Question écrite n° 32981 :
Internet

12e Législature

Question de : M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste

M. Joël Giraud souhaite interpeller M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique actuellement en débat dans les instances parlementaires. L'ensemble des acteurs du net français qu'ils soient professionnels ou simples « citoyens utilisateurs », s'inquiète des conséquences néfastes de certaines dispositions contenues dans ce texte. En effet, ils craignent que ce projet, à travers les articles 43-8, et 43-9, amorce un rétrécissement des prérogatives de l'autorité judiciaire en imposant aux intermédiaires techniques de se substituer à cette dernière et entraîne ainsi la privatisation de la justice numérique. Ils condamnent également le filtrage du net prévu à l'article 43-12, qui ferait de la France le seul pays occidental à imposer cette mesure à l'instar de la Chine populaire... Conscient de la nécessité d'adapter les textes en vigueur aux réalités du net, ce projet de loi est cependant dénoncé unanimement par l'ensemble des acteurs de l'Internet comme un texte décalé et répondant uniquement aux intérêts d'un certain lobbying sous prétexte de lutter contre des utilisations effectivement inadmissibles mais pour lesquelles la réponse apportée est inappropriée. Aussi il lui demande quelles sont les mesures qu'il compte prendre afin d'apporter des réponses claires et adaptées aux différentes interrogations des internautes et leur permettre ainsi d'évoluer dans un environnement confiant et sécurisé.

Réponse publiée le 9 mars 2004

L'attention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été appelée sur le projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, et tout particulièrement sur l'inquiétude des acteurs de l'internet en France sur certaines dispositions relatives à la responsabilité des hébergeurs et fournisseurs d'accès internet. L'article 2 du projet de loi, et plus particulièrement en ce qu'il modifie les articles 43-8 et 43-9 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, établit en effet le régime de responsabilité des prestataires techniques. L'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 a été introduit par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 pour mettre un terme à l'insécurité juridique instaurée par une jurisprudence extrêmement fluctuante entre responsabilité (affaire Lacambre dite affaire Estelle Hallyday, CA Paris, 10 février 1999) et irresponsabilité (affaires Lynda Lacoste, CA Versailles, 8 juin 2000 et UEJF c/Multimania, TGI Nanterre, 24 mai 2000) des fournisseurs d'hébergement. Dans le texte de loi adopté par le Parlement le 28 juin 2000, une disposition (appelée amendement Bloche) prévoyait que la responsabilité civile et pénale des fournisseurs d'hébergement pouvait être engagée si, saisis par un tiers « estimant que le contenu qu'ils hébergent est illicite ou lui cause un préjudice », ils n'avaient pas « procédé aux diligences appropriées ». Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel (décision 2000-433 DC, 27 juillet 2000) qui a considéré que les éléments constitutifs de l'infraction pénale n'avaient pas été caractérisés de façon suffisante. Comme la responsabilité civile et la responsabilité pénale étaient confondues dans cette disposition, la censure de celle-ci par le Conseil constitutionnel a conduit à un principe d'irresponsabilité de l'hébergeur (TGI Paris, 6 février 2001) beaucoup plus large que celui prévu par la directive 2000/31/CE « commerce électronique ». En effet, contrairement à la rédaction actuelle de l'article 43-8, l'article 14 de la directive ne soumet pas la responsabilité des fournisseurs d'hébergement à l'intervention de l'autorité judiciaire : article 14 (hébergement) ; 1. les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que : a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente ou b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible. 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire. 3. Le présent article n'affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d'exiger du prestataire qu'il mette un terme à une violation ou qu'il prévienne une violation et n'affecte pas non plus la possibilité, pour les États membres, d'instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l'accès impossible. Suite à un amendement présenté par le rapporteur M. Jean Dionis du Séjour et adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale, le chapitre VI du titre II de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est abrogé, mais les dispositions du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique relatives au régime de responsabilité des prestataires techniques ont été reprises dans un nouvel article 2 bis. Elles visent à transposer le régime de responsabilité prévu par la directive 2000/31/CE « commerce électronique ». Aussi, en ne limitant pas la responsabilité de l'hébergeur à l'intervention du juge, le nouvel article 2 bis alinéas 2 et 3 est conforme à l'article 14 de la directive. Cet article a fait l'objet de nombreuses discussions au cours des différents examens parlementaires et le Gouvernement a soutenu un certain nombre d'amendements au texte initial. Ainsi, pour limiter les comportements abusifs dans un domaine aussi important que celui du retrait de contenu par un hébergeur sur intervention d'un tiers, le Gouvernement a soutenu un amendement visant à sanctionner l'abus de dénonciation de contenus auprès des hébergeurs, ce qui devrait avoir pour conséquence que ne soit porté à leur connaissance qu'un nombre limité de contenus non effectivement illicites. Ainsi, en posant l'irresponsabilité de l'hébergeur en principe, la responsabilité strictement encadrée étant l'exception, le projet de loi ne prétend pas conférer à des intermédiaires techniques un pouvoir de censure, mais répond au souci de ne pas voir une catégorie d'acteurs de l'internet exonérée de toute responsabilité. Par ailleurs, suite à l'adoption du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, la ministre déléguée à l'industrie a rencontré le lundi 19 janvier des représentants de l'Association des fournisseurs d'accès et de services internet (AFA). Le Gouvernement est prêt à débattre de modifications à soumettre au Parlement. Le dialogue ouvert dans le public devant naturellement se prolonger lors de l'examen de ce projet de loi en deuxième lecture au Sénat.

Données clés

Auteur : M. Joël Giraud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Dates :
Question publiée le 3 février 2004
Réponse publiée le 9 mars 2004

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