FMI
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
Mme Chantal Robin-Rodrigo appelle tout particulièrement l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le dossier du Fonds monétaire international (FMI). Au sujet de ce dernier, le prix Nobel 2001 d'économie, M. Joseph Stiglitz, estime dans son livre La Grande Désillusion que « quand neuf patients sur dix soignés par le même médecin meurent, il est clair que le médecin ne sait pas ce qu'il fait ». A la lumière du tremblement de terre financier en Amérique latine, il est bien difficile de lui donner totalement tort. Trois pays du cône sud, l'Argentine, le Brésil et l'Uruguay, dont le FMI a longtemps chanté les louanges, sont sur le point de jouer une nouvelle version de la crise de la dette qui, partie d'Argentine en 1982, avait entraîné la défaillance successive du Brésil et du Pérou. Les politiques macro-économiques menées sous la houlette des institutions de Bretton Woods ont plongé l'Argentine dans un désastre économique et social. Le programme signé avec l'Uruguay n'a pas évité l'implosion du système bancaire et l'effondrement du pays qui connaît sa quatrième année de récession. La stricte observance d'une orthodoxie économique n'a pas épargné au Brésil de graves turbulences financières. Dans le même temps, la pauvreté gagne du terrain. Elle touche 44 % de la population latino-américaine. En dix ans, le nombre de chômeurs a doublé. Mais les échecs retentissants du FMI ne se limitent pas à cette partie de la planète : Indonésie, Thaïlande, Corée et Russie sont aussi les victimes des mauvais dosages prescrits par le « médecin FMI ». Tout en coopérant plus étroitement avec la Banque mondiale pour mieux prendre en compte les conséquences sociales des programmes d'austérité qu'il impose en contrepartie de ses prêts, le FMI n'a pas du tout pris ses distances avec le « consensus de Washington » et exige toujours la libéralisation des marchés, la réduction des déficits budgétaires, la diminution des fonctionnaires, la vente des entreprises publiques, l'assainissement des secteurs bancaires, etc., sans calculer l'impact que ces mesures auront sur la pauvreté ou le chômage et en se concentrant sur les conséquences budgétaires ou les risques inflationnistes. Dominé par les Etats-Unis d'Amérique, son premier actionnaire avec 17 % des droits de vote, équivalent à un droit de veto, le FMI et ses 2 000 fonctionnaires, formés pour la plupart dans les universités américaines, continuent d'être ballottés au gré des intérêts économiques et politiques de la Maison-Blanche. Pour preuve, la Turquie, que la position stratégique et, plus encore, la proximité d'une intervention militaire américaine en Irak rendent indispensable, est ainsi devenue le premier créditeur du FMI, cela malgré ses piètres performances économiques. Cette situation désastreuse ne changera pas tant que l'Union européenne, dont trois pays (France, Allemagne et Royaume-Uni) détiennent, ensemble, plus de 15 % des droits de vote, ainsi que les pays en développement, ne seront pas parvenus à s'affirmer comme des contrepoids à l'hégémonie américaine. Elle lui demande donc de lui indiquer la position du Gouvernement sur ce dossier important et les initiatives et mesures qu'il entend proposer à l'ensemble de ses homologues européens afin de contrebalancer rapidement, efficacement et durablement l'influence néfaste exercée par les Etats-Unis d'Amérique au sein du FMI.
Réponse publiée le 4 novembre 2002
La France suit avec la plus grande attention l'évolution de la situation économique et financière en Amérique latine et tout particulièrement en Argentine. Les crises financières dans cette zone et en Turquie sont la confirmation de la nécessité défendue de longue date par la France d'une forte mobilisation de la communauté financière internationale en faveur d'une meilleure prévention des risques de crises et, lorsqu'elles surviennent, de leur résolution dans les conditions les moins négatives pour le développement et notamment pour les populations les plus vulnérables. Dans ce contexte, la France défend notamment avec ses partenaires européens une approche progressive et prudente de l'insertion des pays émergents dans les marchés internationaux de capitaux, indispensables à leur développement mais aussi sources potentielles d'instabilité. Il est notamment central que les conditions micro et macro-économiques en soient bien réunies. Le Fonds monétaire international (FMI) a pour mandat d'assurer une prévention plus efficace des crises financières et il est l'instrument privilégié de l'action multilatérale qui est nécessaire sur ces questions. S'agissant de l'Argentine, la France est activement engagée dans la recherche d'une solution durable pour ce pays, en étroite concertation avec les autorités locales. Pour être crédible et offrir une réelle sortie, cette solution doit être fondée sur un programme économique soutenable à moyen terme. La France appuie par ailleurs l'accord intervenu cet été avec le Brésil dont la politique justifie l'aide de la communauté internationale. Plus généralement, face aux situations de crise financière, l'action de la France est régie par trois principes : l'efficacité de l'intervention de la communauté internationale, ce qui suppose une assistance financière suffisante pour rétablir la confiance des opérateurs économiques, et la mise en place par les autorités d'un programme économique crédible en liaison avec les services du FMI ; l'implication du secteur privé dans la résolution de la crise, afin que les créanciers privés supportent les risques qu'ils ont pris ; enfin, la mise en place de dispositifs sociaux, en liaison avec la Banque mondiale, afin d'atténuer les conséquences sociales des programmes économiques sur les catégories les plus faibles. La France a fait clairement entendre sa voix sur ce dernier point lors des divers débats sur ces pays. Cette position est en ligne avec son appel pour une « sanctuarisation » des dépenses sociales dans les programmes de stabilisation soutenus par les institutions de Bretton Woods. Au-delà, dans le prolongement des réformes importantes engagées à la suite de la crise asiatique, notamment sur l'initiative de la France, de nouveaux progrès doivent être accomplis pour prévenir et régler les crises financières et éviter les effets de contagion vers les pays émergents et in fine sur l'ensemble de l'évolution mondiale. Durant la présidence du G 8 qu'elle exercera à partir du 1er janvier 2003, la France s'attachera à ce que soient tirées les leçons des récentes crises tant en matière de prévention et de gestion des crises que de financement à moyen et long terme des pays émergents. A cet égard, les besoins substantiels de capitaux de ces pays pour financer le développement de leur économie nécessitent une insertion bien organisée dans les marchés internationaux. Celle-ci appelle notamment la mise en place d'un cadre macro-économique stable et orienté vers la croissance économique, d'une politique monétaire adaptée et cohérente avec les autres choix de politique économique ainsi que d'une supervision efficace du système financier afin de limiter les risques inhérents à la volatilité des marchés financiers. L'évolution de la position du FMI sur ces questions mérite d'être soulignée : ce dernier ne recommande plus une libéralisation financière instantanée, mais au contraire une approche graduelle et séquencée (favorisant dans un premier temps ainsi les capitaux de long terme sur les capitaux de court terme). Cette position plus équilibrée, qui reflète notamment le fort engagement des autorités françaises pour éviter une approche dogmatique de ces questions de libéralisation, a notamment été exprimée dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié en octobre 2001. Tirant les leçons de l'expérience, la France appelle de plus à une attention croissante à la soutenabilité sociale et politique des réformes. Une croissance trop inégalitaire socialement peut être contre-productive. Ainsi, la situation des inégalités sociales en Amérique latine est sans aucun doute un facteur de vulnérabilité. La France estime qu'un dialogue doit avoir lieu entre les pays et les services du FMI sur ces aspects sociaux lors de la négociation d'un programme. Il demeure que certains pays membres du Fonds peuvent être réticents à l'idée d'un tel dialogue, ce qui soulève alors la question de l'appropriation des programmes soutenus par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Le renforcement de la légitimité, de la responsabilité et de la gouvernance du FMI sont de longue date des priorités françaises. La France souhaite que les autorités politiques aient un poids accru dans le processus de décision et un renforcement de la voix européenne et celle des pays les plus pauvres. Afin de renforcer la légitimité politique des décisions du FMI, la France est à l'origine de la création du comité monétaire et financier international (CMFI - qui est la représentation au niveau ministériel du conseil d'administration) et elle participe très activement à ses travaux. Depuis plusieurs années, la coordination des positions des pays européens au FMI a fait d'importants progrès, comme l'illustre notamment la déclaration semi-annuelle de la présidence de l'Union européenne au CMFI. La France travaille activement avec ses partenaires européens, tant au niveau des capitales que des représentants au conseil d'administration du FMI, pour mieux harmoniser les positions de l'Europe sur les sujets de politique de l'institution. Cette coordination au quotidien est un axe incontournable pour que l'Europe pèse plus, notamment en amont : les discussions sur le rôle du FMI dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sont une illustration des bénéfices d'une bonne coordination en amont des administrateurs européens de l'institution.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Organisations internationales
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Dates :
Question publiée le 26 août 2002
Réponse publiée le 4 novembre 2002