Question écrite n° 20170 :
victimes du STO

12e Législature

Question de : M. François Vannson
Vosges (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. François Vannson souhaite appeler l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants sur la situation des rescapés de la déportation du travail. La qualité de « déporté du travail » est refusée à cette catégorie de victimes de guerre en dépit de la vérité historique. En effet, dès 1943, les MUR (mouvements unis de la résistance) font état dans une circulaire du 1er avril de « déportation » en référence au STO. Le Mouvement de Résistance pour les Prisonniers et Déportés Français indique que les travailleurs embarqués de force en Allemagne ne sont pas des travailleurs mais des déportés. En juillet 1943, le CNR crée un comité d'action contre la déportation pour le travail forcé en Allemagne. Le programme du CNR exprime « son angoisse devant la destruction physique de la nation (...) par la déportation d'ouvriers au nombre de plusieurs centaines de milliers (...) ». Les accords internationaux de Londres du 8 août 1945 classent dans les crimes de guerre et dans les crimes contre l'humanité les déportations pour les travaux forcés. Le Tribunal international de Nuremberg a ainsi reconnu l'existence de la déportation en vue du travail forcé. Le Gouvernement provisoire de la République française fait référence aux déportés du travail, tant dans le décret n° 45-1832 du 14 août 1945 que dans l'ordonnance n° 45-2468 du 20 octobre 1945. Enfin, le Code des pensions, dans ses articles L. 330 et L. 340 bis fait référence à la catégorie « déportés du travail ». Presque soixante ans après la fin de la guerre, les intéressés réclament le titre de « victimes de la déportation du travail », ce qui indéniablement correspond à la réalité historique. Entre 600 000 et 660 000 jeunes Français ont été déportés de septembre 1942 juin 1944 pour le travail forcé avec la complicité des autorités de Vichy. Soixante mille d'entre eux ne sont pas revenus ; parmi eux, 15 000 ont été fusillés, pendus ou décapités pour sabotage et actes de résistance. A l'ensemble de ces victimes, le Gouvernement et le Parlement de la Libération ont attribué la mention « mort pour la France ». Notre pays ne peut pas faire l'économie d'un regard clairvoyant sur son passé et sur la responsabilité de son propre gouvernement, qui pour être illégitime a cependant bénéficié de la reconnaissance internationale pour un temps, et donc d'une existence légale, ne serait-ce qu'au regard du droit international. Il n'est pas question, en reconnaissant officiellement à ces hommes la qualité qui est la leur historiquement, de confondre leur situation avec celle des millions de femmes, d'enfants et d'hommes dont la déportation avait pour but l'anéantissement. Ils souhaitent que la souffrance et l'honneur de leurs camarades disparus soient reconnus pour que cette tragédie ne soit pas oubliée. Le devoir de mémoire ne peut se satisfaire d'une information sélective. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer, au regard de ces éléments, quelles mesures il entend mettre en oeuvre pour reconnaître officiellement cette réalité historique.

Réponse publiée le 28 juillet 2003

Dans la législation française, les termes de « déportation » et de « déporté » ont acquis une signification particulière et restrictive. Ils désignent le système concentrationnaire conçu par les nazis pour éliminer leurs adversaires et les populations dont ils voulaient la disparition totale. Cette expérience historique constituant l'un des plus graves crimes contre l'humanité ne doit pouvoir être confondue, ne serait-ce que par l'emploi incorrect d'une terminologie, avec aucune autre situation. La condamnation et la réprobation morale dont elle est l'objet doivent demeurer incontestables. Cette terminologie repose sur les dispositions combinées des lois des 6 août et 9 septembre 1948, portant statut des déportés politiques et de la loi du 14 mai 1951 qui a créé un statut donnant aux victimes du Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne la qualité de personnes contraintes au travail en pays ennemi (PCT). Elle a été confirmée par la Cour de cassation qui a décidé, dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 10 février 1992, que « seuls les déportés résistants et les déportés politiques, à l'exclusion des personnes contraintes au travail en pays ennemi, peuvent se prévaloir du titre de déporté ». Telle est la position de tous les gouvernements depuis la Libération. Aussi le secrétaire d'Etat aux anciens combattants n'entend-il pas modifier les dispositions qui ont été arrêtées à l'issue de ce conflit par celles et ceux qui étaient au fait de la réalité historique, il y a maintenant près de soixante ans. Quoi qu'il en soit, la situation des Français contraints au travail obligatoire a été prise en compte juridiquement. Ainsi la loi n° 51-538 du 14 mai 1951, dont l'article 1er a été codifié à l'article L. 308 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a fixé un statut en leur faveur, leur ouvrant droit, sous certaines conditions, à pension au titre de la législation régissant les victimes civiles de la guerre ; au bénéfice, en qualité de victimes de la guerre, à tous les avantages d'ordre social dispensés par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à ses ressortissants ; à la rééducation professionnelle, à l'admission aux emplois réservés et à la validation de la période de contrainte, au même titre que le service militaire en temps de paix dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour la retraite. Par ailleurs, la situation historique du STO est loin d'être ignorée puisqu'il a été confié à l'université de Caen le soin d'organiser les 13, 14 et 15 décembre 2001 un colloque au cours duquel ont été étudiés les différents aspects de ce dossier. Ce colloque, ponctué d'interventions d'historiens reconnus et de témoins ayant subi cette épreuve, a permis de mieux connaître et appréhender ce drame auquel ont été confrontés tant de Français pendant cette période sombre de l'histoire.

Données clés

Auteur : M. François Vannson

Type de question : Question écrite

Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre

Ministère interrogé : anciens combattants

Ministère répondant : anciens combattants

Dates :
Question publiée le 16 juin 2003
Réponse publiée le 28 juillet 2003

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