DOM : Guyane
Question de :
M. Dino Cinieri
Loire (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Dino Cinieri ayant été alerté sur l'importance de l'immigration clandestine dans les DOM-TOM, et surtout en Guyane, demande à Mme la ministre de l'outre-mer quelles actions elle compte mettre en oeuvre afin d'enrayer cette situation perçue comme un facteur d'insécurité et un encouragement au marché du travail clandestin.
Réponse publiée le 6 juillet 2004
Frontalière du Surinam et du Brésil (avec une frontière longue de près de 3 000 kilomètres, dont la plus grande partie en forêt dense), située à proximité immédiate de pays sud-américains confrontés aux problèmes du développement, la Guyane apparaît pour nombre de ressortissants de ces pays comme un espace de liberté et de richesse. En 2003, 5 716 personnes ont été contrôlées en situation irrégulière (dont 2 533 Brésiliens et 2 073 Surinamais), soit une augmentation de 24,94 % par rapport à 2002. L'augmentation de l'immigration clandestine dans tout l'outre-mer français, mais en particulier en Guyane, outre son incidence sur les dépenses publiques, notamment dans le domaine sanitaire et social, constitue un enjeu important sur le plan de la sécurité. La lutte contre ce phénomène porte dans plusieurs directions complémentaires. 1. Le renforcement du contrôle des frontières et la lutte contre le travail clandestin. Ce renforcement passe tout d'abord par la mise en oeuvre de moyens juridiques nouveaux. C'est ainsi que la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (art. 141 et 142) a pérennisé en Guyane (ainsi qu'à Saint-Martin) les dispositions dérogatoires rendues applicables pour cinq ans dans les quatre départements d'outre-mer par la loi du 11 mai 1998 : les refus de délivrance de titre de séjour à certains étrangers ne sont pas soumis pour avis à la commission du titre de séjour prévue par l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et le recours dirigé contre un arrêté de reconduite d'un étranger à la frontière n'y est pas suspensif. La même loi (art. 142) a prévu qu'en Guyane les membres de l'équipage d'un bateau se livrant à la pêche illicite peuvent être éloignés d'office, avec leur accord et aux frais de l'État, à destination du Brésil, du Surinam ou du Guyana, s'ils ont la nationalité de l'un de ces États. Par ailleurs, la loi du 18 mars 2003 (art. 143) a modifié l'article 78-2 du code de procédure pénale à l'effet d'étendre la possibilité de contrôler l'identité de toute personne en Guyane « sur une ligne tracée à cinq kilomètres de part et d'autre ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Régina ». On rappellera que la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (art. 69) a complété l'article 140 du code minier à l'effet de permettre la destruction des matériels saisis utilisés par les orpailleurs irréguliers et la destruction des aménagements. Cette mesure permet d'accroître l'efficacité de la lutte contre les filières d'orpaillage illicite qui favorisent par ailleurs l'entrée sur le territoire national de migrants clandestins. Au total, les résultats obtenus en Guyane dans la lutte contre l'immigration irrégulière sont significatifs : plus de 4 600 reconduites à la frontière ont été effectuées en 2003 - chiffre en constante augmentation : + 14,33 % par rapport à 2002 et + 63 % par rapport à 2001 -, soit autant de procédures de ce type que dans tout le reste de la France. Lors du premier trimestre 2004, 1 287 reconduites à la frontière ont été effectuées, soit une augmentation de 9,6 % par rapport au premier trimestre 2003. 2. Des moyens humains et matériels accrus. Le Gouvernement a souhaité déployer outre-mer, dès le mois de juin 2002, des moyens humains et matériels supplémentaires afin de tenir compte de la réalité de la pression délictueuse, en axant les priorités sur les unités d'intervention. Par ailleurs, la mise en oeuvre depuis le second trimestre 2003 des mesures prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 permet d'adapter et de renforcer le dispositif de l'ensemble des forces de police et de gendarmerie dans les collectivités concernées. Les effectifs de la police aux frontières en Guyane s'élèvent désormais à 188 fonctionnaires (+ 48 % depuis 2000) ; ceux de la gendarmerie sont de 397 militaires auxquels il faut ajouter cinq escadrons de gendarmes mobiles (340 militaires) dont deux sont spécialement chargés de la lutte contre l'immigration et l'orpaillage clandestin. Les trente-sept opérations « Anaconda », destinées à lutter contre l'orpaillage illégal, menées en 2003 dans la forêt amazonienne, ont donné des résultats encourageants (interpellation d'étrangers en situation irrégulière, saisie d'or et de mercure, saisie et destruction sur place de matériels). Vingt-deux opérations de ce type ont été menées de janvier à avril 2004 et ont permis d'appréhender 372 étrangers en situation irrégulière. Dans un souci de meilleure efficacité, les opérations Anaconda sont désormais menées en commun par les services de la gendarmerie, des douanes et de la police aux frontières, ces derniers étant plus particulièrement chargés des étrangers en situation irrégulière. Un dispositif de contrôle et de surveillance particulier a été mis en place, particulièrement sur les fleuves Maroni et Oyapock, ainsi qu'à l'aéroport, au bac international de Saint-Laurent-du-Maroni et au poste d'Iracoubo. L'extension du centre de rétention administrative de Rochambeau devrait être achevée en 2004 et permettre ainsi un doublement de la capacité d'accueil des étrangers en situation irrégulière en instance de reconduite. Enfin, à l'instar du dispositif adopté en métropole, le préfet de la Guyane, en liaison étroite avec les autorités judiciaires concernées, a mis en place dès la fin du mois de juin 2002 un groupe d'intervention régional (GIR). Cette structure opérationnelle a été adaptée aux réalités et aux enjeux locaux de la sécurité. Reposant sur une cellule permanente, le GIR a conduit et organisé une quinzaine d'opérations à l'encontre des filières d'immigration clandestine, de trafic de stupéfiants et a obtenu des résultats particulièrement significatifs. 3. Un renforcement de la coopération régionale. La coopération régionale entre tous les pays de la zone est le préalable indispensable à la lutte cohérente contre l'immigration clandestine. Le Gouvernement s'efforce ainsi d'étudier avec les pays émetteurs les moyens de mieux maîtriser les flux. Des projets d'accord de réadmission sont en cours de négociation avec le Surinam et le Guyana tandis qu'un accord de réadmission a été signé avec le Brésil dès mai 1996. Notamment, une meilleure coopération avec le consulat général du Brésil à Cayenne a permis d'améliorer les procédures de reconduite à la frontière à partir de la Guyane vers le Brésil. La situation devrait pouvoir encore s'améliorer avec l'affectation prochaine d'un officier de l'immigration brésilien à Cayenne. Par ailleurs, le centre international de coopération des services de police et de douane à proximité du pont sur l'Oyapock a été confirmé pour 2008. Dans le cadre de l'ouverture de cet axe routier reliant la Guyane et le Brésil, soixante fonctionnaires de la police aux frontières doivent être affectés en cinq ans, à raison de douze par an, au commissariat franco-brésilien à Saint-Georges de l'Oyapock. Les douze premiers ont rejoint leur poste le 15 mai 2004. Le développement d'une telle collaboration peut toutefois être entravé si le pays partenaire ne dispose pas des infrastructures ni du personnel nécessaire. Telle est la raison pour laquelle la France a proposé au Surinam la mise en place d'un projet de coopération sur trois ans, financé par le fonds de solidarité prioritaire. Ce projet, entré en vigueur en 2002, concerne la police, la justice et les douanes et vise à développer une étroite coopération entre les services compétents du Surinam et de la Guyane. Il comprend trois volets : le premier concerne la formation des magistrats et l'échange d'informations sur le fonctionnement des institutions et de la loi, le deuxième est un volet pratique sur les procédures et les arrangements administratifs, permettant une coordination institutionnelle réelle au travers de stages d'immersion d'agents français au Surinam. Enfin, une assistance technique matérielle, mobilière et immobilière, complète le dispositif.
Auteur : M. Dino Cinieri
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Dates :
Question publiée le 8 décembre 2003
Réponse publiée le 6 juillet 2004