Question écrite n° 117834 :
droits de l'homme

12e Législature

Question de : Mme Irène Tharin
Doubs (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Mme Irène Tharin souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la reconnaissance par la France du génocide ukrainien. En effet, l'impérialisme russe a trouvé dans les années 1932-1933 son expression la plus barbare dans sa volonté de soumettre les peuples voisins. Ainsi, le gouvernement communiste dirigé par Staline a organisé sciemment une famine inhumaine dans le but à peine dissimulé de dékoulakiser l'Ukraine. L'analyse de la famine ukrainienne ne saurait ignorer les spécificités des liens coloniaux qui rattachaient l'Ukraine à la Russie. Moscou refusait toujours de reconnaître les Ukrainiens comme un peuple distinct, avec droit à une vie nationale indépendante. L'Holodomor ou « l'extermination par la faim » est, avec la Shoa, l'extermination la plus atroce commise au XXe siècle : par le nombre de victimes (6 à 10 millions d'individus) et par le procédé (famine organisée par les communistes avec interdiction pour la population visée de quitter le territoire). Avec la mort du communisme, les blocages idéologiques qui empêchaient cette reconnaissance, sont levés et la France rejoindrait les nombreux pays qui ont déjà honoré la mémoire des victimes de la barbarie communiste en Ukraine. En conséquence, elle souhaite savoir si le Gouvernement prévoit de rendre un hommage officiel et d'accorder au peuple ukrainien la reconnaissance de ses souffrances passées. Elle le remercie d'avance de la réponse qui lui sera apportée.

Réponse publiée le 13 mars 2007

La grande famine de 1932-33 - Holodomor - a été pour l'Ukraine une véritable catastrophe nationale et représente un épisode particulièrement douloureux de la collectivisation forcée des campagnes ukrainiennes et du processus de dékoulakisation qui l'a accompagnée. Il constitue, à ce titre, un événement fondateur de l'identité ukrainienne. En dehors du parti communiste, la classe politique ukrainienne est unanime pour dénoncer le caractère organisé de cette tragédie. C'est dans ce contexte que le Parlement ukrainien a adopté à une voix de majorité le 28 novembre dernier, à la suite de débats animés, une loi sur la grande famine qui comporte deux dispositions essentielles. La première confère à cette tragédie la qualification de « génocide du peuple ukrainien » alors que la seconde stipule que « la négation du Holodomor constitue une insulte à la mémoire des millions de victimes de la famine [...] et est illégale ». A l'occasion de la commémoration en 2003 du 70e anniversaire de cette tragédie, l'Ukraine a présenté dans le cadre des travaux de l'assemblée générale de l'ONU une déclaration sur le 70e anniversaire de la grande famine de 1932-33 en Ukraine appelant à se souvenir de ces événements qui ont constitué une tragédie nationale pour le peuple ukrainien et à honorer la mémoire des victimes ukrainiennes, russes, kazakhes et d'autres nationalités. Plusieurs États se sont associés à cette déclaration, qui ne fait pas usage du terme de génocide, en particulier la Russie avec laquelle elle avait été négociée. Plus récemment, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté le 25 janvier 2006 la résolution 1481 sur la nécessité d'une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires. Ce texte, qui ne comporte pas de référence à des cas nationaux spécifiques, a été adopté à l'issue d'une discussion sur le rapport du député suédois Goran Lindblad faisant lui mention àHolodomor. En revanche, le projet de recommandation également examiné à cette occasion par l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui avait été renforcé par la délégation ukrainienne pour qualifier la famine de génocide et inviter les parlements des États membres à le reconnaître comme tel, n'a pas atteint la majorité qualifiée des deux tiers. La France reconnaît pleinement cette tragédie et a d'ailleurs salué, dans le cadre de l'Union européenne, la déclaration présentée par l'Ukraine au cours des travaux de l'Assemblée générale des Nations unies en 2003. Pour sa part, le ministre des affaires étrangères, M. Philippe Douste-Blazy, a tenu lors de sa visite à Kiev le 11 novembre 2005 à rendre un hommage appuyé aux victimes de cette tragédie en déposant en compagnie de son homologue ukrainien, M. Boris Tarassiouk, une gerbe de fleurs au monument au Holodomor. Cependant, en l'absence de consensus parmi les historiens et les juristes sur cette question, le Gouvernement français n'envisage pas à ce stade de se prononcer sur la qualification politique et juridique de la grande famine comme crime de génocide.

Données clés

Auteur : Mme Irène Tharin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 6 février 2007
Réponse publiée le 13 mars 2007

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