Question écrite n° 14140 :
Internet

12e Législature

Question de : M. Claude Goasguen
Paris (14e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Claude Goasguen attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la lutte contre la délinquance pédophile sur Internet. Face à une croissance alarmante du trafic pédophile sur Internet, il apparaît que les moyens mis à la disposition des enquêteurs de la justice sont de plus en plus dérisoires au fur et à mesure que se développent les échanges et que les techniques informatiques se perfectionnent. Il faut souvent analyser des milliers de messages, décoder des centaines d'adresses électroniques, de codes informatiques, pour constituer des preuves de la culpabilité des pédophiles utilisant le réseau pour sévir. Ce travail demande à la fois du temps, des compétences particulières et du matériel informatique adapté. Si la compétence des équipes qui traquent inlassablement ces criminels n'est pas remise en cause, les connaissances techniques nécessaires demandent une formation spécifique qui n'est pas toujours prévue pour les enquêteurs ; de plus, les moyens dont ils disposent sont malheureusement mal adaptés à ce type de délinquance, alors que souvent deux ans s'écoulent avant que des résultats tangibles ne permettent au Procureur de la République, par exemple, de poursuivre son action suite à des plaintes. Les conséquences de cette lenteur technique d'investigation peuvent être cependant douloureuses, puisque certains pédophiles, arrêtés après leur méfait, apparaissent plus tard comme appartenant à un réseau en ligne. Il voudrait connaître ses intentions pour accroître l'efficacité de la lutte contre les pédophiles sévissant sur Internet.

Réponse publiée le 25 août 2003

La lutte contre les actes délictuels et criminels de toute nature commis sur l'Internet, et parmi eux les actes à caractère pédophile, a toujours constitué une priorité pour les services du ministère de l'intérieur. Dans sa lutte contre la délinquance, contre la criminalité sur Internet et contre les actes à caractère pédophile commis sur Internet, la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) dispose d'un ensemble d'outils répressifs et de structures appropriées qui témoignent de sa réactivité et de son adaptation aux phénomènes criminels nouveaux. Au niveau des structures, la création au mois de septembre 1997, au sein de la sous-direction des affaires criminelles (SDAC), d'un groupe spécialisé chargé des mineurs victimes, appartenant à la division nationale pour la répression des atteintes aux personnes et aux biens (DNRAPB), a répondu à l'impératif de mise en place d'une entité spécialisée au sein de la DCPJ. Ce groupe a été investi de deux missions prioritaires, une mission opérationnelle d'enquêtes judiciaires et une mission de centralisation de la documentation opérationnelle. L'exploitation de cette documentation a confirmé la nécessité de répertorier et de traiter en priorité les images pornographiques mettant en scène des mineurs afin d'identifier les victimes et les auteurs et d'établir les liens entre les différentes affaires. Les services de police européens estiment entre 600 000 et 700 000 le nombre d'images pornographiques mettant en scène les mineurs circulant sur le réseau Internet à travers le monde. En raison de la technicité des investigations concernant des infractions utilisant Internet comme vecteur, ce groupe peut s'appuyer sur l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), créé en mai 2000, au sein duquel une unité a tout spécialement été mise en place pour procéder à la surveillance et au suivi des sites Internet susceptibles de stocker et de diffuser des images pornographiques impliquant des mineurs. Cette unité agit comme une cellule de veille policière permanente sur le réseau mondial. Le domaine de compétence de l'office est fixé par l'article 2 du décret précité : sont du ressort de l'OCLCTIC les infractions spécifiques à la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication et les infractions dont la commission est facilitée ou liée à l'utilisation de ces technologies. L'office anime et coordonne au plan national la mise en oeuvre opérationnelle de la lutte contre les auteurs d'infractions spécifiques à la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, procède à la demande de l'autorité judiciaire, à tous actes d'enquêtes et de travaux techniques d'investigations en assistance aux services chargés d'enquêtes de police judiciaire sur ces infractions, apporte une assistance aux services de police, de gendarmerie, de la douane, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en cas d'infractions liées aux technologies de l'information et de la communication et d'intervenir d'initiative, avec l'accord de l'autorité judiciaire saisie, pour s'informer sur place des faits relatifs aux investigations conduites. L'OCLCTIC a également créé et assure le suivi de l'adresse électronique www.internet-mineurs.gouv.fr, sur laquelle les internautes peuvent adresser toute dénonciation concernant des sites accueillant des images pornographiques impliquant des mineurs. Une enquête est alors diligentée d'initiative et les faits dénoncés au parquet. Les éléments ainsi recueillis dans une base de données sont, si le contenu est effectivement illégal, exploités techniquement par l'OCLCTIC. Cette exploitation technique consiste en la localisation géographique du serveur diffusant le contenu illicite et l'identification du propriétaire du nom de domaine, lorsqu'il s'agit d'un site web. Les informations recueillies sont transmises au parquet territorialement compétent (implantation du serveur et/ou domiciliation du titulaire du nom de domaine) qui fait diligenter une enquête par les services de police spécialisés dans la protection des mineurs. Si le serveur est situé à l'étranger, les informations techniques sont transmises aux autorités locales par le canal d'Interpol. S'agissant de sites diffusant d'autres contenus illicites (haine raciale, apologie de crimes...), l'OCLCTIC ne dispose pas de compétences d'attribution particulières. Il apporte son assistance technique au service de police initialement saisi ou relaie l'information aux services concernés, si celle-ci lui parvient directement (par messagerie électronique par exemple). L'action de ces deux services centraux à compétence nationale et internationale est relayée au niveau territorial par les services régionaux de police judiciaire (SRPJ) et par la brigade de protection des mineurs de la direction régionale de police judiciaire de Paris (DRPJ), qui bénéficient également de l'appui de ces deux services spécialisés lorsque la technicité ou l'ampleur des investigations l'exige. Chaque SRPJ est à même de lutter contre ces infractions, tant au point de vue procédural que technique, avec l'apport des enquêteurs spécialisés en criminalité informatique qui sont les correspondants de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication au sein duquel un groupe est spécialisé dans la surveillance et le suivi des sites « Internet » susceptibles de stocker et de diffuser des images pornographiques impliquant des mineurs et qui procède aux premières investigations sur les dénonciations faites par les internautes sur l'adresse électronique www.internet-mineurs.gouv.fr. Au plan international la DCPJ a poursuivi ses efforts au plus près des avancées technologiques. En effet, si plusieurs pays européens disposent d'une « bibliothèque » de supports pornographiques constituée au gré des saisies judiciaires et si l'organisation internationale de police criminelle - Interpol - a annoncé sa décision de se doter d'une base de données d'images pédophiles avec accès sécurisé à l'usage exclusif des services de police, il n'existe cependant pas de système de centralisation capable de traiter la masse des données. Un tel système permettrait de réaliser des recoupements nationaux ou internationaux concernant des photographies liées à un même réseau. Dans le cadre du programme de financement européen « STOP » (sexual trafficking of persons), la DCPJ a entrepris de développer un logiciel d'indexation et de recherche automatique par le contenu de l'image qui a abouti à la création du logiciel « Image seeker », acheté par Interpol et les douanes américaines. Cet outil informatique peut être configuré selon les diverses recommandations du « G8 ». Une norme internationale d'indexation est en cours d'étude à l'OIPC - Interpol avec la participation active de la direction centrale de la police judiciaire. La première phase conduite en 1999 a permis de faire développer par l'institut national de la recherche informatique et automatisme (INRIA) un prototype novateur issu des dernières technologies en matière de comparaison d'images. La deuxième phase, en cours aujourd'hui, prévoit les travaux de programmation spécifiquement adaptés aux besoins particuliers des services de police et les tests actuellement menés en partenariat avec des policiers espagnols. Cet outil informatique permettra une indexation automatique de l'ensemble des supports pornographiques impliquant des mineurs (disque-compact, film, disquette informatique, photographie, vidéographie, etc.), une recherche automatique en temps réel à partir d'une image requête saisie lors d'une opération judiciaire, fonctionnalité qui pourra être affinée par une recherche spécifique sur les visages et une requête partielle à partir d'un objet contenu dans l'image. Ce système, dont la finalisation technique devrait intervenir avant l'été, permettra le traitement rapide d'un nombre illimité d'images, notamment à partir des nouveaux supports informatiques (CD Rom, DVD,...) et de pallier ainsi les difficultés rencontrées lors des enquêtes concernant des pédophiles ayant utilisé Internet. Au niveau juridique le travail des enquêteurs s'est vu conforté par plusieurs dispositions législatives : la loi du 17 juin 1998 a permis de procéder à une refonte générale des instruments de prévention et de répression des infractions de nature sexuelle ou de celles commises contre des mineurs. Ce texte a notablement aggravé la répression des infractions de nature sexuelle, spécialement lorsque celles-ci sont commises à l'encontre des mineurs. Par ailleurs, l'importation et l'exportation de documents pornographiques mettant en scène des mineurs, y compris lorsque les documents ne font que transiter par le territoire français pour être ensuite réexpédiés vers des pays tiers, sont désormais incriminées spécifiquement. Enfin, l'utilisation des réseaux de télécommunication, et notamment du réseau Internet, pour commettre une infraction à caractère sexuel a été prise en compte et érigée en circonstance aggravante. L'article 29 de la loi de 2001 relative à la sécurité quotidienne fait obligation aux opérateurs de télécommunication pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales de différer pour une durée maximale d'un an les « opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques ». Cette mesure doit permettre à la justice d'avoir accès à l'identification des personnes ayant utilisé le réseau Internet pour charger des supports pornographiques impliquant des mineurs. Cette disposition a été pérennisée par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui autorise désormais les officiers de police judiciaire ou, sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire à accéder, au cours d'une perquisition, par un système informatique implanté sur les lieux où se déroule l'opération, à des données intéressant l'enquête en cours et stockées dans ledit système ou dans un autre système informatique, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. Cet arsenal préventif et répressif a déjà permis de démanteler plusieurs réseaux d'alimentation d'Internet en images pornographiques impliquant des mineurs. Les affaires les plus récentes soulignent l'engagement fort de l'ensemble des services de la DCPJ dans des affaires qui ont très souvent un caractère international. Les 13 et 18 mars 2002, exploitant un listing transmis par Interpol, les enquêteurs du service régional de police judiciaire d'Angers, avec l'apport des enquêteurs spécialisés de l'OCLTIC, interpellaient deux enseignants sur les ordinateurs desquels étaient retrouvées plusieurs centaines de milliers de photographies pornographiques impliquant des mineurs. Le 13 mars 2002, coopérant avec leurs collègues de la police criminelle fédérale allemande, les enquêteurs de la direction centrale de la police judiciaire et du SRPJ de Strasbourg interpellaient à Rohrbach-lès-Bitche (57) un homme dans l'ordinateur duquel les fonctionnaires de l'OCLCTIC découvraient plusieurs milliers de photographies pornographiques de mineurs dont certains de sa famille qu'il diffusait sur Internet. Le 16 avril 2002, sur la base d'un autre renseignement émanant des autorités allemandes, la DCPJ (DNRAPB, l'OCLCTIC et le SRPJ) déclenchait une opération d'envergure nationale. L'enquête conduisait à l'interpellation de 35 internautes à travers la France. Plusieurs centaines de milliers d'images ou vidéogrammes pornographiques impliquant des mineurs étaient retrouvés. Quelques images mettaient en scène certains internautes interpellés. Le 12 février 2003, les enquêteurs de la DCPJ interpellaient à Marseille un homme qui s'était vanté sur Internet, lors de « chats » (forum de discussions) avec un internaute précédemment interpellé par la DNRAPB, d'avoir filmé les agressions sexuelles auxquelles il s'était livré sur sa fille âgée de 6 ans. Au cours de la perquisition, les enquêteurs découvraient sur l'ordinateur du mis en cause les films incriminés. Une seconde victime, amie de la famille, âgée de 9 ans, apparaissait également dénudée sur les images saisies. Les auditions permettaient d'apprendre que la fille du mis en cause pourrait avoir été droguée par ingestion de médicaments avant de subir les viols. A l'issue de sa garde à vue, il était placé sous mandat de dépôt. Dans le cadre d'une enquête conjointe avec les polices cantonales de Berne et Genève, les enquêteurs de la DNRAPB identifiaient un groupe d'internautes échangeant des images à caractère pornographique impliquant des mineurs sur le réseau Internet. Huit personnes étaient identifiées et interpellées le 9 décembre 2002 sur le territoire national. Plusieurs centaines de milliers d'images pornographiques impliquant des mineurs étaient saisies chez l'ensemble des mis en cause. La poursuite des investigations permettait de confondre l'un des mis en cause comme étant l'auteur de sévices sexuels et de viol sur son neveu de 3 ans. Au plan international seize arrestations ont été opérées au Canada, en Belgique, en Grande-Bretagne et en Suisse. Les policiers canadiens ont pu élucider le viol de deux enfants de 3 ans par l'un des mis en cause.

Données clés

Auteur : M. Claude Goasguen

Type de question : Question écrite

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Dates :
Question publiée le 17 mars 2003
Réponse publiée le 25 août 2003

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