brevets
Question de :
M. Jean-Yves Le Déaut
Meurthe-et-Moselle (6e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Yves Le Déaut attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la proposition de directive concernant la « brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur ». Le débat public ouvert depuis un an autour de la question de la brevetabilité du logiciel reflète bien l'importance des enjeux industriels, économiques et sociétaux qui y sont liés. Cette extension incontrôlée du système de brevet dans le domaine du logiciel menacerait tout le secteur de l'innovation et les principes fondamentaux qui ont permis l'essor de la société de l'information. Le principe même de la brevetabilité risque de constituer un frein à toute innovation. Il lui demande si elle considère qu'il sera désormais possible d'écrire de nouveaux logiciels à partir de modules existants, si les détenteurs de ces derniers se refusent à céder leurs droits et d'indiquer quelle sera la position de l'Union européenne sur la brevetabilité de logiciels portant sur des méthodes de commerce électronique, voire des méthodes d'organisation des entreprises ou des méthodes éducatives. Il souhaite qu'elle précise quelle est la ligne de partage entre ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas. Toute extension de la brevetabilité au domaine de l'immatériel, qui reposerait sur une distinction floue entre logiciels « techniques » et « non techniques » (ou « en tant que tels »), serait sujette à dérives, par ailleurs, déjà constatées par l'Office européen des brevets. Elle a récemment précisé que « pour être brevetable, le logiciel considéré devra apporter une contribution technique ; cet apport technique est essentiel.... Les autorités françaises n'envisagent une brevetabilité des logiciels que dans un cadre très strict, avec des conditions très précises quant au caractère technique que devra présenter un logiciel, outre les autres critères de brevetabilité, pour être brevetable ». Au carrefour du technique et du juridique, les définitions sont primordiales. Il serait par conséquent souhaitable qu'elle puisse préciser ce que recouvre « la contribution technique » et le « caractère technique » que devrait présenter un logiciel pour être brevetable ; ainsi que le critère que devra appliquer un professionnel pour déterminer si « cet apport technique [...] essentiel » est présent.
Réponse publiée le 17 février 2004
L'Office européen des brevets a délivré au cours des dernières années de nombreux brevets portant sur, ou incluant, des logiciels ; les titulaires de ces brevets, qu'il s'agisse de grandes entreprises, de PME ou d'organismes de recherche disposent d'un même droit d'exclusivité les autorisant à interdire à tout tiers non autorisé d'exploiter l'invention brevetée. La convention sur le brevet européen exclut de la brevetabilité les logiciels en tant que tels, mais admet leur brevetabilité dès lors qu'ils apportent une contribution technique ou présentent un caractère technique ; le droit français comporte une telle exclusion du domaine de la brevetabilité, tout en confirmant par ailleurs que les logiciels sont protégés par le droit d'auteur. Il convient de rappeler que l'objectif de la directive communautaire relative à la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur est précisément de limiter la délivrance de brevets aux seules inventions répondant aux strictes conditions de brevetabilité, ce qui, en droit européen, implique un effet technique (le système américain est plus souple en la matière, permettant la délivrance de brevets pour des inventions plus abstraites telles que les méthodes d'affaires ou « Business methods »). Il est important de noter que, ni la commission ni le Parlement européen n'ont encore donné de définition précise de cette contribution ou de cet apport technique que devrait présenter un logiciel pour être brevetable. Toutefois, le simple fait que le logiciel soit embarqué dans un ordinateur ou autre dispositif ne devrait pas être suffisant pour lui conférer ce caractère technique. Une telle directive devra définir précisément, et la France y sera vigilante, les conditions que doivent remplir les logiciels pour être brevetables, s'agissant notamment de leur contribution technique. Elle éviterait ainsi une potentielle dérive dans la politique de délivrance des brevets européens et permettrait à tout titulaire de brevets, quel que soit son statut ou sa taille, de disposer d'un droit exclusif efficace. Il semble toutefois que cette adoption ne se fera pas dans l'immédiat, le texte adopté par le Parlement européen en septembre 2003 différant sensiblement de celui adopté par le Conseil européen.
Auteur : M. Jean-Yves Le Déaut
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : recherche
Ministère répondant : recherche
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 10 février 2004
Dates :
Question publiée le 27 octobre 2003
Réponse publiée le 17 février 2004