Colombie
Question de :
M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Paul Bacquet souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la rupture des négociations entre le Gouvernement de Colombie et les forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Ces négociations avaient pour but un accord humanitaire visant à mettre fin aux pratiques iniques de séquestration et de kidnapping qui ont lieu en ce moment en Colombie dans le contexte d'un conflit qui déchire le pays depuis des décennies. Certes, il faut condamner avec fermeté l'attentat qui a été commis le 19 octobre dernier et qui a blessé 5 civils et 10 militaires. Mais il ne peut être un prétexte pour mettre fin aux négociations en cours, car cela risque de condamner à mort tous les otages, de plonger la Colombie dans un état de violence permanente et cela alors même que de nombreuses instances de la communauté internationale soutiennent un accord humanitaire. Il lui demande donc d'indiquer quel rôle il entend jouer dans la protection et la promotion des droits de l'homme et du droit international humanitaire en Colombie et quelle action il entend mener afin de maintenir la paix civile dans ce pays.
Réponse publiée le 3 avril 2007
Le ministère des affaires étrangères suit avec une particulière attention la situation des droits de l'homme en Colombie, sous ses différents aspects : l'ambassadeur en charge des droits de l'homme a d'ailleurs effectué au mois de février, avec ses homologues espagnol, néerlandais et suédois, une importante mission dans ce pays. L'attention de notre pays se porte prioritairement sur la question des otages. La recherche de la libération de Mme Ingrid Betancourt, de Mme Clara Rojas et des otages en Colombie est un axe majeur de l'action du ministre des affaires étrangères. Sa forte implication est pleinement partagée par l'ensemble des autorités françaises, qui sont entièrement mobilisées sur cette question afin de parvenir à la conclusion d'un accord humanitaire. À Paris, le ministre, qui a reçu le 22 février dernier, à la veille du cinquième anniversaire de l'enlèvement de notre compatriote, la Fédération internationale des comités Ingrid Betancourt (FICIB), suit directement et personnellement ce sujet, en liaison étroite avec les plus hautes autorités de l'État. Dans ce cadre, qui favorise la préservation de la discrétion nécessaire au traitement de cette affaire douloureuse et complexe, le ministre fait le point régulièrement avec ses principaux collaborateurs qui se réunissent de leur côté, chaque semaine au sein d'une cellule spécifique. La sécurité des otages revêt pour nous une importance cardinale. C'est la raison pour laquelle notre pays, comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises dans le passé, notamment par la voix du Président de la République, a tenu, le 20 octobre 2006, et à nouveau le 15 janvier 2007, à marquer sa très ferme hostilité à toute opération de sauvetage des otages par la force, car cela ne pourrait que mettre leur vie en péril. Nous demeurons toutefois convaincus qu'une solution pacifique est possible en Colombie. Aussi renouvelons-nous de façon constante notre invitation à ce que tous les acteurs renouent le fil d'un dialogue permettant de conduire à un accord humanitaire. Le Président Alvaro Uribe a confirmé, le 21 décembre 2006, son accord aux contacts établis par la France, l'Espagne et la Suisse avec les FARC. Les propositions des trois pays, qui ont été à plusieurs reprises pleinement appuyées par l'Union européenne (notamment dans la déclaration de la présidence de l'UE en date du 23 février dernier), visent à faciliter l'engagement des négociations en vue de la conclusion d'un accord humanitaire. Dans cette perspective, notre pays est soucieux que les contacts nécessaires puissent se développer dans la plus grande discrétion. La France demeure entièrement disponible pour accompagner, avec d'autres, la Colombie dans la recherche d'une solution de paix, bénéficiant à l'ensemble de sa population. L'attention du ministère se porte également sur la loi « justice et paix », adoptée par le congrès colombien le 21 juin 2005 et promulguée par le Président Alvaro Uribe le 25 juillet 2005 pour démobiliser les « groupes armés illégaux », qu'il s'agisse des paramilitaires ou des mouvements de guérilla. Cette loi a fait l'objet des conclusions adoptées par le conseil affaires générales (CAG) de l'Union européenne (UE) le 3 octobre 2005, qui ont défini le cadre d'action de l'UE et proposé sur ce texte un point de vue nuancé. Le Conseil a ainsi pris note de différentes réserves, exprimées notamment par le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCNUDH) : importance insuffisante accordée à la nécessité d'un démantèlement effectif des structures paramilitaires collectives, distinction floue entre les délits « politiques » et les autres types de délits, peu de temps disponible pour enquêter sur les aveux et sur les avoirs susceptibles de provenir d'activités illicites, possibilités réduites offertes aux victimes de demander réparation, peines maximales limitées pour les délits les plus graves, difficultés qu'éprouvera le système juridique colombien à répondre aux exigences de la nouvelle loi. Il a affirmé que la loi nécessite d'être mise en oeuvre de façon effective et transparente et a décidé d'apporter une coopération aux groupes de victimes pour appuyer la mise en oeuvre de la loi. C'est dans cette perspective précise qu'une aide d'1,5 MEUR avait été mise en place par une décision de la Commission européenne en date du 19 décembre 2005 pour apporter, sous le contrôle de la délégation de l'UE en Colombie, un soutien aux communautés affectées par le conflit interne, aux groupes de victimes, aux activités locales de réconciliation, ainsi qu'à la démobilisation des enfants soldats. La Cour constitutionnelle colombienne a, par sa décision du 18 mai 2006, apporté un certain nombre de précisions majeures pour l'application et la mise en oeuvre de la loi. Si la Cour a déclaré recevable l'article 3 de la loi, qui consacre le dispositif de la « peine alternative » (suspension des peines prononcées antérieurement au processus de démobilisation et remplacement par une peine, dite « alternative », d'une durée comprise entre cinq et huit ans de prison), elle a adopté des positions importantes en faveur de la protection des droits des victimes, et de leur conformité aux principes de vérité et de réparation. Cette décision de la Cour constitutionnelle a apporté des changements notables à l'application de la loi « justice et paix ». Elle a rapproché la loi des standards internationaux et, ainsi que l'a souligné notamment la commission colombienne des juristes, l'a rendue plus favorable aux victimes, en leur apportant une garantie renforcée en matière de vérité et de réparation. À la suite de la proposition exprimée par la France lors du Comité Amérique latine de l'UE (COLAT) du 6 juin 2006, la présidence de PUE a souligné le principe d'un ferme soutien à apporter aux orientations définies par la Cour constitutionnelle colombienne. Ces dernières serviront de cadre à l'évaluation future du processus engagé par la loi « justice et paix ». Enfin, conformément à la déclaration de la présidence de PUE en date du 26 juin 2006, la France appuie pleinement l'action conduite par le bureau du Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme en Colombie, dirigé par M. Juan-Pablo Corlazolli. Ce dernier joue un rôle majeur dans la protection et la promotion des droits de l'homme et du droit international humanitaire en Colombie. Dans la continuité de la déclaration de la Présidence, des conclusions du Conseil et des travaux du COLAT, la France porte, de façon permanente, une grande attention à la situation en Colombie, en étroite liaison avec la Présidence de l'Union européenne, exercée au premier semestre 2007 par la République fédérale d'Allemagne.
Auteur : M. Jean-Paul Bacquet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 27 février 2007
Réponse publiée le 3 avril 2007