commerce international
Question de :
M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Yves Nicolin appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les offres de libéralisation transmises par l'Union européenne à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), par lesquelles sont définis les secteurs que la Commission entend libéraliser sur le territoire des pays membres de l'Union, en vue de l'entrée en vigueur de l'accord général sur le commerce des services (AGCS) en 2005. En effet, il est remarquable qu'aucun élu ne soit officiellement associé, pas même informé des demandes qui nous sont faites par les partenaires commerciaux, ni des offres que la Commission a faites au nom des Européens alors que les entreprises transnationales notamment ont été consultées. Or l'AGCS, né de l'efficace pression du secteur américain des services financiers, prévoit que les services privatisés s'étendront à presque toutes les activités humaines, le texte mentionnant pas moins de 160 secteurs économiques différents. L'article 1, alinéa 3-b de l'AGCS dispose que seuls les services gouvernementaux fournis « ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services » seront épargnés par l'AGCS. Ne seront donc exclus de cette privatisation que la justice, la police, la gendarmerie et l'armée. Aussi, seront dérégulés des domaines aussi fondamentaux que la distribution d'eau, les chemins de fer, la santé (marché de 3 500 milliards de dollars), les services sociaux, l'éducation (marché de 2 000 milliards de dollars), la culture, les sports, les loisirs, les services financiers, la poste, l'énergie, l'environnement, les télécommunications ou le ramassage des ordures. Les politiques publiques locales, nationales et européennes en seront évidemment bouleversées et, avec elles, l'étendue du pouvoir démocratique lui-même. Conformément à la clause du « traitement national », les pays membres devront accorder les mêmes conditions et subventions aux puissantes multinationales étrangères qu'aux entreprises nationales, publiques ou privées, ces dernières n'ayant aucune chance de résister compte tenu de la disparité des coûts de production, pas plus que les normes légales (droit du travail, protection de l'environnement, santé publique, etc.). Ainsi, l'un des « modes de fourniture » des services prévu permettra à une entreprise d'importer le personnel jugé nécessaire à la fourniture d'un service sur le territoire d'un autre pays membre, important en même temps des conditions salariales nettement plus basses que celles en vigueur dans ledit pays. Enfin et dès à présent, si un gouvernement envisageait de rétablir des restrictions à la fourniture des services, il devrait en contrepartie ouvrir un autre secteur à la libéralisation, ou payer des dédommagements aux fournisseurs étrangers pour compenser leur « manque à gagner ». Compte tenu des conséquences économiques, sociales et politiques considérables et irréversibles de cet accord, il lui demande s'il ne serait pas opportun d'informer la représentation nationale. - Question transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Réponse publiée le 25 août 2003
De nouvelles négociations sur les services sont engagées depuis le premier janvier 2000 à l'Organisation mondiale du commerce et ont été incorporées dans la négociation globale du cycle du développement de Doha. Ces négociations ont été engagées sur la base de l'article XIX de l'accord général sur le commerce des services (AGCS) qui prescrit des séries de négociations successives, ayant notamment pour objectif de promouvoir les intérêts de tous les participants sur une base mutuelle, sans objectif final autre. Le Gouvernement s'est toujours attaché, et confirme son attachement à rendre ces négociations aussi transparentes que possible, par le dialogue et l'explication auprès des élus et des représentants de la société. Le ministre délégué au commerce extérieur a présidé à ce titre plusieurs réunions d'information sur ces négociations, ouvertes à toutes les organisations et structures intéressées où a été présentée et discutée de manière ouverte et critique la proposition d'offre soumise par la commission européenne. De manière séparée sur ce thème spécifique, ou dans le cadre général des négociations de Doha, plusieurs réunions et présentations ont également été organisées à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen. L'offre communautaire, conditionnelle à ce stade, a enfin été rendue publique par la commission le jour de son dépôt auprès des autres membres de l'OMC. Lors des précédentes négociations du cycle d'Uruguay qui ont amené pour l'essentiel la consolidation du droit alors existant, l'Union européenne a fait figurer dans son offre une disposition précisant que dans tous les Etats membres, les services considérés comme services publics sur le plan national ou local peuvent faire l'objet de monopoles publics ou de droits exclusifs réservés à des fournisseurs privés. L'offre de libéralisation de l'Union n'a comporté d'engagements que dans le secteur privé, concurrentiel et marchand à l'exclusion de l'ensemble du service public. Elle a en outre consolidé à l'OMC les dispositions déjà en vigueur au titre de notre droit et qui permettent à des prestataires de services originaires de pays tiers de s'installer ou d'exercer dans notre pays, sous certaines conditions très précises (exigences de qualification, de déontologie, par exemple ; limitations quantitatives dans le secteur de la santé, afin de préserver nos instruments de régulation de l'offre). L'AGCS n'exclut a priori aucun secteur. Alors que, dans un certain nombre de cas, des activités de services sont gérées tantôt par la puissance publique tantôt par des personnes privées, l'exclusion formelle des services publics nécessiterait un consensus, difficile à obtenir, sur le champ et la définition de ces services. C'est pourquoi la préservation des services publics repose fondamentalement sur le mécanisme de négociation par listes positives et limitations de L'AGCS reconduit pour les négociations en cours. Avec ce mécanisme, aucun membre ne peut se voir contraint à privatiser un service public contre son gré, ni à l'offrir à la concurrence. Les ouvertures réalisées correspondent à la volonté de libéraliser exprimée par un membre, qui conserve la possibilité de limiter le champ de l'ouverture selon une définition propre, de poser des limitations en termes d'accès au marché ou de traitement national. L'AGCS consacre également le droit des États à réglementer et à faire évoluer leur réglementation, dans le plein respect du choix de leurs politiques publiques. En conséquence, les offres consenties n'emportent aucun effet, ni direct ni indirect, de déréglementation ni de privatisation. La négociation en cours conduit la France à réaffirmer ces mêmes principes. L'Union européenne étant déjà très ouverte dans le domaine des services, la France n'est pas hostile à ce que la négociation couvre un large champ de secteurs. Pour autant, elle a veillé et veillera à ce que l'Union européenne n'offre pas la libéralisation de ses services publics tels qu'ils sont conçus et protégés dans l'Union, le degré de libéralisation atteint au plan interne ou communautaire constituant l'élément de référence à l'OMC et à ce que soient préservés les équilibres trouvés dans le cadre de l'AGCS. A cet égard, il convient de rappeler que les différentes directives communautaires relatives à différents services d'intérêt général, adoptées par le Conseil, fixent tout autant les conditions de concurrence entre opérateurs que les modalités de maintien du service universel dans les secteurs où existe une vocation ou une structure publiques.
Auteur : M. Yves Nicolin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : économie
Dates :
Question publiée le 14 avril 2003
Réponse publiée le 25 août 2003