Question écrite n° 35994 :
infractions

12e Législature

Question de : Mme Martine Lignières-Cassou
Pyrénées-Atlantiques (1re circonscription) - Socialiste

Mme Martine Lignières-Cassou souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le traitement judiciaire des accidents de la route. L'association Tonyman, la route tue domiciliée à Strasbourg sollicite en particulier l'attention des pouvoirs publics sur les nombreux classements sans suite des enquêtes sur les accidents de la route. Au regard des témoignages recueillis par l'association, il serait en effet souhaitable que les procédures concernant la délinquance routière soient traitées par les services de la justice avec plus de moyens et de rigueur. Les familles de victimes ont souvent le sentiment que les homicides sur route sont traités de manière légère. Lorsque les procédures ne sont pas classées sans suite faute de moyens suffisants consacrés à l'enquête, les condamnations sont généralement sans commune mesure avec le préjudice des victimes ou des proches des victimes. L'intention criminelle devrait pourtant être retenue lorsqu'un chauffard se place délibérément dans une situation interdite par le code de la route. Elle lui demande en conséquence de lui faire connaître la proportion de classements sans suite en matière de délits routiers et de lui préciser de quelle manière il entend améliorer le traitement judiciaire des actes de délinquance routière.

Réponse publiée le 15 août 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, tient à assurer à l'honorable parlementaire que les infractions dites routières, qui constituent un contentieux de masse, font l'objet d'un traitement particulièrement attentif de la part de l'ensemble de l'institution judiciaire. Il lui paraît tout d'abord essentiel de rappeler l'ampleur du travail législatif réalisé depuis que le Président de la République a érigé la lutte contre l'insécurité routière en priorité de son mandat. Ainsi, la loi du 3 février 2003 a instauré la répression de la conduite sous l'influence de produits stupéfiants, et l'a érigé cet état en circonstance aggravante en cas d'homicides ou de blessures involontaires. La loi du 12 juin 2003 a eu pour objet, d'une part, de renforcer l'efficacité de la justice pénale dans le traitement du contentieux routier, et d'autre part, d'améliorer la responsabilisation des conducteurs, particulièrement des novices et des récidivistes. Elle a notamment aggravé la répression des atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne commises à l'occasion de la conduite d'un véhicule par l'allongement du quantum des peines d'emprisonnement ; la répression de la récidive en matière routière, d'une part en allongeant le délai durant lequel une infraction peut être commise en état de récidive légale et d'autre part en créant de nouveaux cas d'assimilation de délits routiers au regard de la récidive ; la répression en matière de peines complémentaires en supprimant la possibilité d'aménager la peine de suspension du permis de conduire (« permis blanc ») et en instaurant l'annulation automatique du permis de conduire en cas d'homicide ou de blessures involontaires aggravées. De même ont été étendues les hypothèses de recours à la peine d'interdiction de conduire certains véhicules ainsi que les cas de confiscation et d'immobilisation des véhicules. La loi a aussi créé la peine complémentaire de stage de sensibilisation à la sécurité routière et posé les bases juridiques du système de contrôle-sanction automatisé. Enfin, la loi du 9 mars 2004 a aggravé la répression en matière d'infractions au code de la route au travers de la correctionnalisation de la conduite sans permis de conduire ou sans assurance. Afin de coordonner l'action des parquets dans la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions, une circulaire générale d'action publique en matière de sécurité routière a été diffusée le 28 juillet 2004. Cette circulaire avait trois objectifs principaux : inciter les parquets et parquets généraux à mobiliser l'ensemble des services de l'État ; accentuer la prise en considération des victimes ; renforcer l'efficacité et la sévérité de la réponse pénale. Cette politique normative volontariste s'est accompagnée d'un accroissement sensible de l'activité juridictionnelle. Ainsi, le nombre de jugements prononcés pour des contraventions ou des délits routiers est passé de 205 725 en 2002 à 242 430 en 2004, soit une hausse de 17,8 %. De même la sévérité des juridictions à l'encontre des auteurs d'homicides involontaires s'est sensiblement aggravée. La part des condamnations assorties d'une peine d'emprisonnement totalement ou partiellement ferme est passée de 20 % en 2000 à 30 % en 2004. Dans le même temps, la durée moyenne de l'emprisonnement ferme est passée de 9,2 mois à 19,3 mois. Cette forte mobilisation de l'autorité judiciaire a largement contribué à l'amélioration très sensible du bilan de la sécurité routière qui s'est traduite, entre 2001 et 2005, par une baisse du nombre de personnes tuées de 35,6 % et du nombre de personnes blessées de 29,6 %. Depuis quatre ans, le nombre de vies sauvées est ainsi estimé à 8 000. Le garde des sceaux souhaite néanmoins rappeler que les décisions de justice en ce qui concerne la culpabilité et la peine sont rendues par des juridictions qui sont indépendantes et qui ont la charge d'apprécier les responsabilités pénales en fonction des circonstances de chaque affaire, tout en faisant application du principe de l'individualisation des peines. Il convient enfin d'appeler l'attention de l'honorable parlementaire sur le fait que si le droit positif autorise déjà une répression plus sévère des auteurs d'homicides involontaires aggravés, l'intention homicide ne saurait être retenue en dehors des hypothèses où peut être prouvée la volonté de l'auteur des faits de causer la mort d'autrui.

Données clés

Auteur : Mme Martine Lignières-Cassou

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 16 mars 2004
Réponse publiée le 15 août 2006

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