collectivité départementale : Mayotte
Question de :
M. Francis Falala
Marne (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Francis Falala souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche à propos de l'intégration sociale des jeunes Mahorais arrivés en métropole pour faire leurs études. A plusieurs niveaux et à commencer bien sûr par la barrière de la langue, il apparaît que les décalages culturels entre eux et les métropolitains rendent leur intégration à tout le moins difficile. Peu ou pas avertis des différences de modes de vie entre ces deux mondes, ces jeunes souffrent d'une adaptation qui se fait le plus souvent « aux forceps ». De ce fait, les symptômes de ces expériences se traduisent par un mal-être largement partagé par ces personnes, avec les phénomènes bien connus de repli et d'enfermement sur soi et de regroupement entre eux. A titre d'exemple, la répartition de ces populations dans les CROUS mérite un examen vigilant pour ne pas aggraver cette dérive. Ainsi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il existe des programmes d'éducation des jeunes Mahorais à l'apprentissage de la culture métropolitaine et quelles sont les mesures qu'il entend prendre afin d'améliorer sensiblement leur intégration à leur arrivée sur ce territoire.
Réponse publiée le 11 août 2003
Le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ne saurait se désintéresser de l'accueil réservé en métropole aux jeunes Mahorais venant poursuivre des études dans des établissements professionnels ou technologiques du second degré ou dans des établissements universitaires. 4 700 jeunes Mahorais poursuivant leurs études en métropole sont titulaires d'une bourse délivrée par la collectivité départementale par le biais de la direction des affaires sociales et universitaires. A la rentrée 2003, 1 200 jeunes boursiers quitteront Mayotte pour la métropole ou la Réunion. A ce chiffre, il faut ajouter celui, que nous connaissons mal, des étudiants et élèves du second degré qui ont quitté l'île par leurs propres moyens et sans aucune aide. Pour leur affectation en métropole, les jeunes Mahorais choisissent principalement des académies du sud de la France (Toulouse, Montpellier, Aix, Marseille) car d'une part il existe dans ces régions des petites communautés Mahoraises qui facilitent leur intégration, et d'autre part le climat leur est plus aisément supportable. Le nombre important et croissant de jeunes Mahorais dans certains lycées de la région Midi-Pyrénées est le résultat de la concordance entre la volonté délibérée des chefs d'établissement d'accueil et le souci du SIO de Mayotte de trouver des affectations dans des régions où l'intégration des, jeunes Mahorais pourra être facilitée. C'est pourquoi il peut être intéressant de créer des pôles de regroupement qui éviteront aux jeunes de se trouver dans des situations d'isolement, tout en conférant aux communautés éducatives un savoir-faire en matière d'accueil de ce public spécifique. De plus, ce dispositif permet au vice-rectorat de Mayotte un meilleur suivi des élèves expatriés. Depuis deux ans, une information directe et réaliste est donnée à tous les candidats au départ sur les difficultés qu'ils auront à surmonter. Le vice-rectorat de Mayotte leur explique de manière très détaillée les démarches qu'ils auront à effectuer. Ces séances d'information, en présence du professeur principal, ont pour objectif de motiver la communauté éducative de chaque établissement afin que le discours soit relayé au-delà du bref passage dans les établissements des agents de la direction des affaires sociales et universitaires. S'il est plus facile de sensibiliser les élèves de terminale sur le choix de leur orientation, sur leur affectation future et sur les difficultés qu'ils vont rencontrer, les élèves de CAP ou BEP restent peu accessibles à nos discours et leur motivation reste le départ coûte que coûte. Ainsi sont-ils prêts à s'engager dans n'importe quelle voie dès lors qu'ils trouvent une place, souvent à la suite d'une démarche directe auprès des établissements. Nombre d'entre eux n'hésitent pas à partir pour rejoindre des établissements métropolitains qui les acceptent, sans aide de la collectivité départementale de Mayotte et alors que le conseil de classe avait émis un avis défavorable à leur poursuite d'études. Chaque rentrée scolaire voit partir 700 lycéens en direction de divers lycées professionnels et 400 à 500 bacheliers se destinent majoritairement à la poursuite d'études à l'université. Ces départs s'échelonnent pour 90 % d'entre eux sur deux semaines et le seul véritable accueil envisageable est celui que peut réserver chacun des établissements qui a pris la responsabilité d'inscrire un jeune Mahorais. Quatre démarches doivent être réalisées par les jeunes Mahorais dans les plus brefs délais : ouverture d'un compte bancaire, ouverture des droits à la CMU puisqu'ils ne bénéficient d'aucune couverture sociale (les soins étant gratuits à Mayotte), recherche d'un logement (l'internat ne fonctionne pas en dehors des périodes scolaires), ouverture des droits à l'allocation logement. Tout cela est bien compliqué pour les jeunes, et ne peut se faire sans l'appui des travailleurs sociaux de l'éducation. Outre le niveau élevé des effectifs de partants, que le vice-rectorat ne peut prévoir, celui-ci n'est en possession des listes définitives qu'au lendemain des examens et des affectations qu'au dernier moment, et parfois après la date de la rentrée scolaire de métropole. En conséquence, le seul accueil qui puisse être organisé se situe à l'arrivée, à l'aéroport de Paris, où pendant une journée et une nuit ils sont regroupés en foyer, dans lesquels nous essayons de préparer au mieux le départ vers les régions et établissements scolaires d'accueil. Pour apprécier la situation, il nous faut garder à l'esprit quelques éléments spécifiques à Mayotte : la vie des jeunes dans les villages de Mayotte s'apparente à celle des jeunes issus du milieu rural métropolitain des années 30, la société Mahoraise est fortement influencée par la religion musulmane, le père au sens occidental du terme est totalement absent et déresponsabilisé, la mère ne parle généralement pas la langue française et n'a pas connu la scolarisation. De fait, personne ne suit véritablement la scolarité des enfants et les parents ne viennent au contact des services de l'éducation que pour des raisons liées à l'aspect matériel de la scolarité des jeunes. Les parents ignorent très souvent jusqu'au nom de la ville dans laquelle les enfants poursuivent leurs études. Dans ces conditions, la direction des affaires sociales et universitaires essaie de pallier la déficience parentale, mais cela ne peut se faire qu'en réponse à l'initiative des établissements qui nous interpellent sur ce point. Ainsi, une expérience est menée avec le lycée de Sidobre à Castres, qui a transmis l'ensemble des bulletins du premier semestre de tous les jeunes Mahorais scolarisés dans cet établissement, lesquels ont reçu en retour une lettre personnalisée du directeur de la direction des affaires sociales et universitaires. Cette expérience généreuse serait difficile à généraliser dans la mesure où le service gère actuellement 1 675 lycéens boursiers de Mayotte disséminés dans environ 500 lycées professionnels de métropole. Enfin, le service d'information et d'orientation de Mamoudzou est en relation permanente avec l'ensemble des académies métropolitaines, mais plus particulièrement avec celles qui reçoivent un certain nombre des jeunes Mahorais. Les établissements d'accueil sont en général informés des spécificités mahoraises par la DASU ou le SIO. Les services s'adaptent aux lenteurs des courriers en privilégiant les nouvelles techniques (télécopie, courrier électronique). La mauvaise image de cet accompagnement résulte de l'amalgame qui est fait entre les boursiers et les éléments qui ont quitté l'île par leurs propres moyens d'une part, et les difficultés à stabiliser la situation des jeunes dès leur arrivée d'autre part. Les efforts d'organisation des services du vice-rectorat et de la DASU ont porté pour la prochaine rentrée sur ce dernier point. L'aspect matériel de l'accompagnement est l'une des priorités du vice-rectorat. Il est important d'apprendre à nos jeunes la gestion de l'argent qu'ils perçoivent tant des bourses de la collectivité que des bourses nationales. Il est largement satisfaisant, si l'on en juge par les retours qu'a le vice-rectorat de la part des travailleurs sociaux, dès lors que ces derniers ont pu apprendre à nos jeunes la façon de gérer un budget. La prise en compte des difficultés rencontrées par les jeunes Mahorais scolarisés en métropole est une des préoccupations du vice-rectorat et de la DASU. Ils réfléchissent conjointement aux mesures à prendre dans le but d'améliorer le dispositif actuel d'accueil, les conditions de vie et d'études des jeunes Mahorais en métropole.
Auteur : M. Francis Falala
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale
Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale
Dates :
Question publiée le 28 avril 2003
Réponse publiée le 11 août 2003