DOM : Guadeloupe
Question de :
M. Éric Jalton
Guadeloupe (1re circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
M. Éric Jalton appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la qualité de l'eau en Guadeloupe. Selon le rapport du docteur Henri Bonan de l'inspection générale des affaires sociales et Jean-Louis Prime de l'inspection générale de l'environnement paru en juillet 2001, près de 80 % des ressources destinées à l'alimentation en eau potable se situent en Basse-Terre, zone hautement polluée par l'utilisation massive et abusive d'herbicides, de pesticides et d'insecticides. Le surdosage de ces produits est fréquent avec un mauvais respect des délais de traitement avant récolte. Par ailleurs, il s'avère que pour 75 % des tonnages de produits phytosanitaires importés, la famille chimique est inconnue. La Grande-Rivière de Goyave est largement polluée par les pollutions industrielles avec comme conséquence directe une raréfaction de la faune et la flore dans la réserve naturelle du Grand Cul de Sac Marin. Les crustacés et poissons de nos eaux affichent quant à eux des doses de chlordécone (insecticide utilisé contre le charençon du bananier) importantes comprises entre 31 et 386 micro-grammes par kilogramme. Les ouassous sont particulièrement touchés. Sept captages en eau sont définitivement fermés car durablement pollués et les nappes phréatiques de Grande-Terre connaissent une contamination croissante par les nitrates (entre 5 et 17 mg/l). Les légumes, fruits et tubercules sont également touchés par le chlordécone : ainsi, les patates douces et les madères nous fournissent chacun une bonne dose d'insecticide (0,15 pour les premières et 0,03 pour les seconds). Peu divulgué voire dissimulé, ce rapport de près de 160 pages offre, au grand désarroi du parlementaire, une vision catastrophique de l'état sanitaire de l'eau en Guadeloupe. Il lui semble que ce dernier aurait dû entraîner des réactions immédiates chez les autorités compétentes et un comportement plus responsable de la part des agriculteurs. En effet, si les captages contaminés ont été fermés et si les acteurs locaux ont réagi au plus vite durant l'affaire de la pollution en 2000, des produits chimiques dangereux sont toujours utilisés dans les bananeraies, les champs de canne et dans le maraîchage. Les distilleries continuent de rejeter leur pollution en rivière ou en mangrove. Et quand on boit de l'eau de Capès ou de Matouba, on ne boit pas de « l'eau de source » mais de « l'eau rendue potable par traitement » au charbon actif. Face au spectacle d'une eau polluée, malmenée et gaspillée dans le département, il requiert la création d'une commission d'enquête parlementaire destinée à produire un rapport qui pourrait être la base des travaux futurs pour améliorer l'état sanitaire de l'eau dans l'archipel.
Réponse publiée le 8 septembre 2003
La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative à la pollution des eaux et de certaines denrées par les pesticides en Guadeloupe. Les rapports successifs réalisés par les services d'inspection de l'Etat ainsi que par les services déconcentrés font effectivement état d'une contamination particulièrement préoccupante par certains pesticides et notamment par ceux de la famille des organochlorés utilisés dans les bananeraies jusqu'à leur interdiction en 1993. Parmi ceux-ci le chlordécone est la substance la plus souvent retrouvée dans les eaux ainsi que dans un certains nombre de légumes racines cultivés sur des parcelles autrefois utilisées pour la culture de la banane. Depuis plusieurs années, les services de l'Etat se sont mobilisés, tant au niveau national qu'au niveau local, pour approfondir la connaissance des pollutions suspectées et mettre en place les mesures appropriées d'évaluation et de gestion des risques. La première pollution importante mise en évidence à partir de 1999 a effectivement été celle de l'eau destinée à la consommation humaine. Depuis ce constat, les services de l'Etat ont veillé à ce que seules les ressources en eau conformes à la réglementation sur les eaux brutes soient conservées en leur associant les traitements appropriés avant distribution. Ainsi les ressources les plus contaminées ont été abandonnées pour la production d'eau potable. Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale de l'environnement (IGE) auquel il est fait référence dans la question, commandité par les ministères chargés de la santé et de l'environnement, note que les autorités locales ont pris les mesures adaptées en temps voulu, compte tenu de la gravité de la situation. S'agissant de la diffusion des résultats de ce rapport, il convient de signaler que celui-ci a été rendu public lors de sa publication et est disponible notamment sur le site internet de 1'IGAS ainsi que sur celui du ministère de l'écologie et du développement durable. Par ailleurs, les résultats d'analyse du contrôle sanitaire de l'eau destinée à la consommation humaine sont affichés en mairie et communiqués aux abonnés conjointement aux factures d'eau. Parallèlement, l'origine de la pollution a été étudiée par les services locaux. Il s'avère que d'éventuelles utilisations frauduleuses de ces produits sont peu probables. Compte tenu de la forte rémanence des substances organochlorées dans les différents compartiments de l'environnement, l'hypothèse actuellement retenue et celle d'un relargage de résidus de pesticides à partir de sols utilisés pour la production de bananes jusqu'au milieu des années quatre-vingt dix. Les services de l'Etat en Guadeloupe réalisent depuis fin 2002 des analyses sur les légumes cultivés sur d'anciennes bananeraies ainsi que sur quelques organismes aquatiques. Les résultats obtenus et rendus publics montrent effectivement que sur le petit échantillon étudié un fort pourcentage de légumes racines sont contaminés par le chlordécone. Fortement encouragé par les ministères chargés de la santé, de l'agriculture, de la consommation, de l'environnement et de l'outre-mer, le préfet de Guadeloupe coordonne un groupe régional, le GREPP (groupe régional d'études sur les pollutions par les produits phytosanitaires en Guadeloupe), chargé de mettre en place des actions de lutte contre la pollution par les produits phytosanitaires. Outre les services de l'Etat, ce groupe comprend notamment des représentants des organisations professionnelles agricoles ainsi que des milieux associatifs. Ainsi, depuis 2002, les actions mises en place sur la problématique des organochlorés sous l'égide de ce groupe s'intensifient. Il est à noter que les financements de l'Etat consacrés aux pesticides en Guadeloupe sont conséquents, malgré le contexte budgétaire difficile. Parmi les actions en cours ou en projet, les priorités sont données en 2003 aux actions suivantes : en matière d'évaluation des risques relatifs à la contamination des denrées, ces actions comprennent la cartographie des sols contaminés, une étude relative aux risques sanitaires liés à la consommation menée sous l'égide de la cellule interrégionale d'épidémiologie (CIRE) Antilles-Guyane en collaboration avec l'Institut de veille sanitaire, une étude de la répartition des résidus organochlorés dans les tubercules et l'impact de la cuisson, l'évaluation de la contamination des organismes aquatiques. Parallèlement, l'Institut de veille sanitaire et ses services déconcentrés, les CIRE, ainsi que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), saisie de ce sujet par les ministères chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation, sont impliqués dans l'évaluation des risques liés à l'exposition de la population à des résidus de pesticides organochlorés ; en matière de gestion des risques relatifs à la contamination des eaux, ces actions consistent dans le renforcement du suivi de la qualité des eaux brutes accompagné d'une évaluation de l'efficacité des filtres à charbons actifs utilisés pour la production d'eau potable. Ces actions sont suivies très étroitement par les ministères concernés dans le cadre d'un groupe animé par la direction générale de la santé. Elles font l'objet localement d'une coopération exemplaire entre les services de l'Etat tant au niveau de la Guadeloupe qu'au niveau interrégional avec la Martinique, elle-même confrontée à une situation tout aussi préoccupante sur la même problématique.
Auteur : M. Éric Jalton
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Dates :
Question publiée le 5 mai 2003
Réponse publiée le 8 septembre 2003