Question écrite n° 18274 :
coquilles Saint-Jacques

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Lefranc
Calvados (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean-Marc Lefranc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur l'inquiétude des pêcheurs normands concernant la pérennité des gisements de coquilles Saint-Jacques en Manche Est. Ce pectinidé représente la première espèce en valeur des pêches maritimes de la Manche et depuis des décennies assure la pérennité des pêcheries artisanales et des emplois embarqués. La qualité de ce produit, notamment en Manche Est, c'est-à-dire en zone VIld, lui a valu d'obtenir fin 2002 un « label rouge », signe d'une réelle reconnaissance. Les gisements de la Manche Est sont parmi les plus productifs. Ils résultent en fait d'une gestion rationnelle et raisonnée des ressources mise en oeuvre depuis des années, en concertation avec les scientifiques et les professionnels et financièrement aidée par les régions, notamment la Basse-Normandie qui, en ce domaine, a eu une démarche exemplaire. Ces gisements sont situés pour partie à l'intérieur de notre bande côtière de 12 milles mais aussi au-delà, dans les eaux communautaires et hors notre juridiction. La pêche de ce coquillage sédentaire fait l'objet depuis vingt-trois ans en Manche d'un encadrement réglementaire voulu par les professionnels afin de donner à cette ressource un caractère durable. La base de cette réglementation, uniquement nationale, est une fermeture saisonnière du 15 mai au 30 septembre de chaque année et résulte d'un arrêté ministériel de 1980. Elle permet de limiter l'effort de pêche, d'assurer un repos biologique pendant la période de reproduction et de commercialiser ce produit aux périodes les plus favorables sur le marché du frais. Plusieurs centaines de navires de pêche artisanale assurent, grâce à cet encadrement, l'essentiel de leur chiffre d'affaires, la rentabilité des armements et une rémunération décente des marins pêcheurs. Or un arrêt de la Cour de justice européenne est venu remettre en cause l'interdiction de la pêche et du débarquement estival, dès lors que le produit est pêché en dehors de nos eaux de juridiction. Certains navires de l'Union européenne auront donc la faculté de pêcher en Manche Est pendant que nos marins pêcheurs, soumis à l'arrêté de 1980, respecteront ce repos biologique essentiel à la reproduction et à la gestion durable de cette espèce. Que vont faire les pêcheurs français ? Ils ne peuvent accepter d'être de simples observateurs et nous pouvons craindre qu'une grande partie d'entre eux, notamment les unités les plus importantes, continuent la pêche après le 15 mai. En toute légalité, ils pourront débarquer dans un autre pays de l'Union, particulièrement en Angleterre, et rapatrier en France, sous une forme ou une autre, le produit de leur pêche. Ces pratiques auront des conséquences désastreuses sur le plan économique et social. En peu de temps, les gisements gérés en concertation avec les professionnels et les scientifiques français ne seront plus qu'un souvenir. Cela signifie en premier lieu la disparition des petites unités qui représentent 80 % de notre flotille et qui, pour des raisons de capacité de navigation, de catégorie et de sécurité, ne pourront débarquer outre-Manche. De facto, dès le 15 mai, elles seront dans l'impossibilité de pêcher et, au mois d'octobre prochain, lors de l'ouverture autorisée par l'Etat français, les gisements seront épuisés. La pêche à la coquille Saint-Jacques reste pour beaucoup d'entre eux la seule possibilité de survie. Devant la raréfaction des autres espèces halieutiques, nous devons savoir qu'elles seront irrémédiablement condamnées. En second lieu le marché de la coquille Saint-Jacques sera totalement désorganisé avec une vente à bas prix d'un produit d'une qualité reconnue et dont la majeure partie ira soit à la transformation, soit à la congélation. A raison, la direction des pêches maritimes souhaite interdire le débarquement estival sur le territoire national à l'aide de la règle d'extension de discipline des organisations de producteurs français et je m'en félicite. Malgré cela et à juste titre, les pêcheurs soulignent que ces mesures seront insuffisantes, notamment du fait de l'importance et de la rapidité des relations trans-Manche, et que nombre de nos ressortissants n'auront d'autre solution que de s'engager dans ces nouvelles pratiques de pêche. Les pêcheurs français ont unanimement salué sa détermination, son efficacité et les résultats qu'il a obtenus lors des négociations sur la réforme de la politique commune des pêches. Aujourd'hui ce sont les pêcheurs normands qui souhaitent son appui. Aussi il lui demande dans quelle mesure le gouvernement français pourrait rapidement saisir la Commission européenne en vue de faire intégrer dans le projet de réforme du règlement sur les mesures techniques d'encadrement de la pêche la fermeture estivale de la pêche de la coquille Saint-Jacques en Manche Est.

Réponse publiée le 13 janvier 2004

La pêche de la coquille Saint-Jacques est une activité essentielle pour les pêcheurs de la Manche Est. Les mesures d'encadrement de la pêche et de promotion des produits, élaborées le plus souvent à l'initiative des professionnels, montrent leur volonté d'assurer une pêche durable. C'est dans le même but qu'ont été signés, le 12 mai dernier, deux arrêtés concernant la pêche de la coquille Saint-Jacques. Le premier abroge l'arrêté du 19 mars 1980 et reprend les dispositions sur la période de fermeture de la pêche du 15 mai au 30 septembre, tout en les rendant conformes au droit communautaire, suivant en cela l'interprétation faite par la Cour de justice des Communautés européennes en janvier dernier. Le second arrêté se rapporte aux licences de pêche de la coquille Saint-Jacques. Il instaure une période de validité pour le permis de pêche spécial obligatoire pour pêcher cette espèce en vertu de la réglementation communautaire sur la gestion des efforts de pêche. La pêche est donc interdite pendant cette période pour tous les navires français titulaires d'un permis de pêche spécial, y compris au-delà de la zone sous souveraineté française. De plus, la première mise en marché de coquilles Saint-Jacques a été interdite pendant l'été par extension des règles adoptées par les organisations de producteurs. Enfin, une proposition de réglementation reprenant la période de fermeture qui s'appliquerait à tous les navires présents dans les douze milles français en vertu de leurs droits historiques sera soumise d'ici peu à la commission et aux États membres concernés. Concernant la proposition de règlement sur les mesures techniques présentée par la Commission en décembre dernier, les professionnels concernés et les services du ministère travaillent actuellement à l'élaboration des dispositions tenant compte de leurs intérêts qui peuvent être proposées lors des négociations sur ce texte.

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Lefranc

Type de question : Question écrite

Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle

Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche

Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche

Dates :
Question publiée le 19 mai 2003
Réponse publiée le 13 janvier 2004

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