Question écrite n° 13657 :
traité instituant une cour pénale internationale

12e Législature

Question de : Mme Martine Carrillon-Couvreur
Nièvre (1re circonscription) - Socialiste

Mme Martine Carrillon-Couvreur attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lenteur du processus d'élaboration de la seconde partie de la loi d'adaptation de la législation française au statut de la cour pénale internationale. Certaines organisations comme Amnesty International s'inquiètent, en effet, du retard apporté à l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour du Parlement. En l'état actuel de notre législation, donc, les tribunaux français ne seraient pas en mesure de juger comme tels des faits commis par des ressortissants ou sur le territoire français depuis le 1er juillet 2002 et qui seraient identifiés comme les crimes de guerre selon les définitions du statut de la CPI. Cette lacune est d'autant plus préoccupante que la cour pénale internationale ne pourrait la combler en appliquant le principe de complémentarité posé par son statut et en jugeant elle-même d'éventuels crimes de guerre qui seraient commis par des ressortissants français ou sur le territoire français pendant sept années à compter du 1er juillet 2002. En effet, la France a assorti sa ratification d'une déclaration dite « de l'article 124 du statut » par laquelle elle a refusé la compétence de la cour pour ces crimes et pour cette durée. C'est la raison pour laquelle elle lui demande de bien vouloir lui apporter des informations sur l'état d'avancement de ce projet de loi, car il est indispensable de combler au plus vite ce vide juridique.

Réponse publiée le 4 août 2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que si les crimes de guerre ne sont pas définis en tant que tels dans notre législation la plupart d'entre eux peuvent déjà être poursuivis sur le fondement du code pénal ou du code de justice militaire et que rien ne s'oppose dès à présent à ce que les personnels français, civils ou militaires qui commettraient de tels crimes soient traduits devant les tribunaux français ; la circonstance que la France ait effectivement effectué une déclaration au titre de l'article 124 du statut de la Cour pénale internationale n'empêche aucunement les juridictions pénales françaises de juger, le cas échéant, les auteurs des infractions considérées. Si notre pays a déclaré, lors du dépôt de son instrument de ratification afférent à la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, qu'il entendait se prévaloir des dispositions de l'article 124 précité qui permettent à un Etat partie de décliner, pendant une période de sept ans, la compétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses ressortissants ou sur son territoire, une telle déclaration a pour seule finalité de vérifier l'efficacité des garanties introduites dans le statut pour éviter des plaintes abusives ou fondées sur des motifs politiques. De telles plaintes ne sont naturellement pas envisageables pour un génocide ou pour d'autres crimes contre l'humanité qui ont par définition un caractère massif et systématique. En revanche, les crimes de guerre, dont la définition dans le statut englobe la commission d'actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Des plaintes sans fondement pourraient ainsi être dirigées contre les personnels de pays qui, comme la France, sont fortement engagés sur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadre d'opérations humanitaires ou de maintien de la paix, et dont le seul objet serait d'embarrasser publiquement ces pays, voire le Conseil de sécurité lui-même. Eu égard à la fois aux responsabilités qui sont celles de la France en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales et au risque particulier de détournement de la Cour pénale internationale à des fins autres que judiciaires, les autorités françaises ont estimé que cette période probatoire de sept ans était nécessaire pour pouvoir apprécier in concreto si les dispositions procédurales insérées dans le statut pour éviter que la Cour ne soit « instrumentalisée » fonctionnent de manière satisfaisante. Pendant cette période, notre pays pourra intervenir, notamment lors de l'assemblée annuelle des Etats parties, pour mettre en lumière tel ou tel dysfonctionnement. Il convient, par ailleurs, de préciser qu'un projet de loi comportant notamment les incriminations permettant de couvrir, de la manière la plus exhaustive possible, les comportements prohibés par la convention susvisée est actuellement en cours d'élaboration. Le projet de loi considéré doit être présenté à l'automne en conseil des ministres.

Données clés

Auteur : Mme Martine Carrillon-Couvreur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 10 mars 2003
Réponse publiée le 4 août 2003

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