relations avec les administrés
Question de :
M. Jean Gaubert
Côtes-d'Armor (2e circonscription) - Socialiste
M. Jean Gaubert souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la publication du dernier rapport annuel de l'association Amnesty International, qui s'inquiète des cas de brutalité commises par les forces de l'ordre en France, notamment dans le cadre des contrôles d'identité. Il lui demande donc d'indiquer à la représentation nationale les mesures qu'il entend prendre afin que le maintien de l'ordre et de la sûreté publique soient garantis dans le respect des droits de l'homme. Il lui demande également quelle suite entend donner le Gouvernement aux différentes recommandations formulées dans son rapport annuel par la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Réponse publiée le 18 août 2003
Conformément aux dispositions du statut général des fonctionnaires (art. 28 et 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant sur les droits et obligations des fonctionnaires de l'État), ceux-ci, quel que soit leur rang dans la hiérarchie sont responsables de l'exécution des tâches qui leur sont confiées. Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. Les fonctionnaires de la police nationale, pour leur part, sont astreints non seulement au strict respect des obligations précitées, mais sont également tenus au respect des obligations spécifiques issues notamment du décret du 18 mars 1986 portant sur le code de déontologie de la police nationale, ainsi que de l'arrêté ministériel du 22 juillet 1996 portant règlement général d'emploi de la police nationale, et résultant de la nature de leurs missions, des conditions d'exercice de celles-ci, ainsi que de l'ampleur des sujétions qui leur incombent. En particulier, l'article 7 du code de déontologie précité impose aux policiers des obligations d'intégrité, d'impartialité, d'exemplarité et de respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité et leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions. L'article 10 de ce même code prévoit par ailleurs que toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police et qu'elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant. Le fonctionnaire de police qui serait témoin d'agissements prohibés par le présent article engage sa responsabilité disciplinaire s'il n'entreprend rien pour les faire cesser ou néglige de les porter à la connaissance de l'autorité compétente. Les manquements par des policiers à leurs obligations déontologiques conduisent ainsi à l'ouverture d'enquêtes de commandement et si nécessaire de l'inspection générale de la police nationale. A cet égard, l'article 111-8 du règlement général d'emploi de la police nationale précise que l'exercice du pouvoir disciplinaire relève de l'autorité hiérarchique qui peut effectuer, dans les formes administratives appropriées, les investigations qu'elle estime nécessaires ; le fonctionnaire est tenu de se prêter aux démarches engagées, conformément aux dispositions applicables ou en vigueur dans la fonction publique de l'État. Lorsque les faits reprochés sont établis et peuvent être qualifiés, au regard des obligations déontologiques, de faute professionnelle, une procédure disciplinaire peut être engagée, les mêmes faits pouvant, par ailleurs, être le cas échéant qualifiés au plan pénal et poursuivis par les tribunaux compétents. Grâce à la formation initiale et continue qui leur est dispensée et aux instructions générales de service, ces dispositions, et les sanctions encourues, sont parfaitement connues des fonctionnaires de police. La hiérarchie de la police nationale veille ainsi à l'exigence du respect scrupuleux de leurs obligations par ses personnels, notamment à l'occasion de contrôles d'identité dont la réalisation s'effectue sous la direction et le contrôle d'un OPJ. En souscrivant aux engagements européens et internationaux de protection des droits de l'homme, la France s'est également engagée à prévenir les mauvais traitements sur les personnes privées de liberté, en veillant notamment à ce que les droits de l'homme fassent partie intégrante de la formation des agents chargés de l'application de la loi. Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a indiqué à l'Assemblée nationale le 12 mars 2003 que le Gouvernement mettra autant d'énergie à poursuivre et à arrêter les délinquants qu'à faire respecter la dignité humaine partout et pour qui que cela soit. A cet effet, le ministre avait adressé, dès le 11 mars 2003, aux responsables de la police et de la gendarmerie nationales des instructions relatives à la garantie de la dignité des personnes placées en garde à vue, qui précisent que la violence dont les policiers peuvent être amenés à faire usage n'est légitime que dans la mesure où elle s'exerce de façon proportionnée au but à atteindre et dans le respect du droit à l'intégrité physique et morale édicté par la Convention européenne des droits de l'homme. De même, il est rappelé aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale que dans le cadre des mesures administratives à l'égard d'un prévenu, présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable par un jugement devenu définitif, la pratique de la fouille avec déshabillage systématique doit demeurer l'exception, au profit de la palpation de sécurité, qui devient le régime de droit commun. Si des vérifications plus poussées paraissent nécessaires, elles ne pourront être exercées qu'après avis d'un OPJ détenant des éléments lui permettant d'apprécier la dangerosité des personnes concernées. Par ailleurs, il est précisé que le menottage est soumis aux conditions édictées par l'article 803 du code de procédure pénale - lié à la dangerosité de l'individu - et que le serrage excessif est bien évidemment proscrit. Les instructions du ministre précisent également l'attention qu'il convient de porter aux conditions matérielles de la garde à vue (surveillance, soins, alimentation, repos, hygiène) et indique qu'un officier de police, ou, à défaut, un gradé du corps de maîtrise et d'application aura la charge du suivi administratif de l'ensemble des personnes gardées à vue, en liaison avec les OPJ. Ces dispositions font l'objet d'instructions écrites, au niveau de chaque service de police ou unité de gendarmerie. Enfin, ces instructions indiquent que le ministère de la justice sera associé au groupe de travail précité chargé de proposer de nouvelles mesures propres à renforcer et à garantir la dignité des personnes gardées à vue. En outre, un guide pratique de déontologie de la police nationale élaboré par le Haut Conseil de déontologie est diffusé depuis le premier semestre 1999 dans toutes les structures de formation initiale et continue de la police nationale. Ce guide a pour objet d'expliciter les dispositions du décret du 18 mars 1986 relatif au code de déontologie de la police nationale, elles-mêmes reprises par l'arrêté du 22 juillet 1996 portant sur le règlement général d'emploi de la police nationale. Ce document aborde notamment le comportement des fonctionnaires lors du recueil des dépositions, celui à l'égard des auteurs d'infraction et l'usage des pouvoirs de contrainte. Par ailleurs, la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes a introduit dans le code de procédure pénale de nouvelles dispositions favorables aux prévenus en matière de garde à vue : notification au gardé à vue de la possibilité de faire prévenir sa famille sans délai sauf décision contraire du procureur de la République, enregistrement audiovisuel des interrogatoires de mineurs placés en garde à vue, recours à un interprète en langue des signes en cas de surdité du prévenu, mention des heures pendant lesquelles la personne a pu s'alimenter pendant cette période. S'agissant plus précisément de la formation, les programmes de scolarité des trois corps de la police nationale visent à donner aux futurs policiers le maximum de capacités professionnelles et, à cette fin, mettent l'accent sur le respect de la citoyenneté, des valeurs de la République. Dans le cadre du nouveau schéma directeur de la formation dans la police nationale (2003-2007), des instructions ont été données pour que cette orientation soit encore renforcée. Ainsi, les dispositions du code de déontologie précité sont rappelées tout au long de la formation des policiers, étant précisé que les dispositions de la convention des Nations unies contre la torture sont prises en compte dans l'enseignement des règles déontologiques. Pour le corps de maîtrise et d'application de la police nationale, un volume horaire d'environ 20 heures y est réservé sous forme de cours magistraux, de conférences ou d'exercices pratiques. L'objectif de formation repose sur l'apprentissage des droits et devoirs inhérents à la profession de policier. Il est particulièrement présent lors des enseignements consacrés aux techniques policières et plus particulièrement lors des auditions ou interrogatoires. Pour les élèves officiers et commissaires, un volume horaire moyen de 10 heures est consacré à cette matière, avec la particularité d'être abordé de manière transversale aussi bien à l'occasion des enseignements professionnels que lors des stages pratiques. En outre, la formation des commissaires inclut l'étude de la Convention européenne de lutte contre la torture et les traitements inhumains dégradants ainsi que les droits fondamentaux de l'homme. Cet aspect est d'ailleurs rappelé lors des cours de procédure pénale consacrés aux auditions. Par ailleurs, dans le cadre du travail de rénovation portant actuellement sur la scolarité des officiers et gardiens de la paix, cet aspect fait l'objet d'une attention particulière. En formation continue, la pratique de l'interrogatoire fait l'objet d'actions de formation telles que l'audition-interrogatoire sous enregistrement vidéo ou la formation à la psychologie, du témoignage et à l'entretien cognitif. Cette thématique est développée transversalement dans le cadre d'actions de formation relatives aux victimes, à l'audition de l'enfant victime, dans le cadre des disparitions inquiétantes, ainsi que dans celui concernant l'audition des auteurs d'infractions. Dans toutes ces actions de formation, la déontologie est systématiquement mise en exergue. De manière générale, les formateurs abordent les principes déontologiques de façon plus appuyée à l'occasion des stages consacrés aux actes de police et aux situations professionnelles, avec comme objectif l'acquisition d'une maîtrise exemplaire des comportements. Par ailleurs, dans le cadre de la formation pour l'obtention de la qualité d'officier de police judiciaire de l'article 16 du code de procédure pénale, 31 heures sont consacrées aux libertés publiques, matière au sein de laquelle la déontologie est abordée. Le développement des compétences en matière d'interrogatoire est assuréau moyen d'exercices pratiques permettant une mise en situation. De plus, avec le concours de l'inspection générale de la police nationale, des cas réels anonyme seront présentés en formation initiale et continue. Il convient de préciser que les instructions précitées du ministre en date du 11 mars 2003, en matière de rappel des conditions de garde à vue, seront intégrées dans les contenus des formations tant initiale que continue. Dans ce contexte, l'attention de l'honorable parlementaire est appelée sur le caractère marginal des affaires de violences dont les policiers sont auteurs dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. La formation initiale ou continue, la pratique de la déontologie, le contrôle hiérarchique contribuent à donner à ces faits une nature exceptionnelle. S'agissant des recommandations du rapport annuel établi en 2002 par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), 24 saisines ont concerné la police et la gendarmerie nationales ; 11 d'entre elles ont été suivies d'avis et de recommandations sur le fonctionnement des services de la police nationale. La publication de ce rapport a été l'occasion d'une rencontre entre le président de la CNDS et le directeur général de la police nationale, pour un échange de vues approfondi visant à une meilleure information des organes de la police nationale chargés des questions de déontologies au sein de cette administration. Enfin, la possibilité accordée par la loi sur la sécurité intérieure à la « défenseure » des enfants de saisir directement la CNDS, sans passer par l'intermédiaire d'un parlementaire, devrait augmenter les cas de saisine de cette commission, en raison de la part prise par les mineurs dans la délinquance.
Auteur : M. Jean Gaubert
Type de question : Question écrite
Rubrique : Police
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Dates :
Question publiée le 23 juin 2003
Réponse publiée le 18 août 2003