établissements
Question de :
M. Armand Jung
Bas-Rhin (1re circonscription) - Socialiste
M. Armand Jung appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des établissements pénitentiaires en France. Nul n'ignore que les établissements pénitentiaires français sont en proie à une crise sans précédent, comme l'a notamment déjà souligné le rapport rendu par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, président de la commission sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Un encellulement individuel, sauf demande expresse du détenu ou en cas de nécessité, eu égard à l'organisation du travail de ce dernier, était ainsi prévu à compter du 16 juin 2003. La date d'entrée en vigueur de cette mesure, allant dans le sens d'un meilleur respect du principe de la dignité humaine, a ainsi été reportée au 13 juin 2008. En outre, le nombre de placements en détention provisoire augmente à une vitesse quasi exponentielle, aux dépens de l'esprit et des finalités de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000. Ainsi, à titre d'exemple, la maison d'arrêt de l'Elsau, sise à Strasbourg, dispose d'une capacité théorique d'accueil de 447 places. Or, l'effectif moyen, en 2002, a été de 614 détenus. La situation carcérale française n'honore pas notre pays, comme en témoignent, dans ce sens, les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, qui rappellent l'existence du « droit à des conditions de détention conformes à la dignité humaine » et le fait que « la privation de la liberté individuelle doit être fondée sur une véritable exigence d'intérêt public ». En conséquence, il souhaite recueillir son sentiment sur ces différents points.
Réponse publiée le 30 mars 2004
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il porte une grande attention à la situation actuelle des établissements pénitentiaires. L'article 68 de la loi du 15 juin 2000 avait posé le principe de l'encellulement individuel pour toutes les personnes placées en détention provisoire à compter du 16 juin 2003. Cependant, les moyens suffisants pour parvenir à cet objectif n'ont pas été pris concomittement au vote de cette loi, le report de la date d'application du texte était nécessaire. Ne souhaitant pas revenir sur le principe de l'encellulement individuel qui constitue, conformément aux préconisations du Conseil de l'Europe, une amélioration des conditions de détention des prévenus, le garde des sceaux, ministre de la justice a mobilisé les moyens pour que l'institution pénitentiaire puisse mettre le plus rapidement possible en application ce texte. C'est la raison pour laquelle la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a fixé pour objectif la création de 13 200 nouvelles places d'ici 2007. Il est un fait que depuis octobre 2001, la population pénale a augmenté fortement. Cependant, l'administration pénitentiaire se doit d'accueillir tous les prévenus et condamnés envoyés par les juridictions et n'est pas maître des décisions des magistrats qui prononcent les sanctions qu'ils estiment adaptées aux situations qui leur sont présentées. Le besoin de sécurité de nos concitoyens est légitime et il est de la responsabilité collective d'y répondre. A tout acte de délinquance, une réponse judiciaire adaptée à la gravité de l'infraction doit être apportée. Parallèlement, il appartient à l'Etat de se mettre en capacité de répondre à ce besoin et notamment par la mise en oeuvre d'un programme de grande ampleur de construction immobilière d'établissements pénitentiaires. Concernant la situation particulière de la maison d'arrêt de Strasbourg, qui a été mise en service en 1988, des travaux de rénovation sont en cours tandis que l'extension et la rénovation complète du quartier mineur sont envisagées. Le programme immobilier prévoit la création de nouvelles places grâce à la construction de deux nouveaux centres pénitentiaires, l'un à Nancy et l'autre à Colmar. Au 1er octobre 2003, 623 personnes étaient détenues à la maison d'arrêt de Strasbourg dont 315 condamnés. Le maintien des condamnés en maison d'arrêt correspond généralement à la demande expresse des intéressés qui ne souhaitent pas être éloignés de leur famille. Cependant, compte tenu de la surpopulation des établissements pénitentiaires, une politique volontariste est menée depuis plusieurs mois par l'administration pénitentiaire pour transférer les condamnés vers les établissements pour peine dont certains disposent encore de capacités d'accueil. Il convient également de rappeler que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 comporte dans son titre V diverses dispositions destinées à améliorer le fonctionnement, la sécurité des établissements pénitentiaires et les conditions de détention des détenus. Au-delà de l'extension du parc pénitentiaire, la loi, dans son article 50, a abrogé toute distinction entre les différentes catégories d'établissements pour peines. L'objectif de cette réforme est d'apporter plus de souplesse dans la gestion des détenus et d'élargir le panel des établissements d'affectation possible. L'affectation des condamnés pourra, ainsi, être décidée, en prenant mieux en compte leur personnalité et leur volonté de réinsertion, ainsi que l'objectif du maintien des liens familiaux. L'article 48 de la loi apporte d'importantes modifications au code de la santé publique dans le but d'améliorer les conditions d'accès aux soins pour les personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Par ailleurs, le projet de loi sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dont la discussion vient de s'achever au Parlement, comporte d'importantes dispositions qui visent, d'une part, à donner une plus grande crédibilité aux peines non privatives de liberté et, d'autre part, à favoriser les aménagements des courtes peines d'emprisonnement.
Auteur : M. Armand Jung
Type de question : Question écrite
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 15 septembre 2003
Réponse publiée le 30 mars 2004