traité instituant une cour pénale internationale
Question de :
M. Victorin Lurel
Guadeloupe (4e circonscription) - Socialiste
M. Victorin Lurel souhaite connaître les intentions de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les adaptations de notre législation rendues nécessaires après l'installation de la Cour pénale internationale. Le bon fonctionnement de la Cour pénale internationale nécessitait deux types d'adaptation de notre droit interne : des adaptations procédurales qui ont été réalisées à la fin de la précédente législature ainsi que des adaptations de fond concernant la définition des crimes relevant de la compétence de la Cour qui n'ont toujours pas été réalisées. Aux termes de l'article 5 de son statut, la compétence de la Cour est limitée aux crimes les plus graves que sont les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes d'agression. Or, le droit français ne reconnaît pas les crimes de guerre en tant que tels. Il permet, certes, de réprimer des actes individuels isolés (torture, viol...), mais sans prendre en compte le contexte dans lequel ces actes sont intervenus. Seuls les crimes contre l'humanité commis en temps de guerre font l'objet d'une disposition spécifique : l'article 212-2 du code pénal punit en effet de la réclusion criminelle à perpétuité les crimes contre l'humanité commis en temps de guerre en exécution d'un plan concerté. De plus, l'article 124 de ce statut autorise les Etats parties à refuser la compétence de la Cour pour les crimes de guerre pendant une période de sept ans. La France est le seul Etat ayant ratifié le statut à avoir utilisé cette possibilité. Cette harmonisation semble donc d'autant plus nécessaire que la France a refusé de reconnaître la compétence de la Cour pour ces crimes pendant une période transitoire de sept ans. Afin d'éviter que les auteurs français de ces crimes, qui ne pourront pas être jugés par la Cour, ne soient uniquement sanctionnés que sur la base des infractions de droit commun, il lui demande s'il envisage de soumettre rapidement un projet de loi au Parlement afin de modifier notre législation en la matière.
Réponse publiée le 2 juin 2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice indique à l'honorable parlementaire que si les crimes de guerre ne sont pas définis en tant que tels dans notre législation, la plupart d'entre eux peuvent déjà être poursuivis sur le fondement du code pénal ou du code de justice militaire et que rien ne s'oppose dès à présent à ce que les personnels français, civils ou militaires, qui commettraient de tels crimes soient traduits devant les tribunaux français ; la circonstance que la France ait effectivement effectué une déclaration au titre de l'article 124 du statut de la Cour pénale internationale n'empêche aucunement les juridictions pénales françaises de juger, le cas échéant, les auteurs des infractions considérées. Si notre pays a déclaré, lors du dépôt de son instrument de ratification afférent à la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, qu'il entendait se prévaloir des dispositions de l'article 124 précité qui permettent à un Etat partie de décliner, pendant une période de sept ans, la compétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses ressortissants ou sur son territoire, une telle déclaration a pour seule finalité de vérifier l'efficacité des garanties introduites dans le statut pour éviter des plaintes abusives ou fondées sur des motifs politiques. De telles plaintes ne sont naturellement pas envisageables pour un génocide ou pour d'autres crimes contre l'humanité qui ont par définition un caractère massif et systématique. En revanche, les crimes de guerre, dont la définition dans le statut englobe la commission d'actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Des plaintes sans fondement pourraient ainsi être dirigées contre les personnels de pays qui, comme la France, sont fortement engagés sur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadre d'opérations humanitaires ou de maintien de la paix, et dont le seul objet serait d'embarrasser publiquement ces pays, voire le Conseil de sécurité lui-même. Eu égard à la fois aux responsabilités qui sont celles de la France en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales et au risque particulier de détournement de la Cour pénale internationale à des fins autres que judiciaires, les autorités françaises ont estimé que cette période probatoire de sept ans était nécessaire pour pouvoir apprécier in concreto si les dispositions procédurales insérées dans le statut pour éviter que la Cour ne soit « instrumentalisée » fonctionnent de manière satisfaisante. Pendant cette période, notre pays pourra intervenir, notamment lors de l'assemblée annuelle des Etats parties, pour mettre en lumière tel ou tel dysfonctionnement. Il convient, par ailleurs, de préciser qu'un projet de loi comportant notamment les incriminations permettant de couvrir, de la manière la plus exhaustive possible, les comportements prohibés par la convention susvisée est actuellement en cours d'élaboration. Ce projet de loi devrait être présenté avant l'été en conseil des ministres.
Auteur : M. Victorin Lurel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 7 avril 2003
Réponse publiée le 2 juin 2003