victimes du STO
Question de :
M. Denis Merville
Seine-Maritime (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Denis Merville attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants sur la juste reconnaissance des personnes qui furent déportées dans les camps du travail forcé de l'Allemagne hitlérienne. Du 4 septembre 1942, date de la première loi sur les réquisitions, à la fin de la guerre, ce sont près de 600 000 Français qui seront contraints de se rendre en Allemagne pour répondre aux exigences de l'Allemagne nazie qui cherche à remplacer le départ de ses ouvriers sur les différents fronts. Le bilan sera lourd pour notre pays avec 60 000 morts, 15 000 fusillés, pendus, décapités pour faits de résistance, 59 000 reviendront tuberculeux... Les responsables de cette déportation du travail seront d'ailleurs jugés très sévèrement par le Tribunal international de Nuremberg, qui condamna à mort Fritz Sauckel pour « contre l'humanité pour avoir organisé la déportation massive de travailleurs ». Or, malgré ces éléments indéniables, la polémique se poursuit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sur la désignation de ces personnes. Un décret du 17 août 1945 du général de Gaulle emploie expressément le terme de « déporté du travail », mais la loi du 14 mai 1951 qui prévoit les modalités d'indemnisation des victimes du service du travail obligatoire ne précise pas de titre pour nommer ces personnes. Elle les définira comme des « personnes contraintes au travail en pays ennemis, en territoire étranger occupé par l'ennemi », laissant au Parlement le soin de régler ultérieurement cette question. Aussi, il lui demande si près de soixante ans après la fin de cette guerre, il ne serait pas grand temps que le Gouvernement français accorde enfin à ces victimes, encore en vie, ce titre de « déporté du travail » qu'elles ont attendu, pour la plupart, toute leur vie et qui n'a pas d'autre but que de leur rendre leur dignité et leur honneur, sans autres conséquences financières pour l'État.
Réponse publiée le 25 août 2003
Dans la législation française, les termes de « déportation » et de « déporté » ont acquis une signification particulière et restrictive. Ils désignent le système concentrationnaire conçu par les nazis pour éliminer leurs adversaires et les populations dont ils voulaient la disparition totale. Cette expérience historique constituant l'un des plus graves crimes contre l'humanité ne doit pouvoir être confondue, ne serait-ce que par l'emploi incorrect d'une terminologie, avec aucune autre situation. La condamnation et la réprobation morale dont elle est l'objet doivent demeurer incontestables. Cette terminologie repose sur les dispositions combinées des lois des 6 août et 9 septembre 1948 portant statut des déportés politiques et de la loi du 14 mai 1951 qui a créé un statut donnant aux victimes du service du travail obligatoire (STO) en Allemagne la qualité de personnes contraintes au travail en pays ennemi (PCT). Elle a été confirmée par la Cour de cassation qui a décidé, dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 10 février 1992, que « seuls les déportés résistants et les déportés politiques, à l'exclusion des personnes contraintes au travail en pays ennemi, peuvent se prévaloir du titre de déporté ». Telle est la position de tous les gouvernements depuis la Libération. Aussi le secrétaire d'État n'entend-il pas modifier les dispositions qui ont été arrêtées à l'issue de ce conflit par celles et ceux qui étaient au fait de la réalité historique, il y a maintenant près de soixante ans. Quoi qu'il en soit, la situation des Français contraints au travail obligatoire a été prise en compte juridiquement. Ainsi la loi n° 51-538 du 14 mai 1951, dont l'article 1er a été codifié à l'article L. 308 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a fixé un statut en leur faveur, leur ouvrant droit, sous certaines conditions, à pension au titre de la législation régissant les victimes civiles de la guerre ; au bénéfice, en qualité de victimes de la guerre, à tous les avantages d'ordre social dispensés par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à ses ressortissants ; à la rééducation professionnelle, à l'admission aux emplois réservés et à la validation de la période de contrainte, au même titre que le service militaire en temps de paix dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour la retraite. Par ailleurs, la situation historique du STO est loin d'être ignorée puisqu'il a été confié à l'université de Caen le soin d'organiser les 13, 14 et 15 décembre 2001 un colloque au cours duquel ont été étudiés les différents aspects de ce dossier. Ce colloque, ponctué d'interventions d'historiens reconnus et de témoins ayant subi cette épreuve, a permis de mieux connaître et appréhender ce drame auquel ont été confrontés tant de Français pendant cette période sombre de l'histoire.
Auteur : M. Denis Merville
Type de question : Question écrite
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : anciens combattants
Ministère répondant : anciens combattants
Dates :
Question publiée le 28 juillet 2003
Réponse publiée le 25 août 2003