commerce international
Question de :
M. Yves Cochet
Paris (11e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
M. Yves Cochet attire l'attention de M. le ministre délégué au commerce extérieur sur les préoccupations suscitées par les négociations en cours sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Cet accord menace particulièrement les services fondamentaux des pays du Sud. Certains d'entre eux réclament sans succès une évaluation de la libéralisation des services en préalable à tout nouvel engagement. De plus, les négociations ne sont pas transparentes et n'associent pas les élus nationaux et européens pour en définir le contenu. Certes, dans une lettre en date du 9 décembre 2002, envoyée à tous les députés français, le commissaire européen, Pascal Lamy, chargé des négociations a envoyé une note affirmant que les services publics n'étaient pas menacés. Cependant, toute l'argumentation de la note repose sur une distinction entre « services publics marchands » et « services publics régaliens », sans expliquer comment se ferait cette distinction, alors que seuls les seconds sont supposés être maintenus comme compétences des autorités publiques. De plus, aucune précision n'était apportée sur ce que serait la réalité de services publics fondamentaux (comme l'éducation) s'ils sont entièrement soumis aux règles de la concurrence. Aussi, lui demande-t-il, d'une part, comment il compte de son côté garantir la transparence des négociations commerciales en portant cette exigence au niveau européen et, d'autre part, s'il entend mettre en oeuvre un moratoire sur l'accord tant qu'une évaluation indépendante et pluraliste de la libéralisation des services n'aura pas été réalisée, afin d'exclure de l'AGCS les services fondamentaux auxquels il donnera une définition précise.
Réponse publiée le 25 août 2003
De nouvelles négociations sur les services sont engagées depuis le premier janvier 2000 à l'Organisation mondiale du commerce et ont été incorporées dans la négociation globale du cycle du développement de Doha. Ces négociations ont été engagées sur la base de l'article XIX de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) qui prescrit des séries de négociations successives, ayant notamment pour objectif de promouvoir les intérêts de tous les participants sur une base mutuelle, sans objectif final autre. Le Gouvernement s'est toujours attaché, et confirme son attachement à rendre ces négociations aussi transparentes que possible, par le dialogue et l'explication auprès des élus et des représentants de la société. Le ministre délégué au commerce extérieur a présidé à ce titre plusieurs réunions d'information sur ces négociations, ouvertes à toutes les organisations et structures intéressées où a été présentée et discutée de manière ouverte et critique la proposition d'offre soumise par la Commission européenne. De manière séparée sur ce thème spécifique, ou dans le cadre général des négociations de Doha, plusieurs réunions et présentations ont également été organisées à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen. L'offre communautaire, conditionnelle à ce stade, a enfin été rendue publique par la Commission le jour de son dépôt auprès des autres membres de l'OMC. Lors des précédentes négociations du cycle d'Uruguay qui ont amené pour l'essentiel la consolidation du droit alors existant, l'Union européenne a fait figurer dans son offre une disposition précisant que dans tous les Etats membres, les services considérés comme services publics sur le plan national ou local peuvent faire l'objet de monopoles publics ou de droits exclusifs réservés à des fournisseurs privés. L'offre de libéralisation de l'Union n'a comporté d'engagements que dans le secteur privé, concurrentiel et marchand à l'exclusion de l'ensemble du service public. Elle a en outre consolidé à l'OMC les dispositions déjà en vigueur au titre de notre droit et qui permettent à des prestataires de services originaires de pays tiers de s'installer ou d'exercer dans notre pays, sous certaines conditions très précises (exigences de qualification, de déontologie, par exemple ; limitations quantitatives dans le secteur de la santé, afin de préserver nos instruments de régulation de l'offre). L'AGCS n'exclut a priori aucun secteur. Alors que dans un certain nombre de cas, des activités de services sont gérées tantôt par la puissance publique tantôt par des personnes privées, l'exclusion formelle des services publics nécessiterait un consensus, difficile à obtenir sur le champ et la définition de ces services. C'est pourquoi la préservation des services publics repose fondamentalement sur le mécanisme de négociation par listes positives et limitations de l'AGCS reconduit pour les négociations en cours. Avec ce mécanisme, aucun membre ne peut se voir contraint à privatiser un service public contre son gré, ni à l'offrir à la concurrence. Les ouvertures réalisées correspondent à la volonté de libéraliser exprimée par un membre, qui conserve la possibilité de limiter le champ de l'ouverture selon une définition propre, de poser des limitations en termes d'accès au marché ou de traitement national. L'AGCS consacre également le droit des Etats à réglementer et à faire évoluer leur réglementation, dans le plein respect du choix de leurs politiques publiques. En conséquence, les offres consenties n'emportent aucun effet, ni direct ni indirect, de déréglementation ou de privatisation. La négociation en cours conduit la France à réaffirmer ces mêmes principes. L'Union européenne étant déjà très ouverte dans le domaine des services, la France n'est pas hostile à ce que la négociation couvre un large champ de secteurs. Le commerce des services fait vivre aujourd'hui des milliers de salariés français. Leur emploi dépend largement de la capacité des entreprises à gagner des marchés à l'étranger. Il fait vivre également des entreprises étrangères qui investissent chez nous, offrant de nombreux emplois à nos concitoyens. Plus de dix millions de Français travaillent dans le secteur des services marchands et produisent plus de la moitié de la production intérieure brute. Pour autant, le Gouvernement a veillé et veillera à ce que l'Union européenne n'offre pas la libéralisation de ses services publics tels qu'ils sont conçus et protégés dans l'Union, le degré de libéralisation atteint au plan interne ou communautaire constituant l'élément de référence à l'OMC, et à ce que soient préservés les équilibres trouvés dans le cadre de l'AGCS. À cet égard, il convient de rappeler que les différentes directives communautaires relatives à différents services d'intérêt général, adoptées par le Conseil, fixent tout autant les conditions de concurrence entre opérateurs que les modalités de maintien du service universel dans les secteurs où existe une vocation ou une structure publiques.
Auteur : M. Yves Cochet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : commerce extérieur
Ministère répondant : commerce extérieur
Dates :
Question publiée le 31 mars 2003
Réponse publiée le 25 août 2003