Question écrite n° 3316 :
défense et usage

12e Législature

Question de : M. Jacques Brunhes
Hauts-de-Seine (1re circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

M. Jacques Brunhes attire l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur un avis de la Commission européenne, transmis fin juillet à la France, lui demandant de transposer en droit interne la directive 2000/13/CE du 20 mars 2000 et de se conformer ainsi au droit communautaire en matière d'étiquetage des produits de consommation. Un arrêt, daté du 12 septembre 2000, de la Cour de justice des Communautés européennes s'oppose en effet à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires sans retenir la possibilité d'une autre langue. La démarche de la Commission a été interprétée dans les médias comme une tentative de faire adopter l'anglais comme langue dominante de l'Union européenne, et de mettre en cause l'emploi obligatoire du français pour cet étiquetage prévu par la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française. Or il semblerait que cette interprétation soit erronée : la directive 2000/13 CE autorise l'imposition d'une langue facilement comprise par le consommateur, sans exclure que d'autres langues puissent être utilisées en complément. D'ailleurs, pour répondre à la demande de la Commission, le Gouvernement s'apprête à publier un décret qui prévoit d'ajouter à l'étiquetage obligatoire en langue française la possibilité d'un étiquetage en une ou plusieurs autres langues étrangères. Cependant, afin de lever toute ambiguïté et de dissuader toute offensive future des groupes de pression anglo-saxons d'ériger l'anglais comme langue dominante de l'Union européenne, il lui demande de réaffirmer avec force le principe de la diversité linguistique et culturelle de l'Union européenne et la volonté de la France de défendre sa langue, fondement de toute culture nationale, ainsi que son droit à l'« exception culturelle ». Exprimant toute l'importance qu'il accorde à la francophonie, facteur du rayonnement international de la France, il lui réitère la nécessité d'une grande et constante vigilance afin d'assurer son maintien et son développement.

Réponse publiée le 18 novembre 2002

L'honorable parlementaire relève à juste titre l'importance qui s'attache au respect de l'usage de notre langue dans les documents disponibles pour les consommateurs de produits distribués en France. Par un arrêt rendu le 12 septembre 2000 la Cour de justice des Communautés européennes a répondu à une question préjudicielle soulevée par la cour d'appel de Lyon sur la compatibilité de l'article R. 112-8 de notre code de la consommation, qui prévoit que les mentions d'étiquetage des denrées alimentaires doivent être rédigées en langue française, avec le droit communautaire. La Cour de justice des Communautés a alors estimé que la législation européenne sur l'étiquetage « s'oppose à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires sans retenir la possibilité qu'une autre langue facilement comprise par les acheteurs soit utilisée ou que l'information des consommateurs soit assurée par d'autres moyens ». La Commission européenne ayant par la suite interrogé les autorités françaises sur les conséquences qu'elles entendaient tirer de cet arrêt, la France a soumis à la Commission européenne, en janvier 2002, un projet de décret autorisant l'étiquetage en français et en d'autres langues, afin de se mettre en conformité avec la législation européenne, et a reçu son accord sur ce texte. Celui-ci ayant cependant tardé à être adopté, la Commission a réitéré à plusieurs reprises le souhait que la France mette sa législation en conformité avec l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, puis a émis, le 17 juillet dernier, un avis motivé enjoignant à la France de s'exécuter. Cet avis motivé constituait donc la marque de son impatience. Il serait donc fort excessif de l'interpréter comme offrant la possibilité, au nom de la libre circulation des marchandises, de libeller les étiquettes des produits vendus en France dans une autre langue que le français, à l'exclusion de ce dernier. Ce serait d'autant moins acceptable qu'une telle conséquence mettrait en cause la loi du 4 août 1994 (loi Toubon) relative à l'emploi de la langue française au respect de laquelle le Gouvernement est très attaché et serait en contradiction avec les progrès significatifs qu'une étroite concertation entre la France et la Commission de Bruxelles a permis d'accomplir sur cette question. Le 1er août 2002, un décret, n° 2002-1025, est donc venu modifier la rédaction de l'article R. 112-8 du code de la consommation qui dispose dorénavant que « les mentions d'étiquetage prévues par le présent chapitre peuvent figurer en outre dans une ou plusieurs autres langues ». Dans la pratique, l'étiquetage en plusieurs langues, dont le français, qui obéit à un double impératif de sécurité sanitaire et d'information, était déjà fréquent même s'il n'était pas explicitement prévu par le code de la consommation.

Données clés

Auteur : M. Jacques Brunhes

Type de question : Question écrite

Rubrique : Langue française

Ministère interrogé : coopération et francophonie

Ministère répondant : coopération et francophonie

Dates :
Question publiée le 23 septembre 2002
Réponse publiée le 18 novembre 2002

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