Question écrite n° 26843 :
commerce international

12e Législature

Question de : M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste

M. Joël Giraud appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la position officielle du gouvernement français sur le dossier de la commercialisation des services éducatifs dans le cadre de l'accord général sur le commerce des services (AGCS). Depuis sa création en 1985, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) tente d'instaurer une libéralisation généralisée des différents secteurs économique et social, notamment à travers l'AGCS qui vise plus particulièrement la libéralisation des secteurs du commerce et de l'industrie en excluant dans son article premier uniquement les « services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental ». Cette notion est précisée par ce même article comme « tout service qui n'est fourni ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services ». Ce qui n'est donc pas le cas pour le secteur de l'éducation et à tout le moins pour les sous-secteurs de l'éducation primaire et de l'éducation secondaire, étant donné l'existence en France d'établissements privés sous contrat avec l'Etat. Malgré le sursis possible à travers les exemptions, celles-ci ne doivent pas, selon les termes de l'AGCS, « dépasser une période de dix ans. En tout cas, elles feront l'objet de négociations lors des séries de libéralisation des échanges ultérieurs ». Il est également écrit que « les membres engageront des séries de négociations successives, qui commenceront cinq ans au plus tard après la date d'entrée en vigueur de l'accord sur l'OMC et auront lieu périodiquement par la suite, en vue d'élever progressivement le niveau de libéralisation ». Alors que de nombreux gouvernements européens, dont le Royaume de Belgique, ont clairement réaffirmé leur refus de voir les règles du commerce mondial s'appliquer aux services éducatifs, à quelque niveau d'enseignement que ce soit et pour tous les secteurs visés par l'AGCS, il semble, au vu de ce dispositif, que les mécanismes de l'AGCS nous conduisent de manière irrémédiable à une libéralisation progressive des services publics en général et du secteur de l'éducation en particulier. Il souhaite donc connaître la position officielle du gouvernement français sur l'expiration des exemptions concernant les sous-secteurs de l'éducation primaire, de l'éducation secondaire, de l'éducation supérieure et de l'éducation aux adultes, lesquels devraient prendre fin le 15 avril 2004. Il souhaite également connaître sa position par rapport aux futurs cycles de négociations dans le cadre de l'AGCS. Enfin, il demande quelles mesures compte prendre officiellement le gouvernement français afin de protéger le secteur de l'éducation du libéralisme et assurer le maintien du secteur public d'éducation. - Question transmise à M. le ministre délégué au commerce extérieur.

Réponse publiée le 13 janvier 2004

L'accord général sur le commerce des services (AGCS) est entré en vigueur avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995. Il fournit essentiellement un cadre général de négociation et favorise ainsi une libéralisation progressive et maîtrisée du commerce des services. Mais il ne contient en lui-même aucun engagement spécifique de libéralisation au-delà du respect de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) - qui empêche de réserver des traitements différents aux fournisseurs de services étrangers selon leur nationalité - et de l'obligation générale de transparence. Dans le cadre de l'AGCS, chaque membre de l'Organisation mondiale du commerce est libre de souscrire les exemptions à la clause NPF et les engagements de libéralisation qu'il souhaite, sur une base volontaire. La négociation sur les services à l'OMC consiste essentiellement dans cet échange de demandes et d'offres de libéralisation, sans qu'aucun engagement ne soit imposé à quiconque. L'OMC n'édicte par elle-même aucune règle s'imposant aux membres. Seuls les accords de l'OMC, les exemptions à la clause de la nation la plus favorisée et les engagements de libéralisation librement souscrits et dûment ratifiés par les membres leur créent droits et obligations. De plus, les exemptions à la clause NPF et les engagements de libéralisation ne sont souscrits qu'après consensus de l'ensemble des membres de l'Organisation sur l'ensemble des sujets en négociation. Cette règle du consensus constitue une importante garantie du respect de la souveraineté de chacun. Pour ce qui la concerne, l'Union européenne a inscrit dans son offre incluse dans l'accord de 1994 une série d'exemptions dans des secteurs dans lesquels elle souhaite entretenir des relations particulières avec certains pays. On peut citer par exemple le cas des exemptions à la clause NPF dans le secteur des services audiovisuels, qui permettent à la France de conclure de nombreux accords de coproduction audiovisuelle. Une discussion est en cours entre les membres de l'OMC sur la question de la durée de validité de ces exemptions, certains membres plaidant en faveur d'une lecture stricte d'un article de l'AGCS qui prévoit une expiration après un délai de dix ans. La France et l'Union européenne défendent au contraire la position que ces exemptions peuvent être renouvelées. Il convient de souligner qu'aucune des exemptions à la clause NPF souscrites par l'Union européenne ne concerne spécifiquement les services éducatifs. La discussion sur la durée de validité des exemptions à la clause NPF n'a donc pas de lien direct avec les enjeux du secteur éducatif. Les engagements de libéralisation souscrits en 1994 par les États membres dans le cadre de l'AGCS, au terme du cycle de l'Uruguay, comprennent notamment l'engagement spécifique pris par la France au sein de l'Union européenne d'ouverture de son marché des services privés d'éducation primaire, secondaire et supérieure, ainsi que d'éducation des adultes, avec quelques restrictions de portée limitée. Ces engagements se bornaient à déclarer à l'OMC le niveau de libéralisation résultant de la loi interne française. Ils n'ont donc entraîné aucune modification du dispositif en vigueur au plan national. Dans le cadre du nouveau cycle de négociations engagé lors de la conférence ministérielle de Doha en novembre 2001, aucune demande forte de libéralisation formulée par nos partenaires commerciaux ne pèse sur le secteur des services publics d'éducation. En toute hypothèse, le Gouvernement a décidé de sanctuariser le secteur public des services d'éducation. Il veille attentivement à ce que l'offre de l'Union européenne ne contienne aucun engagement de libéralisation supplémentaire dans ce domaine particulièrement sensible. Ainsi la nouvelle proposition d'offre présentée à l'Organisation mondiale du commerce par l'Union européenne le 6 juin 2003 ne contient-elle aucune concession dans le secteur des services d'éducation. S'agissant plus généralement des services publics, l'exclusion par I'AGCS des « services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental » apparaît comme une base juridique trop faible pour couvrir effectivement la notion de service public. C'est pourquoi le Gouvernement a obtenu que l'Union européenne maintienne dans son offre de libéralisation la disposition précisant que, dans tous les états membres, les services considérés comme services publics sur les plans national ou local peuvent faire l'objet de monopoles publics ou de droits exclusifs réservés à des fournisseurs privés. De plus, l'offre de libéralisation de l'Union ne comporte d'engagements que dans le secteur privé, concurrentiel et marchand, à l'exclusion de l'ensemble du service public. A la suite du nouveau cycle de négociations multilatérales engagé à Doha en novembre 2001, le Gouvernement continuera donc à veiller à ce que l'offre de libéralisation de l'Union européenne ne comporte aucun engagement de libéralisation supplémentaire dans le domaine de la culture ainsi que dans le secteur public des services d'éducation et de santé.

Données clés

Auteur : M. Joël Giraud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Relations internationales

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : commerce extérieur

Dates :
Question publiée le 20 octobre 2003
Réponse publiée le 13 janvier 2004

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