électricité
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur les leçons nationales à tirer de la grande panne survenue aux États-Unis les 12, 13 et 14 août dernier. En effet, cette interruption du courant électrique, qui a atteint près de 60 millions d'Américains et de Canadiens, a montré que même dans une nation surdéveloppée comme les Etats-Unis, un tel évènement révélait la vétusté du réseau électrique national. En France, la canicule et l'augmentation massive de la consommation d'énergie, comme les différents problèmes liés au refroidissement des centrales nucléaires ont prouvé que des craintes, voire des menaces, pouvaient peser sur la diffusion d'électricité en France. Des déclarations ministérielles contradictoires sont venues poser le problème devant l'opinion publique de notre pays. Dès lors, il est permis de s'interroger sur les leçons â tirer de la grande panne américaine et canadienne. Il lui demande donc si cet événement pourrait intervenir en France et comment le Gouvernement compte pallier cette situation aléatoire.
Réponse publiée le 10 novembre 2003
Le Gouvernement est très sensible aux enjeux de sûreté du système électrique qui constitue une infrastructure essentielle au bon fonctionnement de l'économie et à la vie des populations. Ainsi, la grande panne nord-américaine du 12 août dernier rappelle que le risque « zéro » n'existe pas. Les pays européens, dont la France, ont connu eux aussi, par le passé, des effondrements du réseau de grande ampleur (France 1987, Italie 1994). Tout récemment, un black-out généralisé a frappé la majeure partie de l'Italie dans la nuit du 28 septembre 2003. Les causes précises de la panne nord-américaine sont en cours d'investigation ; compte-tenu des enjeux financiers liés aux graves conséquences qu'elle a entraînées (50 millions de personnes coupées, certaines villes coupées plus de 48 heures après le début de la panne) et du caractère transfrontalier de l'accident, elles seront probablement longues à établir. Il ne fait aucun doute que l'ensemble des acteurs du système électrique français - producteurs, gestionnaires de réseau, autorité de régulation et administration - tireront les leçons, chacun pour ce qui le concerne, de cet événement. Le bon fonctionnement du système électrique repose principalement sur une disponibilité suffisante des moyens de production afin de faire face à la demande d'électricité, qui fluctue au cours du temps, et des capacités de transport de l'électricité permettant d'acheminer les quantités nécessaires vers les zones de consommation. Le système est donc conçu pour s'adapter aux aléas de consommation. Par ailleurs, toute atteinte aux ouvrages et à leur dimensionnement, quelle qu'en soit la nature (agression climatique, défaillance de matériel, dysfonctionnement lié au facteur humain...), constitue un aléa auquel le système doit également pouvoir résister. Des marges de sécurité sont donc prises depuis la planification jusqu'à l'exploitation du système ; la mise en oeuvre de ces règles techniques de sûreté est orchestrée par le gestionnaire du réseau de transport, en cohérence avec les standards de sûreté établis au niveau européen au sein de l'association des gestionnaires de réseaux de transport européens. Cette mise en oeuvre ne fait toutefois pas obstacle à la survenue d'événements rares pouvant menacer la sûreté du système, tels, par exemple, la perte simultanée de plusieurs ouvrages. Ainsi, sans intervention spécifique du gestionnaire de réseau sur certains dispositifs de protection, le risque existe d'une généralisation de l'incident à plus large échelle avec le phénomène de cascade dans la dernière grande panne de 1987. De nombreuses mesures préventives ont été mises en oeuvre à la suite de ces événements parmi lesquelles figurent la possibilité, pour le gestionnaire de réseau, de procéder à des coupures de certaines zones de consommation (délestage), à l'isolement de certaines zones du reste du réseau (îlotage), à la réquisition de moyens de production ou de recourir aux capacités de secours mutuels des pays voisins. Il apparaît dès à présent que certaines de ces mesures préventives n'auraient pas été mises en oeuvre lors de la panne nord-américaine, sans pour autant pouvoir leur imputer les défaillances qui ont suivi. Cependant, dans une période où l'ouverture du marché électrique conduit à une multiplication des acteurs, le Gouvernement est particulièrement vigilant à ce que, tant les producteurs, les consommateurs que les gestionnaires de réseaux publics contribuent activement à préserver la sûreté globale du système auquel ils participent. La modernisation du secteur ne doit pas se faire au détriment de la sûreté et, à ce titre, la programmation des investissements, dans le domaine de la production et des infrastructures de transport, joue un rôle essentiel. La situation de la France est, à cet égard, bien différente de celle des États-Unis. D'une part, le gestionnaire du réseau public de transport est responsable de la gestion du système (équilibre des flux) mais aussi des investissements sur le réseau qui sont contrôlés par les pouvoirs publics, ce qui n'est pas le cas des réseaux américains concernés. Par ailleurs, ces dépenses sont, par construction, couvertes par le tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution qui assure les ressources financières nécessaires au gestionnaire de réseau pour cette mission. Ceci garantit un niveau d'investissement suffisant sur les réseaux. D'autre part, le Gouvernement dispose d'outils institués par la loi sur le service public de l'électricité du 10 février 2000 : la Programmation pluriannuelle des investissements de production (PPI) définie en cohérence avec le bilan prévisionnel de l'évolution des structures d'offres et de demandes établi par le gestionnaire du réseau public de transport (article 6) ; le schéma de développement du réseau public de transport (article 14). En ce qui concerne plus particulièrement la canicule, il convient de tirer les leçons de la situation « tendue », s'agissant de l'équilibre entre la production et la demande en électricité, connue du fait des restrictions ayant pesé sur un certain nombre de moyens de production (nucléaire mais aussi thermique classique). A cet effet, il a été demandé au gestionnaire du réseau public de transport (RTE) et à EDF d'établir, avant la fin de l'année, un plan « canicule » visant à renforcer la prévention et la gestion de ce type de situation climatique extrême. S'agissant du black-out italien, il conviendra d'analyser en détail l'enchaînement des actions ayant conduit de la perte d'un ouvrage d'interconnexion à la frontière Suisse-Italie à la perte généralisée des interconnexions italiennes et, presque simultanément, à l'effondrement en « château de carte » du réseau italien, notamment du point de vue de la mise en oeuvre sur les différents réseaux impliqués des mesures préventives déjà évoquées. Cet incident soulève par ailleurs des questions particulières liées à l'usage des interconnexions, aux règles de sécurité qui sont attachées, à leur exploitation ainsi qu'à la coordination des gestionnaires de réseaux tant en régime normal qu'en régime dégradé. Des éléments d'information ont été rapidement demandés à RTE avant de disposer d'un retour d'expérience plus approfondi. Ce dernier ne manquera pas de participer aux différentes enquêtes qui suivront.
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Dates :
Question publiée le 8 septembre 2003
Réponse publiée le 10 novembre 2003