avocats
Question de :
M. Jacques Pélissard
Jura (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Pélissard appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'indemnisation dont bénéficient les avocats dans le cadre de l'aide juridictionnelle, dispositif permettant à toute personne ayant des revenus limités de disposer d'une prise en charge totale ou partielle de sa défense par l'État. Le nombre de bénéficiaires de ce dispositif suit depuis quelques années une évolution exponentielle et atteint, aujourd'hui, le chiffre de près d'un million de personnes. Les avocats réclament dans ce cadre une réforme du dispositif passant par une rémunération qui permette à l'avocat de couvrir les frais généraux de son cabinet ainsi que sa prestation intellectuelle. Seule cette revalorisation permettrait, selon les professionnels, d'assurer une prestation de qualité équivalente, que l'avocat intervienne ou non dans le cadre de ce dispositif. L'insuffisance de l'indemnisation présente en effet la conséquence majeure d'entraîner une cohabitation de deux justices, l'une bénéficiant à ceux qui ont des moyens financiers leur permettant de recourir à un avocat en dehors de l'aide juridictionnelle et l'autre dont disposent ceux, de plus en plus nombreux, qui relèvent de l'aide juridictionnelle et qui risquent de voir leur dossier mal défendu, l'avocat étant insuffisamment indemnisé pour son travail et ne pouvant lui consacrer le temps adéquat. Une revalorisation du dispositif s'avère aujourd'hui d'autant plus urgente que la loi d'orientation et de programmation pour la justice entend effectivement améliorer l'accès des citoyens au droit et à la justice, et que certaines de ses dispositions étendent le dispositif de l'aide juridictionnelle, en prévoyant par exemple de ne pas exiger de conditions de ressources des victimes de crimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne prévus et réprimés par les articles 221-1, 221-5, 222-1 à 222-6, 222-8, 222-10, 222-14, 222-23 à 222-26 du code pénal, pour bénéficier de l'aide juridictionnelle en vue d'exercer l'action civile en réparation des dommages résultant des atteintes à la personne. Il souhaiterait dans ce cadre connaître les mesures réglementaires présentes, visant à préciser les seuils d'admission des justiciables à ce dispositf et les améliorations de la rémunération des avocats intervenant en matière d'aide juridictionnelle.
Réponse publiée le 8 décembre 2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice, assure l'honorable parlementaire de l'intérêt qu'il porte au régime de l'aide juridictionnelle et à ses évolutions, au regard notamment de la rémunération des auxiliaires de justice qui oeuvrent dans ce cadre. S'agissant du régime de l'aide juridictionnelle, le Gouvernement n'envisage pas de le réformer sur la base du projet de loi qui avait été déposé sur le bureau du Sénat en février 2002 et qui n'a recueilli aucun consensus. En revanche, le Gouvernement entend apporter des améliorations notables grâce à des mesures adaptées remédiant aux dysfonctionnements constatés. La loi d'orientation et de programmation pour la justice a inscrit l'amélioration de la rémunération des auxiliaires de justice intervenant en matière d'aide juridictionnelle comme l'une des priorités de la présente législature. La situation actuelle marque pour la Chancellerie un moment propice à la reprise des discussions sur l'avenir de ce régime. En effet, les admissions à l'aide juridictionnelle ne s'accroissent plus. Les statistiques montrent même qu'elles diminuent sensiblement depuis deux ans : après avoir atteint leur niveau le plus élevé en 1997 avec 709 606 admissions, le nombre des bénéficiaires est de 688 637 en 2002, soit une baisse d'environ 3 %. Ce mouvement, qui est à mettre en perspective avec l'accroissement des effectifs de la profession d'avocat, passés au cours de la même période de 32 997 à 38 140, soit une hausse de plus de 15 %, aboutit à une diminution globale de la charge de l'aide juridictionnelle sur cette profession. Dans un souci de cohérence et d'adaptation aux réalités de la durée des contentieux, les discussions ont été reprises par le ministère de la justice avec les représentants de la profession d'avocat en vue de réexaminer le barème de leur rétribution à l'aide juridictionnelle prévu par l'article 90 du décret du 19 décembre 1991. Des réunions de travail se sont tenues dès le mois de décembre de telle sorte qu'un nouveau barème a pu être adopté et faire l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 7 septembre 2003. Sont ainsi revalorisées des rubriques aussi importantes que les instances au fond devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce qui passeront de 20 à 26 unités de valeur, celles devant le tribunal d'instance et le juge de proximité qui sont portées à 16 unités de valeur ou encore l'assistance de l'accusé devant la cour d'assises, ou des condamnés en matière d'application des peines. Dans cette perspective également, si l'article 65 de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre dernier a permis l'octroi de l'aide juridictionnelle, sans condition de ressources, aux victimes des crimes d'atteintes les plus graves, le décret qui vient d'être publié le 7 septembre 2003 a prévu une revalorisation très significative de la rétribution des avocats qui assistent les parties civiles dans les procédures criminelles, laquelle passe de 24 à 35 unités de valeur. Il s'agit d'un effort très substantiel qui est inscrit en année pleine pour 11,3 millions d'euros dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Par ailleurs, une revalorisation du montant même de l'unité de valeur, base de la rétribution des avocats, est proposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Parallèlement à ces mesures, un groupe de travail est chargé d'examiner les conditions de mise en oeuvre de l'honoraire de résultat dans le cadre de l'aide juridictionnelle. En outre, une circulaire destinée à simplifier l'instruction des dossiers de demande d'aide juridictionnelle et à harmoniser les pratiques en ce domaine est en cours de diffusion. Cette circulaire précise les conditions d'application de deux mesures dont le financement a été prévu en 2003 ; elles consistent à supprimer de l'appréciation au titre des ressources du demandeur, d'une part, l'évaluation forfaitaire de l'hébergement gratuit au titre des avantages en nature, d'autre part, la prise en compte des ressources des parents d'un mineur dans le cadre de procédures pénales, notamment en cas de conflit d'intérêt. Cette dernière mesure permettra la rétribution systématique des avocats désignés pour assister les mineurs en matière pénale. Enfin, le ministère de la justice entend encourager le développement de l'assurance de protection juridique, laquelle permettrait aux personnes exclues de l'admission à l'aide juridictionnelle bien qu'ayant des ressources modestes d'être assistées en cas de survenance d'un litige. C'est en ce sens que la chancellerie a lancé une réflexion sur l'amélioration du fonctionnement de cette assurance, sur l'extension de son champ d'application ainsi que sur les garanties de libre choix de l'avocat et d'indépendance fonctionnelle de celui-ci.
Auteur : M. Jacques Pélissard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 16 septembre 2002
Réponse publiée le 8 décembre 2003