établissements
Question de :
M. Armand Jung
Bas-Rhin (1re circonscription) - Socialiste
M. Armand Jung appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation dramatique des prisons. Il constate avec amertume que la France connaît actuellement une recrudescence des évasions de ses prisons, et rappelle que la dernière en date, concernant la prison de Luynes, porte leur nombre à trois en seulement six semaines. Il souligne que ce fait n'est que le symptôme des profonds dysfonctionnements actuels du système carcéral français, et plus généralement des dérives de la politique gouvernementale en matière de sécurité et de justice. La cause fondamentale des difficultés actuelles est la surpopulation carcérale, problème latent depuis de nombreuses années et reconnu par tous, mais en perpétuelle aggravation. Il y a globalement, en France, 59 155 détenus pour seulement 47 000 places. Le taux d'occupation est, pour certaines prisons, de 300 %. A titre d'exemple, la maison d'arrêt de Strasbourg signale dans son rapport d'activité 2002 qu'elle a en charge 600 détenus pour seulement 447 places théoriques. Les raisons de cette surpopulation sont connues. Elle est, tout d'abord, la conséquence de la politique engagée en matière de sécurité intérieure. On constate, en effet, que la priorité donnée à une sécurité de courte vue, au détriment d'un traitement en profondeur de l'insécurité, réellement à même de résoudre sur le long terme, et de façon durable, cette délicate question, entraîne la remise en cause de principes jusque-là observés et dont la pertinence était largement admise. Ainsi, le développement des procédures de comparution immédiate, le rallongement des peines pour certaines infractions, la croissance du nombre de détentions provisoires (15 080 au 1er janvier 2001 contre 22 285 aujourd'hui), alors même que la loi sur la présomption d'innocence de juin 2000 avait permis des avancées, et le fort recul des peines alternatives à la privation de liberté, pourtant beaucoup plus aptes à faciliter la réinsertion, sont autant de nouvelles orientations, insufflées par le Gouvernement, qui contribuent à l'accroissement de la population carcérale sans autre effet qu'un traitement de surface des problèmes. Elle est, ensuite, la résultante du retard pris dans la réalisation du programme de construction et de rénovation des prisons. Alors qu'une série de mesures, issue d'un rapport commandé par Mme Lebranchu en 2001, à l'époque garde des sceaux, auraient dû aujourd'hui être mises en oeuvre, il remarque que le Gouvernement n'a que récemment décidé d'en reprendre certaines. Quoi qu'il en soit, il semble que ce programme consistant simplement à accroître la capacité d'accueil des prisons ne soit pas, compte tenu des positions adoptées par le Gouvernement, dans la capacité de résorber le phénomène actuel. Il souligne enfin que cette surpopulation se double d'un autre mal chronique des prisons françaises, également mis en lumière par le rapport d'activité 2002 de la maison d'arrêt de Strasbourg : le sous-effectif des surveillants de prison, et en particulier du personnel gradé. La faiblesse de l'encadrement aggrave ainsi une situation qui devient dès lors explosive. En conséquence, il lui demande quelles actions il compte entreprendre afin de remédier à cette crise de l'administration pénitentiaire française.
Réponse publiée le 3 novembre 2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la situation de la maison d'arrêt de Strasbourg n'est pas spécifique à cet établissement. Au 1er septembre 2003, on comptait 57 440 détenus incarcérés dans les 188 établissements du territoire national, pour 48 590 places. Le taux d'occupation national moyen est donc à ce jour de 118,2 %. Toutefois, il convient de noter que la direction régionale des services pénitentiaires de Strasbourg connaît un taux d'occupation moyen inférieur au taux national (105,3 %). Par ailleurs, si le taux d'occupation de la maison d'arrêt de Strasbourg est important (139,6 %), d'autres établissements au sein de la DRSP de Strasbourg sont encore plus encombrés, ce qui est le cas des maisons d'arrêt de Metz-Queuleu (151,8 %) et de Sarreguemines (140,8 %). Cette constatation peut être élargie à l'ensemble du territoire national puisque 14 établissements pénitentiaires ont un taux d'occupation supérieur à 200 %, sans pour autant qu'aucun établissement du territoire national n'atteigne le chiffre de 300 %. Très conscient de ce problème et des conséquences qu'il peut engendrer tant du point de vue de la sécurité que du respect de la dignité humaine, le garde des sceaux, ministre de la justice, et le secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice ont présenté, le 21 novembre dernier, un programme de construction de nouvelles prisons. D'une ampleur sans précédent, ce plan prévoit de doter l'administration pénitentiaire de 13 200 nouvelles places dont 10 800 places pour la construction de nouvelles prisons (9 200 en métropole et 1 600 outre-mer), 2 000 places réservées à l'application « d'une nouvelle conception de l'enfermement » et 400 places destinées à l'accueil des mineurs. C'est, à terme, plus de vingt-cinq établissements qui verront ainsi le jour, ce qui permettra non seulement de résorber la surpopulation carcérale mais aussi de rééquilibrer la carte pénitentiaire. La livraison des premiers établissements de ce programme est prévue en 2007. Par ailleurs, le Premier ministre, a confié, le 18 novembre dernier, à M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes et vice-président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, la mission de réfléchir sur les peines alternatives à la détention, les courtes peines de prison et la préparation des détenus à la sortie de prison. Dans son rapport, remis le 28 avril 2003, M. Warsmann suggère notamment, au travers de quatre-vingt-sept propositions concrètes, de relancer les alternatives à l'incarcération (travaux d'intérêt général, sursis avec mise à l'épreuve, bracelet électronique...). Certaines des mesures préconisées par ce parlementaire ont été adoptées par le biais d'amendements à la loi sur la criminalité organisée.
Auteur : M. Armand Jung
Type de question : Question écrite
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 5 mai 2003
Réponse publiée le 3 novembre 2003