Question écrite n° 24607 :
graffiti

12e Législature

Question de : Mme Patricia Adam
Finistère (2e circonscription) - Socialiste

Mme Patricia Adam appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le problème posé par les inscriptions non autorisées en milieu urbain, et plus particulièrement sur les tags. Il convient en effet de différencier les tags du graffiti pratiqué à l'aide de bombes de peinture aérosol en tant que mode d'expression artistique adopté par les jeunes dans le cadre d'activités associatives, socioculturelles ou professionnelles par ceux ayant le statut d'artiste et faisant régulièrement l'objet de commandes publiques ou privées. A l'inverse de ces compositions picturales élaborées, généralement bien acceptées par le grand public, les signatures répétitives formant les tags exaspèrent une partie de la population qui trouve là une matérialisation du sentiment d'insécurité largement répandu dans nos villes. Ainsi, les tagueurs sont-ils synonymes de violence urbaine et d'une délinquance d'autant plus inquiétante que ses motivations sont mystérieuses. Les études sociologiques s'y rapportant, pourtant nombreuses, sont peu vulgarisées auprès du grand public en raison de la complexité des observations et des analyses qu'elles proposent. Dans une ville devenue métaphore sociale, le tag serait une forme de quête identitaire pour la jeunesse, s'appropriant l'espace urbain, s'affranchissant des règles instituées et réinventant des pratiques initiatiques, pour interroger sur la place qui leur est faite dans la société moderne. A ce titre, le phénomène est comparable à d'autres pratiques juvéniles récentes telles que les jeux de rôles ou les rave parties, caractérisées par l'envahissement de l'espace. Pratique propre à une classe d'âge plutôt qu'à une classe sociale, il n'existe pas de portrait type des tagueurs mais des typologies (tagueurs des banlieues, des classes moyennes ou bourgeoises, occasionnels, récidivistes, solitaires, en groupe...) dont les motivations, du vandalisme pur à la communication de messages, varient avec les individus. La complexité et la récurrence du phénomène des tags explique le fait que, bien que les élus locaux aient généralement mis en place une politique d'effacement et que l'arsenal législatif sanctionnant ces dégradations se soit renforcé ces dernières années, la population exprime des demandes de mesures réglementaires complémentaires. Pour exemple, la communauté urbaine de Brest a mis en place un dispositif de lutte antitags doté de moyens d'intervention propres et d'une stratégie reposant sur la gratuité de l'effacement des tags visibles du domaine public contre dépôt de plainte, ainsi que le nettoyage systématique de certains secteurs particulièrement tagués. Parallèlement, il est mené une politique de prévention sur site (pose de vernis antitags, végétalisation, réalisations de fresques murales...). Ces mesures ne satisfont pas certains administrés, qui souhaiteraient une réglementation applicable aux outils dont se servent les tagueurs afin d'en restreindre l'usage, tels que marqueurs, cirages, teintures, encres, acides, détournés de leur fonction. En outre, au regard des règles internationales du commerce et de la législation européenne, elle lui demande quelles sont les possibilités de réglementation en matière d'interdiction de fabrication et de distribution de peintures aérosol indélébiles, ainsi que d'éventuelles possibilités de restreindre la vente des bombes de peintures aérosol à des circuits de distribution spécialisés, ces réseaux assurant un contrôle d'identité des acheteurs. - Question transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Réponse publiée le 13 octobre 2003

Une interdiction de fabrication ou de commercialisation de produits ou de services est une mesure très contraignante, contraire au principe de liberté du commerce et de l'industrie, qui ne peut être envisagée et mise en oeuvre sous le contrôle du juge que si elle est strictement proportionnée à l'objectif poursuivi, à condition que cet objectif soit légitime. En pratique, elle n'intervient que lorsque les produits ou services ne satisfont pas à l'obligation générale de sécurité prévue à l'article L. 221-1 du code de la consommation, ou sont reconnus dangereux au titre de réglementations spécifiques prescrivant des exigences de sécurité. L'interdiction d'un produit sans motif avéré tenant à la protection de la sécurité des personnes pourrait exposer la France à une condamnation pour entrave technique aux échanges. Cette mesure serait en tout état de cause peu efficace car il serait toujours possible de se procurer les produits dans les pays voisins qui n'auraient pas pris la même mesure. Une disposition restreignant la commercialisation de tels produits par les magasins spécialisés qui les vendraient à des acheteurs professionnels dûment identifiés paraît également difficile à mettre en oeuvre. Pour des produits d'usage courant pouvant intéresser un large public, il pourrait sembler peu proportionné d'instaurer un contrôle d'identité préalable à la vente. En définitive, la solution la plus appropriée pour lutter contre les graffitis paraît relever de la répression de tels comportements. Ce comportement est déjà répréhensible puisque la dégradation des biens appartenant à autrui est réprimée notamment par l'article 322-1 du code pénal. S'agissant en particulier du fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain, la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 a ajouté à la peine d'amende le sanctionnant, une peine de travail d'intérêt général comme autre peine principale. L'attention des parquets a été appelée sur cette nouvelle possibilité offerte aux juges dans une circulaire de la chancellerie du 7 novembre 2002.

Données clés

Auteur : Mme Patricia Adam

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : économie

Dates :
Question publiée le 15 septembre 2003
Réponse publiée le 13 octobre 2003

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