PAC
Question de :
M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Yves Nicolin appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les préoccupations des éleveurs de la filière laitière. En effet, ils traversent une des plus graves crises depuis l'instauration des quotas laitiers qui disparaîtront en 2015, le compromis de Luxembourg qui en est à l'origine disparaissant d'ailleurs lui-même avec la future Constitution européenne. En particulier depuis le premier trimestre 2002, les prix des poudres de lait ne cessent de baisser entraînant une constante diminution du prix du lait (- 3,5 % en 2002). En 2003, le prix aura de nouveau baissé chaque semaine, du fait de la sécheresse, de 4,75 % à 7,5 %... Or cette baisse ne se répartit nullement de manière équitable entre producteurs, transformateurs et distributeurs. En outre, la consommation, particulièrement celle des ménages, n'est que peu dynamique. Parallèlement, les accords pris dans le cadre de l'OMC risquent de restreindre les débouchés des acteurs de la filière laitière et d'ouvrir le marché intérieur. De plus, les perspectives d'évolution de la politique laitière au niveau européen ne font que redoubler les inquiétudes des producteurs de lait. Dès lors, les préoccupations sont grandes pour l'ensemble des secteurs économiques au regard du poids des activités laitières et des emplois induits dans nombre de régions rurales, particulièrement dans la Loire. Aussi, il le remercie de bien vouloir lui préciser quelles sont les intentions du Gouvernement afin de soutenir la filière laitière face à de sombres perspectives européennes et mondiales.
Réponse publiée le 27 juillet 2004
La filière laitière française traverse actuellement une période de très forte inquiétude. Cette filière joue en effet un rôle essentiel non seulement, au sein de notre économie agricole, mais également pour nos territoires. Elle emploie 400 000 personnes, dont 300 000 au stade de la production. La France est le deuxième producteur européen, avec 23,5 millions de tonnes de lait de vache. Notre pays est un très grand exportateur de produits laitiers puisqu'il dégage un excédent de 2 milliards d'euros, soit le quart du solde de la balance commerciale agroalimentaire. Ces performances sont notamment le résultat d'une démarcation des produits français, que ce soit grâce à de grandes marques internationales ou des appellations d'origine contrôlée de réputation mondiale. Depuis l'instauration des quotas laitiers, la filière a su conjuguer cette réussite économique et le souci d'aménagement harmonieux du territoire. La gestion des quotas laitiers mise en place en France constitue le résultat probant d'une concertation entre les autorités nationales et tous les acteurs de la filière dont est issu un corps de règles qui utilise les possibilités offertes par l'organisation commune des marchés (OCM), lait et produits laitiers, pour s'adapter à ses spécificités. L'entrée en vigueur en 2004 des décisions prises à Berlin en 1999 et complétées le 26 juin dernier à Luxembourg va profondément modifier cette organisation commune de marché. L'accord obtenu à Luxembourg en juin dernier préserve - et la France y a veillé tout au long de la négociation - les principes essentiels de la PAC, et, en particulier, les outils de régulation économique des marchés (préservation des quotas laitiers jusqu'en 2015 notamment). Cet accord est donc plus favorable sur plusieurs points importants que l'accord de Berlin. La France a ainsi obtenu que la baisse des prix d'intervention, demandée par la Commission, soit réduite et ne concerne que le beurre, qui ne représente en France que 11 % de la transformation du lait. Elle a, en outre, obtenu que cette baisse soit compensée à 82 %, soit un taux supérieur aux compensations obtenues à Berlin. La baisse des prix d'intervention sur la poudre et le beurre, qui débutera au 1er juillet 2004, fera l'objet d'une compensation par une aide directe calculée sur la base du quota laitier détenu par chaque producteur. Cette aide directe sera totalement découplée de la production laitière à partir de l'année 2006. Les évolutions de la politique agricole commune constituent donc un bouleversement important pour une filière qui avait bénéficié jusqu'à présent d'un contexte économique relativement sécurisé. Alors même que les décisions prises pour réformer la PAC ne sont pas encore effectives, certaines d'entre elles ont déjà été anticipées par les marchés (baisse des prix notamment), générant ainsi de vives réactions des producteurs et de certains opérateurs. La filière laitière a donc des défis importants à relever, dont le plus immédiat est la renégociation de l'accord-cadre interprofessionnel sur les modalités d'évolution du prix du lait. La dénonciation par les transformateurs de l'accord de 1997, qui avait assuré une stabilité largement appréciée, a ouvert une période incertaine. Il importe que l'interprofession laitière y trouve des solutions, notamment pour ce qui concerne la disparité de rémunération entre produits industriels et produits de grande consommation (PGC). Les négociations interprofessionnelles qui se sont tenues depuis la fin janvier ont permis d'aboutir, le 2 mars, à un accord provisoire (clause de paix) jusqu'à la fin juin 2004. Cette période transitoire devra être mise à profit par l'interprofession laitière pour élaborer un nouvel accord mieux adapté aux enjeux de la filière. Parallèlement à ces négociations interprofessionnelles, il est apparu indispensable de donner à la filière laitière française une meilleure visibilité sur son avenir. A cette fin, en novembre 2003, les corps d'inspection du ministère chargé de l'agriculture ont été chargés d'une étude prospective sur l'évolution en France de l'élevage laitier ainsi que des industries de transformation et de valorisation du lait. Ce rapport a été remis le 6 février et présenté le 10 février lors d'une table ronde qui réunissait l'ensemble des acteurs de la filière. Il a été bien accueilli par les participants et constitue une base de travail partagée pour l'élaboration d'un programme stratégique destiné à adapter la filière aux enjeux de la réforme de la PAC. Ce programme devra notamment analyser les conditions d'une meilleure maîtrise de l'offre, étudier une restructuration des industries et formuler des propositions en faveur des exploitations, notamment en matière de mise aux normes et de modernisation des bâtiments. Un ingénieur général du génie rural des eaux et forêts a été chargé d'animer les sept groupes de travail chargés d'élaborer ce programme. Ils concernent l'emploi, la maîtrise de l'offre au niveau français et communautaire, les mesures en faveur des exploitations, la restructuration industrielle, les relations avec la distribution, la promotion des produits laitiers, et la recherche-innovation. Ces groupes de travail seront conduits à l'échelon national, mais également régional, afin d'intégrer, le plus possible, à la réflexion et à l'analyse, les spécificités territoriales de la production laitière française. Ce programme stratégique doit être remis au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales avant la fin juin 2004. Dans l'immédiat un crédit de 20 millions d'euros a été engagé pour réaliser les premières réformes structurelles urgentes, tant pour les exploitations que pour les transformateurs.
Auteur : M. Yves Nicolin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Dates :
Question publiée le 27 octobre 2003
Réponse publiée le 27 juillet 2004