Question écrite n° 32020 :
multipropriété

12e Législature
Question signalée le 4 mai 2004

Question de : M. Jean-Claude Perez
Aude (1re circonscription) - Socialiste

M. Jean-Claude Perez appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les abus commis par un grand nombre de sociétés de vente et de revente de semaines en temps partagé, connu aussi sous le nom de timeshare, agissant pratiquement toutes à partir du sol espagnol avec des ressortissants français à leur tête. En effet, lorsque les propriétaires de semaines de vacances se lassent de devoir payer des charges chaque année de plus en plus élevées ou ne désirent plus utiliser ce mode de vacances pour des raisons personnelles, ils se voient poursuivis pour paiement en France, ou bien leurs semaines sont confisquées sans indemnités, puis revendues. Si ces propriétaires veulent vendre leurs semaines, ils tombent alors dans le piège de la revente, gigantesque escroquerie organisée, puisque toute revente est impossible par la mauvaise volonté de ces sociétés. Aucune solution à l'heure actuelle ne s'est donc révélée possible. Il remarque que la loi n° 98-566 du 8 juillet 1998, traitant notamment de la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers et complétant la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé, est non seulement ignorée, mais aussi transgressée par des contournements de la loi qui ne sont jamais punis. Ainsi, on dénombre des milliers de victimes en France et en Europe, escroquées par des réseaux très bien organisés localisés préférentiellement en Espagne, surtout à Ténérife. Ces officines possèdent souvent des antennes dans des paradis fiscaux afin de pouvoir utiliser le fait que tout litige soit soumis irrévocablement à la juridiction plus laxiste de ces pays. Les plaintes déposées sur notre territoire sont malheureusement souvent classées sans suite, faute de moyens, de temps et de volonté de la part de l'institution justice. Les enquêtes restent donc forcément incomplètes, et la situation, plus que dramatique, ne fait qu'empirer. En conséquence, il lui demande de lui indiquer les dispositions, hautement souhaitables, qu'il compte prendre pour contrôler ou faire contrôler ces officines, connaître l'origine de leurs financements, poursuivre ou faire poursuivre les responsables de ces escroqueries afin de les mettre définitivement hors d'état de nuire.

Réponse publiée le 11 mai 2004 (Erratum publié le 1er juin 2004)

La loi n° 98-566 du 8 juillet 1998, publiée au Journal Officiel du 9 juillet 1998, a transposé dans le droit français la directive européenne 97/47/CE 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers. Ce texte a pour objectif de protéger le consommateur en réglementant le contrat passé entre un professionnel et un consommateur, défini de façon suffisamment large pour englober toutes les formes juridiques qui peuvent s'appliquer aux hébergements mis en marché sous le régime du temps partagé. Un projet de décret est actuellement soumis au Conseil d'État. Ce texte porte notamment sur le montant des garanties pour couvrir les situations de négociation directe par les agents de voyages ou d'entremise entre les promoteurs et la clientèle. Certaines difficultés ont néanmoins été recensées par les instances et les États européens après la transposition de la directive précitée, particulièrement en raison de l'évolution des pratiques du marché, des développements technologiques et de la capacité d'innovation des professionnels qui ont rendu inopérantes, au moins pour partie, les règles protectrices en vigueur. C'est la raison pour laquelle une réflexion, à laquelle est associé le secrétariat d'État au tourisme, est engagée afin d'améliorer la protection des acheteurs d'un droit d'utilisation à temps partiel d'un bien immobilier et de faire évoluer la réglementation européenne. La Chancellerie a également entrepris une opération de recensement des plaintes déposées auprès des parquets français en la matière, afin de favoriser autant que faire se peut leur regroupement au niveau national. Il convient d'ores et déjà de relever que par jugement par défaut du 9 février 2004, le tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône a décerné mandat d'arrêt contre l'auteur de tels faits, qui a été condamné à cinq ans d'emprisonnement pour escroquerie au timeshare et à la peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans, ainsi qu'à verser des dommages et intérêts à près de cent victimes. En outre, dans l'affaire dite du Lagon Vert, la cour d'appel de Paris rendra son délibéré le 11 juin 2004. En outre, une réunion a d'ores et déjà eu lieu sous l'égide d'Eurojust afin de recenser les informations nécessaires susceptibles de conduire à une stratégie de regroupement des procédures et des poursuites, cette concertation étant indispensable pour permettre une indemnisation des victimes concernées par cette escroquerie d'envergure. Il convient de relever enfin que la loi n° 204-2004 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a introduit, en droit interne, les dispositions nécessaires à la transposition de la décision instituant Eurojust du 28 février 2002. Ainsi, l'unité Eurojust a désormais le droit de demander, d'une part, aux procureurs généraux certains actes d'action publique et, d'autre part, aux autorités judiciaires des informations issues de procédures judiciaires. D'autre part, cette même loi a permis l'entrée en vigueur sur le territoire national du mandat d'arrêt européen, qui facilite et accélère, entre États membres de l'Union européenne, les procédures de remise de personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement, comme celle prononcée par le tribunal correctionnel précité. La loi du 9 mars 2004 a également transposé en droit interne les dispositions de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquête. Dans ce cadre, et notamment pour la poursuite d'escroqueries transnationales en matière de timeshare, la loi donne désormais aux agents étrangers détachés en France des pouvoirs de police judiciaire analogues à ceux d'un agent de police judiciaire et aux agents détachés français une compétence territoriale étendue à l'État dans lequel opère l'équipe commune. Enfin, l'entrée en vigueur prochaine de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale facilitera la transmission directe des demandes d'entraide entre autorités judiciaires, le recours aux technologies modernes d'enquête telles que la vidéoconférence, les livraisons surveillées et les infiltrations et offrira un cadre juridique solide aux interceptions de télécommunications. Telles sont les mesures que le Gouvernement a prises pour établir une coopération efficace entre les autorités judiciaires des États membres de l'Union européenne et qui faciliteront l'instruction des affaires d'escroqueries en matière d'achat et de revente de semaines en temps partagé.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Perez

Type de question : Question écrite

Rubrique : Propriété

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 4 mai 2004

Dates :
Question publiée le 20 janvier 2004
Réponse publiée le 11 mai 2004
Erratum de la réponse publié le 1er juin 2004

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