brevets
Question de :
M. Antoine Herth
Bas-Rhin (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Antoine Herth souhaite attirer l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur un rapport adopté par la commission juridique du Parlement européen qui autorise le brevetage des « inventions liées à des programmes d'ordinateur », et dont le vote définitif aura lieu en séance plénière le 1er septembre 2003 à Strasbourg. Protéger les logiciels par le brevet alors qu'ils sont déjà protégés par les droits d'auteur aurait de lourdes conséquences sur un secteur profondément innovant. Le brevet est en effet un procédé lourd et coûteux. Si les grandes compagnies de logiciels informatiques n'y voient aucun inconvénient, cela ne peut que défavoriser les petites entreprises françaises qui n'ont pas les moyens de se payer un brevet ni de rechercher les contrevenants et les traîner en justice. Parallèlement, le produit, le logiciel informatique, est lui-même très complexe, ce qui rend impossible toute recherche d'antériorité des droits sur chaque mécanisme logiciel utilisé, et crée donc une forte insécurité juridique qui sera coûteuse. Enfin, un brevet permet d'être le seul à produire et à exploiter son produit pendant 20 ans. Ce délai est totalement inadapté au domaine informatique, dans lequel une découverte est rapidement obsolète. Une telle durée serait même préjudiciable à l'innovation. Aussi, il lui demande quelles sont les mesures qu'elle entend prendre dans ce domaine afin de continuer à protéger la capacité d'innovation de nos entreprises et d'encourager les nombreux développeurs indépendants.
Réponse publiée le 25 août 2003
Le projet de directive européenne portant sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur, qui doit être examiné début septembre par le Parlement européen, n'a pas pour finalité d'étendre le champ de la brevetabilité, mais, bien au contraire, d'en préciser les limitations, tout en restant respectueux des accords internationaux auxquels nous adhérons. Si des ambiguïtés étaient présentes dans le projet initial élaboré par la Commission européenne et avaient motivé des réserves de la France vis-à-vis de ce texte, les amendements proposés par la commission juridique du Parlement européen les corrigent dans le sens approprié, à l'instar de ce qui avait été proposé par le groupe de travail des représentants des États membres. En Europe, une invention est brevetable si, relevant d'un domaine technologique, elle est nouvelle, implique une activité inventive et est susceptible d'application industrielle. Pour impliquer une activité inventive, une invention doit apporter une contribution technique. Ces critères sont bien plus restrictifs que ceux appliqués aux États-Unis où, en l'absence d'exigences de contribution technique, la jurisprudence a pu étendre le champ de la brevetabilité aux logiciels et aux méthodes d'affaires. En Europe, un logiciel en tant que tel n'est pas considéré comme une invention brevetable ; ne pourra l'être qu'une solution technique innovante apportée à un problème technique, solution qui peut être mise en oeuvre par des moyens matériels ou logiciels. Le droit d'auteur est une protection contre la copie servile de tout logiciel, innovant ou pas, mais n'interdit pas la reconstitution d'une invention ; seul le brevet permet à un inventeur de protéger ses droits vis-à-vis de compétiteurs, notamment des grandes entreprises. Le développement des technologies informatiques a naturellement conduit à l'augmentation des dépôts de brevet dans ce secteur. Si des brevets ont été accordés alors qu'ils ne paraissent pas répondre aux critères en vigueur en Europe, la procédure d'opposition peut être utilisée pour les contester, mais actuellement, en l'absence de texte communautaire, des divergences de jurisprudence peuvent apparaître entre États membres. La future directive permettra l'élaboration d'une jurisprudence européenne unifiée sur la base de critères explicités de façon restrictive, ce qui devrait être accueilli favorablement par l'ensemble des acteurs économiques européens, notamment nos petites entreprises et les développeurs indépendants. La proposition de directive poursuit des objectifs de transparence et de clarté. En son absence, la pratique et la jurisprudence de l'Office européen des brevets et des juridictions nationales resteraient la norme de fait. Les effets négatifs du manque de transparence de la situation juridique actuelle, qui affectent essentiellement les PME, perdureraient et affaibliraient la position de l'Europe.
Auteur : M. Antoine Herth
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Dates :
Question publiée le 14 juillet 2003
Réponse publiée le 25 août 2003