DOM : Guyane
Question de :
Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste
Mme Christiane Taubira interroge Mme la ministre de la défense sur l'état des arraisonnements effectués au cours de l'année 2006 par la marine nationale. L'incident survenu le 3 juin, à la suite duquel elle l'avait saisie par écrit, avait mis en lumière les limites en termes de moyens et de prérogatives dévolus aux patrouilleurs de la marine nationale appelés à intervenir pour constater les infractions de pêche dans les eaux territoriales guyanaises, et éventuellement arraisonner les navires concernés. Ce jour-là, le canot pneumatique dans lequel avaient pris place des membres d'un commando de marine opérant un contrôle auprès d'un bateau de pêche battant pavillon brésilien avait dû rebrousser chemin sous les tirs en provenance du bateau de pêche en infraction. Et cela malgré la présence, à proximité, de deux vedettes de la gendarmerie nationale. Des incidents analogues ont émaillé l'année 2005, avec des bateaux battant pavillon surinamien, coréen ou brésilien. Ces « retraites » de la marine et de la gendarmerie ont pour effet désastreux de porter préjudice aux capacités de police de ces armes, de n'offrir qu'un faible rempart contre le pillage des ressources halieutiques en transgression, de mettre en péril la vie des agents d'intervention, de fragiliser les institutions par une perte généralisée de confiance. Il est arrivé cependant que des navires soient arraisonnés et que la saisie effectuée avoisine la dizaine de tonnes de produits de la mer, donnant ainsi la mesure du manque à gagner infligé à la production guyanaise. Avec les conséquences pénalisantes sur la gestion de la ressource. Elle lui demande quelles dispositions ont pu être prises ou seraient envisagées pour rendre plus régulièrement efficaces les interventions des services chargés de veiller au respect de la législation maritime nationale et du droit international de la mer. Elle rappelle qu'à l'occasion de la journée de réunion et de visite en forêt organisée par le commandement supérieur des forces armées en avril 2006, elle avait fait valoir que les missions des armées n'apportaient pas de valeur ajoutée à la lutte contre l'orpaillage clandestin tant qu'elles se limitaient au relevé des chantiers, à leur signalement et à celui des orpailleurs et ouvriers clandestins rencontrés. Sur la base de ses visites en forêt avec des patrouilles de gendarmes avant et après sa mission sur l'or, elle estimait que les modes d'opération de ces patrouilles permettaient de meilleurs résultats, quoique limités tant que ne sera pas défini un zonage de l'activité minière et que les gouvernements des pays d'origine ne seront pas associés à l'assèchement de l'activité illicite. Depuis, un accord a été signé entre le ministère de l'intérieur et celui de la défense, rendant plus opérationnelles les interventions de l'armée. Le préfet et le commandant supérieur des forces armées en Guyane considèrent, au vu des statistiques relatives à l'équipement des chantiers, que ces aménagements produisent des résultats encourageants. Elle lui demande quels aménagements sont à l'oeuvre ou à l'étude pour rendre efficiente la lutte contre la pêche clandestine.
Réponse publiée le 6 mars 2007
La police des pêches constitue une des missions principales de l'action de l'Ëtat en mer, notamment outre-mer où la mission de maintien de l'ordre public, placée sous la responsabilité du préfet, peut nécessiter le recours à la force. Les incidents graves survenus en Guyane au cours de l'été 2006 et l'élévation manifeste du niveau de violence de la part de pêcheurs étrangers ont conduit les autorités françaises, d'une part, à mener les opérations de police des pêches avec le souci d'affirmer encore plus notre souveraineté sur la mer territoriale française, d'autre part, à mettre en oeuvre de nouvelles actions aux plans opérationnel, politique et juridique. Au plan opérationnel, le ministère de la défense met à disposition du préfet de Guyane deux patrouilleurs de la marine nationale (La Capricieuse et L'Audacieuse) et deux vedettes côtières de surveillance maritime de la gendarmerie nationale (Organabo et Mahury), pour assurer la sécurité de l'environnement maritime de ce département, notamment la protection des ressources halieutiques. Par ailleurs, des moyens de la marine nationale sont régulièrement détachés dans cette zone. En 2006, ces renforts ont été assurés par la frégate de surveillance Ventôse et son hélicoptère Panther, ainsi que par un détachement de commandos de marine et six détachements d'avions de surveillance maritime F50M. Au premier trimestre 2007, le remorqueur de haute mer Malabar viendra renforcer les forces déployées en Guyane pendant quatre semaines. Au total, les moyens engagés en Guyane pour l'année 2006 ont dépassé 400 jours de mer, auxquels s'ajoutent 150 heures de vols d'avions de reconnaissance et les concours occasionnels d'autres forces armées (hélicoptères Puma et Fennec de l'armée de l'air, gendarmerie fluviale, moyens de reconnaissance littorale des forces terrestres...) qui apportent, compte tenu des conditions particulières d'environnement de la côte guyanaise, de précieuses occasions de synergie. En outre, de nouveaux modes d'action sont utilisés, n'exigeant pas le recours systématique à la force. Ainsi, l'utilisation d'un releveur de filets affrété par les affaires maritimes permet de relever et de détruire les engins de pêches des contrevenants, leur occasionnant ainsi un préjudice financier très important. Au total, près de trente kilomètres de filets ont été saisis ou détruits depuis le mois de septembre 2006. De plus, l'amélioration du recueil de renseignements, notamment grâce à une meilleure coopération avec les pêcheurs locaux, permet la réalisation d'opérations très efficaces. Au niveau politique, un plan de coopération a été mis en place avec le Brésil, reposant sur des échanges bimestriels d'informations entre les commandants de zone. Par ailleurs, des missions de police des pêches conjointes sont organisées et les autorités des deux pays procèdent à la transmission réciproque des infractions relevées. À ce jour, trois patrouilles conjointes ont eu lieu et l'implication de la marine brésilienne dans ces opérations communes s'avère efficace. Sur le plan juridique, en liaison avec le parquet de Cayenne, les contrevenants sont traités avec une extrême sévérité, se traduisant par de très fortes amendes, particulièrement dissuasives. Cet engagement des autorités françaises pour apporter des solutions adaptées au problème de la pêche en Guyane et la collaboration avec le Brésil ont notamment permis d'identifier, en 2006, 1 200 navires (dont 130 navires de pêche contrôlés et vingt déroutés pour pêche illicite), de dresser soixante procès-verbaux et de verbaliser quatre bateaux français pour non-respect des limites préfectorales de chalutage. Par ailleurs, 156 ressortissants étrangers (66 Brésiliens, 55 Guyaniens, 28 Surinamiens, 7 Vénézuéliens) ont été remis à la police de l'air et des frontières et trois navires brésiliens ont fait l'objet de tirs de semonce. Une diminution très sensible du nombre de pêcheurs illicites a été constatée. Les pêcheurs français ont ainsi pu se réapproprier les zones guyanaises. Compte tenu de l'efficacité mesurable des dispositions prises afin de renforcer la lutte contre la pêche illicite en Guyane, les efforts déjà engagés en 2006 seront poursuivis en 2007, en particulier la coopération avec les Ëtats voisins.
Auteur : Mme Christiane Taubira
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : défense
Dates :
Question publiée le 16 janvier 2007
Réponse publiée le 6 mars 2007