DOM : transports aériens
Question de :
M. Éric Jalton
Guadeloupe (1re circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
M. Éric Jalton attire l'attention de Mme la ministre de l'outre-mer sur les graves manquements à la continuité territoriale qui ont été observés dans les terres ultramarines de la France. Depuis la liquidation d'Air Lib, Air France et Corsair sont les seules compagnies aériennes à desservir les départements d'outre-mer, créant une situation de quasi-monopole aux Antilles et à la Réunion et de monopole en Guyane. Cette situation, qui empêche les étudiants de rentrer voir leur famille et les métropolitains originaires d'outre-mer de passer quelques jours dans leur île natale, se caractérise par des billets aux prix prohibitifs et une offre de places limitée, en particulier en période d'affluence. A une époque où l'on peut se rendre en Thaïlande pour 589 euros, à Moscou pour 579,16 euros et à Miami pour 689 euros, il ne comprend pas que pour rentrer chez lui un Guadeloupéen moyen soit contraint de débourser 1 504,52 euros, alors que la Guadeloupe est une terre française située à 8 000 kilomètres de l'Hexagone, sur le même fuseau horaire que Miami. A titre d'exemple, la Corse, située à 170 kilomètres de la côte niçoise, bénéficie depuis 1997 de plus de 143 millions d'euros qui sont alloués aux compagnies maritimes et aux compagnies aériennes (soit respectivement 75 % et 25 % de la dotation de continuité territoriale), afin de réduire les conséquences économiques de son insularité, et elle reçoit la plus forte dotation de l'UE pour ce même motif puisque sur la période 1994-1999, elle a reçu 137,2 euros en termes de ratio par habitant, contre 12,2 euros pour la France entière et 76,22 euros pour la Guadeloupe. Par ailleurs, le droit communautaire contient des dispositions relatives à l'imposition d'obligation de service public lorsque celles-ci sont « nécessaires au maintien de services aériens adéquats desservant les zones nationales ». Le règlement 2408 du « Paquet communautaire » adopté le 23 juillet 1992 impose même dans son alinéa 1 a de l'article 4 « un Etat membre peut (...) imposer des obligations de service public sur des services aériens réguliers vers un aéroport desservant une zone périphérique ou de développement située sur son territoire ou sur une liaison à faible trafic à destination d'un aéroport régional situé sur son territoire, si ces liaisons sont considérées comme vitales pour le développement économique de la région dans laquelle est situé l'aéroport et dans la mesure nécessaire pour assurer sur cette liaison une prestation de services adéquate répondant à des normes fixes en matière de continuité, de régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le transporteur ne satisferait pas s'il ne devait considérer que son seul intérêt commercial ». Par conséquent, il lui semble que l'Etat doit effectivement tout mettre en oeuvre pour qu'Air France - entreprise dont l'Etat est l'actionnaire principal et qui va être privatisée - conserve ses missions d'intérêt général en matière de transport et d'aménagement du territoire dans le cadre d'une obligation de service public, à l'instar de toute autre compagnie aérienne qui viendrait desservir les DOM. Le lundi 31 mars 2003, l'association pour la coordination des horaires (COHOR), chargée de la répartition des droits de décollage et d'atterrissage, a procédé à la redistribution des 44 528 créneaux horaires d'Air Lib à l'aéroport d'Orly. L'Etat aurait, selon la presse nationale, « confirmé sa volonté de réserver 20 % des créneaux libérés par Air Lib sur l'aéroport, soit 8 906 créneaux par an, pour doter des dessertes d'aménagement du territoire, notamment vers la Corse et les départements d'outre-mer ». Il souhaiterait donc savoir quels seront les créneaux qui seront attribués non pas « aux départements d'outre-mer », mais à chacun d'eux, compte tenu que ces régions ne sont accessibles ni par voie routière, ni par voie ferroviaire, comme les autres départements de l'Hexagone, ni par voie maritime comme peut l'être la Corse pour le transport de passagers, mais uniquement par voie aérienne.
Réponse publiée le 6 octobre 2003
L'honorable parlementaire interroge la ministre de l'outre-mer sur la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale entre la métropole et les collectivités ultra-marines. Sensible aux difficultés rencontrées par nos compatriotes d'outre-mer en matière de déplacement aérien, du fait notamment des conditions tarifaires pratiquées par les transporteurs aériens sur les liaisons entre ces collectivités et la métropole, la ministre de l'outre-mer, dès sa prise de fonction, n'a cessé d'accorder priorité à l'amélioration de la situation de la desserte aérienne de l'outre-mer. C'est ainsi qu'a été mis en place, dès la rentrée 2002, le « passeport mobilité », destiné à permettre le déplacement des jeunes d'outre-mer devant poursuivre leurs études ou une formation professionnelle dans l'Hexagone. Ce passeport, vecteur de continuité territoriale en faveur des jeunes, permet de leur faire bénéficier gratuitement d'un voyage aller-retour par an vers la métropole ou une autre collectivité d'outre-mer. Depuis sa mise en place au 1er septembre 2002, plus de 7 000 d'entre eux en ont bénéficié. Ce dispositif sera amélioré dans ses modalités de mise en oeuvre dans les mois à venir, de manière à le rendre encore plus efficient. Par ailleurs, ayant pour objectif d'élargir l'application du principe de continuité territoriale au bénéfice de tous les résidents des neuf collectivités d'outre-mer, la loi de programme pour l'outre-mer (n° 2003-660 du 21 juillet 2003) a, par son article 60, mis en oeuvre la volonté du Gouvernement de pallier l'éloignement géographique entre ces collectivités et le territoire métropolitain. En effet, cet article prévoit que l'Etat versera une dotation de continuité territoriale destinée à faciliter les déplacements des résidents des collectivités d'outre-mer entre ces dernières et le territoire métropolitain en contribuant à financer une aide directe au passager. Comme peut le constater l'honorable parlementaire, le principe de continuité territoriale en faveur de nos compatriotes de l'outre-mer a ainsi, et pour la première fois, reçu une pleine valeur législative. Il convient de rappeler, à cet égard, que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003 rendue à propos de la loi de programme pour l'outre-mer, a précisé que le principe de « continuité territoriale » n'a pas valeur constitutionnelle, ni en lui-même, ni comme corollaire du principe d'indivisibilité de la République. Il était donc d'autant plus nécessaire d'affirmer ce principe dans la loi-programme pour l'outre-mer. Sensible aux difficultés des originaires de l'outre-mer demeurant en métropole et qui pâtissent du prix trop souvent exorbitant du titre de transport aérien, dès lors qu'ils souhaitent regagner leur collectivité d'origine, la ministre de l'outre-mer a pris la juste mesure des effets négatifs de la disparition de la compagnie Air Lib, facteur déterminant de l'inflation récente du prix des billets d'avion sur ces liaisons. Il a donc été prévu, dans le cadre du titre Ier de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, un dispositif d'exonération des charges sociales (égale à 100 % du montant des cotisations patronales, dans la limite d'un montant égal au SMIC majoré de 30 %) dont peuvent bénéficier les compagnies aériennes privées pour leur personnel basé outre-mer, et exclusivement pour leur desserte de l'outre-mer. Cette mesure a pour principal objectif de créer les conditions d'une concurrence susceptible de susciter la venue de nouvelles compagnies qui permettra ainsi de faire baisser, du fait d'une augmentation de l'offre de service, le coût du transport aussi bien pour les passagers que pour le fret. Pour faciliter la mise en oeuvre de ce dispositif d'ensemble, un groupe de travail associant les compagnies aériennes a d'ores et déjà été mis en place afin que soient optimisés les effets de ces mesures en termes de baisse effective du coût du transport pour les résidents des collectivités d'outre-mer. Aux mesures susmentionnées s'ajoutent les obligations de service public mises en place par l'Etat et acceptées par les services de la Commission européenne depuis 1997. Ces obligations de service public devraient être réactualisées dans les mois à venir, afin de mieux prendre en compte les préoccupations exprimées par l'honorable parlementaire. Il convient de rappeler ici qu'en droit communautaire ces obligations s'appliquent à tous les transporteurs. Conformément aux engagements du Président de la République en matière de continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole, le Gouvernement s'est fixé également comme objectif de susciter une offre de transport vers l'outre-mer suffisante et adaptée tant en termes de capacité que de prix. Pour y parvenir, le Gouvernement escompte le développement d'une concurrence raisonnable mais réelle entre transporteurs sur l'ensemble des liaisons concernées et travaille à la mise en place d'un environnement favorable à cet effet. Ce n'est que dans ce cadre que les originaires de l'outre-mer résidant en métropole pourront bénéficier de tarifs équitables sur les coupons de transport aérien au même titre d'ailleurs que tous les citoyens résidant en métropole qui souhaitent se rendre outre-mer. En conclusion, il convient de souligner que, dans le contexte budgétaire actuel, l'effort de l'Etat en matière de financement du principe de continuité territoriale est significatif. En outre, la perspective d'une pluralité de l'offre en matière de transport aérien se dessine clairement, comme en témoignent les liaisons supplémentaires sur la Réunion récemment mises en place par Air Austral et Air Bourbon ainsi que les avis favorables émis par le Conseil supérieur de l'aviation marchande sur les projets de nouvelles dessertes ou de nouvelles compagnies qui lui ont été récemment présentés, notamment par Air Caraïbe ou Air Mayotte International.
Auteur : M. Éric Jalton
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Dates :
Question publiée le 7 avril 2003
Réponse publiée le 6 octobre 2003