politique à l'égard des femmes
Question de :
Mme Conchita Lacuey
Gironde (4e circonscription) - Socialiste
Mme Conchita Lacuey attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les incidences de l'article 14 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie. En effet, cet article qui énumère les infractions exclues du bénéfice de ladite loi ne mentionne pas les 3° et 6° de l'article 222-12 du code pénal, ce qui laisserait supposer que les violences sur ascendants et à l'encontre du conjoint ou concubin seraient amnistiées si la peine prononcée était inférieure ou égale à trois mois d'emprisonnement. Or ces violences constituent des délits graves qu'il est nécessaire d'exclure du champ de l'amnistie et de réparer les dommages causés à toutes les victimes, en majorité des femmes. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui préciser quelles sont les intentions du Gouvernement afin de remédier à cette situation qui porte gravement atteinte aux droits des personnes.
Réponse publiée le 31 mars 2003
Le garde des sceaux tient à assurer l'honorable parlementaire de ce qu'il partage entièrement son souci de protéger les femmes et les personnes âgées des atteintes dont elles ne sont que trop souvent victimes, au sein même de leur famille. Il rappelle que la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie a pour objet de concilier le traditionnel pardon de la Nation avec la nécessité d'une répression pénale efficace et cohérente. Pour tenir compte de cet impératif, le nombre d'infractions exclues par nature du bénéfice de l'amnistie a été augmenté de manière très importante au regard de toutes les lois précédentes. S'il est vrai que les violences volontaires sur ascendant et les violences volontaires par conjoint ou concubin ne figurent pas au nombre des infractions exclues, visées à l'article 14 de la loi, il n'en demeure pas moins que la loi du 6 août 2002 n'entraîne pas une amnistie systématique de ces délits, puisqu'elle subordonne l'amnistie au quantum de la peine prononcée par la juridiction de jugement. Les délits déjà définitivement jugés au moment de l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie qui ont été sanctionnés de peines excédant le seuil fixé pour l'amnistie au quantum sont de ce fait exclus du bénéfice de l'amnistie. S'agissant des délits qui n'étaient pas encore définitivement jugés au moment de l'entrée en vigueur de la loi, le mécanisme de l'amnistie au quantum a pour particularité de ne pas mettre fin aux poursuites. Les juges conservent dès lors toute latitude pour prononcer la peine qu'ils estiment adaptée à la gravité des faits. Lorsque la peine prononcée excède le seuil fixé par la loi, le délit est exclu du bénéfice de l'amnistie. Ainsi, les délits de violences volontaires sur ascendant ou sur conjoint ou concubin se trouvent-ils exclus du bénéfice de l'amnistie lorsqu'ils ont été sanctionnés par la juridiction de jugement d'une peine d'emprisonnement ferme ou assortie du sursis avec mise à l'épreuve strictement supérieure à trois mois ou d'une peine d'emprisonnement assortie du sursis simple d'une durée strictement supérieure à six mois. A cet égard, le seuil de l'amnistie des peines d'emprisonnement assorties du sursis simple a été réduit de neuf à six mois par rapport à la loi du 3 août 1995 portant amnistie. En outre, dans le cas où seule une peine d'amende est prononcée, la loi subordonne l'amnistie au paiement préalable, lorsque le montant est supérieur à 750 euros. De surcroît, il convient de rappeler que dans nombre de cas, l'amnistie intervient postérieurement à l'exécution de la peine d'emprisonnement, et qu'elle n'a donc pour seul effet que d'effacer la condamnation du casier de condamnés qui ont déjà purgé leur peine. Elle n'entraîne pas la restitution des objets éventuellement saisis au cours de l'enquête et confisqués par le tribunal, et notamment des armes. A cet égard, l'aspect préventif d'une décision de confiscation d'arme survit à l'éventuelle amnistie de la condamnation. L'amnistie de la condamnation ne fait pas non plus obstacle à l'indemnisation du préjudice causé aux victimes, le paiement des dommages et intérêts restant dû par le condamné. Enfin, certaines exclusions prévues par la loi d'amnistie tendent à préserver les intérêts des victimes les plus vulnérables, puisque l'article 14 exclut toutes les infractions de violences volontaires sur les personnes particulièrement vulnérables du fait de leur âge, de leur état de santé physique ou psychique, ou d'un état de grossesse, qu'il existe ou non un lien de famille entre l'auteur et la victime. Dès lors, de nombreuses violences commises sur un ascendant ou sur une épouse se trouvent de fait exclues du bénéfice de l'amnistie lorsque cette circonstance de particulière vulnérabilité, cumulable avec les circonstances de paternité ou de conjugalité, a été retenue dans la condamnation. Par ailleurs, l'exclusion des infractions de nature sexuelle, dont les femmes sont les premières victimes, y compris au sein du couple, constitue également une grande innovation de la loi du 6 août 2002, et répond à l'impératif de protection des droits de la femme. Aussi la loi d'amnistie du 6 août 2002 a-t-elle un effet pondéré sur la répression des violences intrafamiliales, qui est une des priorités du ministère de la justice. Dès lors, la chancellerie n'envisage pas de soumettre un projet de modification de la loi n° 2002 du 6 août 2002 portant amnistie, qui doit garder un caractère exceptionnel.
Auteur : Mme Conchita Lacuey
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 24 février 2003
Réponse publiée le 31 mars 2003