations les plus protégées. Le déclin des populations de certains batraciens, documenté à l'échelle globale depuis les années 1980, constitue à ce titre un signal d'alarme. Les activités les plus pénalisantes sont la destruction des habitats indispensables à l'accomplissement des cycles biologiques des poissons migrateurs par exemple, la pollution des eaux, quelle qu'en soit l'origine, et les introductions d'espèces allochtones. La biodiversité d'eau douce est ainsi un enjeu fort ; pour assurer son maintien, pour assurer sa protection, tout un ensemble de mesures sont mises en place en France, qui concernent tant la préservation des espèces que la conservation de leurs milieux de vie. Concernant la conservation des espèces d'eau douce proprement dites, une protection stricte de certaines espèces particulièrement sensibles est assurée par arrêtés : arrêté du 7 octobre 1992 fixant la liste des mollusques protégés sur le territoire métropolitain, arrêté du 8 décembre l988 fixant la liste des espèces de poissons protégées sur l'ensemble du territoire complété par l'arrêté du 20 décembre 2004 relatif à la protection de l'esturgeon d'Europe, arrêté du 21 juillet 1983 (modifié par l'arrêté du 18 janvier 2000) relatif à la protection des écrevisses autochtones. Les prélèvements et destructions des espèces concernées par ces arrêtés sont ainsi interdits, de même que la destruction de leurs milieux de vie. Pour les espèces dont la situation est la plus préoccupante, des plans de restauration active sont également mis en place : on peut notamment citer le plan sur la cistude d'Europe, le plan sur le vison d'Europe, espèce inféodée aux milieux rivulaires, dont la 2e programmation vient d'être adoptée pour la période 2007-2011. Enfin, la lutte contre certaines espèces invasives, comme la tortue de Floride ou la jussie, et la mise en place de contrôles plus performants permettant d'empêcher l'introduction de ces espèces, renforcent ce dispositif de protection des espèces autochtones. La préservation des milieux de vie des espèces est également une condition essentielle à leur maintien et à leur développement. La régression des zones humides, en particulier, a entraîné la diminution des effectifs de certaines espèces qui leur sont inféodées, Un ensemble d'actions visant les milieux aquatiques est ainsi indispensable pour compléter les dispositions spécifiques à la protection des espèces. Des actions de restauration et d'entretien des milieux aquatiques, qu'il s'agisse de milieux fluviaux, rivulaires ou de zones humides, sont également menées par les agences de l'eau et le conseil supérieur de la pêche principalement, permettent de rétablir un cadre de vie propice aux espèces d'eau douce. La désignation de sites Ramsar pour les zones humides d'importance internationale permet d'enrayer la diminution de celles-ci. Enfin, les sites Natura 2000 dont beaucoup concernent des habitats naturels aquatiques et/ou humides ainsi que des espèces de flore et de faune aquatiques et leurs milieux, constituent un réseau d'espaces visant au maintien du bon état de conservation des espèces d'eau douce et de leurs milieux. La mise en place des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (MAGE) et leur déclinaison en schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) au niveau de l'ensemble des bassins versants qui constituent le zonage pertinent de prise en compte des enjeux de qualité de l'eau, vise également à assurer un maintien ou un rétablissement de la qualité de l'eau, garantissant ainsi que les milieux de vie des espèces d'eau douce présentent des caractéristiques favorables à leur maintien. Ce dispositif a été complété récemment par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, adoptée par le Parlement en transposition de la directive cadre sur l'eau (directive 2000/60/CEE), et dont l'objectif est d'atteindre un bon état écologique de l'ensemble des masses d'eau, à l'horizon 2015. À côté de ces actions nationales, la France s'engage activement pour promouvoir et faciliter la conservation de la biodiversité d'eau douce au plan mondial comme au niveau européen, ce qui lui permet de tenir une place reconnue à la hauteur de la diversité des milieux aquatiques de notre pays. C'est ainsi que, outre la convention sur la diversité biologique qui a pour objectif la préservation de l'ensemble de la biodiversité, la France a ratifié la convention de Ramsar (1971) sur les zones humides, et surtout la convention de Washington réglementant le commerce des espèces menacées ainsi que la convention de Berne (1979) qui vise à assurer une protection des espèces, aquatiques comme terrestres, au niveau de l'Europe géographique. Afin d'assurer une conservation des espèces d'eau douce sur l'ensemble de leur aire de répartition, la France prend une part active dans les révisions des espèces protégées dans le cadre de la convention de Berne, ainsi que dans la mise en oeuvre de plans de restauration décidés au titre de cette même convention. Elle a ainsi joué un rôle moteur pour la mise en place d'un plan de restauration de l'esturgeon, l'une des espèces de poissons les plus menacées en Europe, à l'échelle européenne, plan auquel elle prend bien évidemment une part active. Par ailleurs, le Fonds français pour l'environnement mondial consacre une partie de ses ressources à la gestion des eaux continentales transnationales. L'ensemble des actions entreprises a des effets significatifs sur l'état des espèces d'eau douce en France : la loutre, qui constitue de par sa place au sommet des réseaux trophiques un bon indicateur de l'état de l'ensemble des milieux et des espèces, est ainsi en phase de recolonisation de l'ensemble des cours d'eau. En outre, le dispositif d'observation de l'état des communautés de poissons mis en place par le Conseil supérieur de la pêche montre qu'en 2003, 46 % des peuplements piscicoles sont en bon état, voire en très bon état, et 50 % des peuplements sont dans un état moyen, et que cette situation reste stable. Ces signes sont encourageants et montrent l'efficacité du dispositif d'actions en place ; toutefois, des progrès restent encore à accomplir afin de renforcer le système de préservation de la biodiversité d'eau douce. L'observation des communautés de poissons par exemple, si elle montre un état général satisfaisant de celles-ci, révèle également des disparités régionales, les zones où les peuplements sont les plus dégradés étant celles où les pressions anthropiques sont les plus fortes. Si la poursuite des actions engagées au titre des politiques dédiées à la protection de la nature est ainsi fondamentale, une intégration de cet enjeu fort qu'est la biodiversité d'eau douce dans l'ensemble des secteurs d'activité et par l'ensemble des acteurs est également nécessaire.
Auteur : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Dates :
Question publiée le 21 novembre 2006
Réponse publiée le 20 mars 2007