travailleurs frontaliers
Question de :
M. Jean-Marie Aubron
Moselle (8e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Marie Aubron attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la situation très difficile des travailleurs frontaliers mosellans travaillant en Allemagne et confrontés à deux systèmes d'indemnisation fondamentalement différents. En effet, la législation allemande fait obligation à la caisse de maladie allemande (AOK) de payer aux salariés des indemnités de maladie pendant soixante-dix-huit semaines. Au bout de ces soixante-dix-huit semaines, le salarié allemand, toujours inscrit à l'effectif de sa société, va percevoir ses indemnités par le biais de l'Arbeitsamt, l'équivalent de nos ASSEDIC. Le travailleur frontalier reste lui aussi inscrit à l'effectif de l'entreprise allemande. Cependant, en application du critère du lieu de résidence, cet organisme (l'« Arbeitsamt ») va demander au travailleur frontalier mosellan de solliciter les ASSEDIC. Ceux-ci, faisant le constat que le frontalier est toujours inscrit à l'effectif de sa société et en maladie, ne peuvent prendre en charge le demandeur. Quant aux caisses primaires d'assurance maladie, pour prendre en charge le salarié malade, elles exigent que les caisses de maladie allemandes leur notifient la fin de droits du salarié. Or ceci ne peut se faire du fait que le salarié malade n'a pas été licencié de son entreprise, mais simplement suspendu. Ainsi, le transfrontalier mosellan, quoiqu'ayant très régulièrement versé ces cotisations aux diverses caisses de prévoyance, ne perçoit absolument aucune indemnisation entre la fin de ses soixante-dix-huit semaines et, soit sa mise en invalidité, soit son retour au sein de l'entreprise. Cette situation ubuesque peut durer plusieurs dizaines de mois et provoquer de véritables drames humains au sein des familles touchées. De plus, il faut signaler que de nombreux salariés dans cette situation se font volontairement licencier pour toucher des revenus... ce sont de véritables licenciements pour maladie ! Enfin, pour compléter ce tableau, les salariés mis en invalidité 2e catégorie se voient refuser le versement d'une rente d'invalidité par les régimes de prévoyance complémentaire, au motif qu'ils n'étaient pas bénéficiaires d'indemnités journalières maladie lors de leur passage en invalidité 2e catégorie. Il le remercie de bien vouloir lui faire connaître ses intentions afin de mettre fin à ces situations dramatiques vécues par de nombreux travailleurs frontaliers en Moselle.
Réponse publiée le 1er décembre 2003
La législation allemande prévoit en effet le versement d'indemnités journalières de maladie à un travailleur salarié pendant une période maximale de 78 semaines. Lorsque l'incapacité de travail se prolonge sans que ne soit prononcée une mise en invalidité ou que ne soit envisagé un retour dans l'entreprise, l'Arbeitsamt prend la suite de la caisse maladie allemande (AOK) pour verser des indemnités de chômage. Le travailleur reste lié à l'entreprise par son contrat qui n'est pas rompu mais seulement suspendu, afin de lui permettre à tout moment d'être réintégré dans l'entreprise et d'éviter les désavantages en matière de pension complémentaire d'entreprise liés à la rupture du contrat. Conformément au règlement communautaire n° 1408/71, l'indemnisation d'un travailleur frontalier au chômage est confiée à l'État de résidence lorsqu'il s'agit d'un chômage complet et à l'État d'activité lorsqu'il s'agit d'un chômage partiel (article 71). Bien que le contrat ne soit pas rompu, l'Arbeitsamt considère que le travailleur frontalier qui ne perçoit plus d'indemnités journalières est en chômage complet et conseille donc aux travailleurs frontaliers français dans cette situation de s'adresser aux ASSEDIC françaises. Cependant, la législation française ne prévoit d'indemnisation chômage que pour les travailleurs qui sont à la recherche d'un emploi. Par définition, un travailleur en situation d'incapacité temporaire de travail ne peut rechercher un emploi. Les ASSEDIC françaises ne peuvent donc pas prendre le relais de la caisse allemande. Seules les caisses d'assurance maladie françaises pourraient prendre le relais de la caisse allemande. En effet, la législation française prévoit le versement d'indemnités journalières de maladie à un travailleur en incapacité de travail jusqu'à trois ans, période qui s'étend donc au-delà des soixante-dix-huit semaines versées par l'Allemagne. Cependant, pour pouvoir opérer de tels versements dans le cadre de l'article 25-2 du règlement n° 1408/71, les caisses françaises exigent une preuve de la rupture du contrat de travail, estimant qu' un chômeur toujours lié à son entreprise par un contrat, même suspendu, n'est pas en situation de chômage complet. Ainsi, la différence d'interprétation de la notion de chômage complet entre l'Allemagne et la France crée un vide juridique quant à la législation applicable à ces situations. Toutes les possibilités offertes par la législation interne ont été étudiées sans toutefois réussir à surmonter cette contradiction. La Commission a donc été saisie récemment de ce différent franco-allemand. Elle portera le sujet devant la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants si elle estime qu'une décision de l'ensemble des Etats membres est nécessaire pour préciser la notion de chômage complet dans ce contexte.
Auteur : M. Jean-Marie Aubron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Frontaliers
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Dates :
Question publiée le 2 septembre 2002
Réponse publiée le 1er décembre 2003